** BONUS : Partie 21 **

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Alors que je l'entendais se démener dans sa cuisine, je patientais, installée sur son divan, mais avec les genoux qui jouaient des castagnettes. Elle revint peu de temps après, poussant un petit chariot sur lequel elle avait disposé une théière et deux jolies tasses de porcelaine avec leur soucoupe accordée. Pour accompagner le breuvage, elle avait également amené une assiette de divers petits gâteaux. Un vrai petit goûter !

- Allez qu'est-ce que tu me racontes de beau, ma petite Clarissa ! Dis-moi tout !

Alors, pour débuter tranquillement notre conversation, je lui racontais un peu ma vie: mon cursus au lycée, mes futures études à la fac... Et bien entendu, que j'étais une passionnée d'histoire. Tout en lui parlant de mon quotidien, je commençais à me détendre, j'étais plus à l'aise. Je sentais qu'il était temps que je lui parle du carnet...

- En fait, si je suis venue vous voir aujourd'hui. C'est parce que je voulais vous poser une question, Madame Monnier.

- Oh ! Pas de Madame avec moi ! Appelle-moi Marie !

Marie, oui. Enfin... Etais-je en train de penser.

- D'accord, comme vous voudrez, Marie ! Donc, comme je vous le disais précédemment, j'avais une question à vous poser... Est-ce que...

C'était difficile à formuler. Bien plus que je ne me l'avais imaginé.

- Est-ce que vous avez participé au vide-grenier du quartier, il y a de cela quelques semaines ?

Voilà. C'était dit. J'avais un pied qui frôlait le gouffre de la vérité. Et j'attendais que Marie «slash» Madeleine vienne terminer de me pousser dedans.

- Un vide-grenier ? Oui, ça me dit quelque chose... Mon petit-fils, Mathias, m'a parlé d'un évènement comme ça dans notre quartier. Mais personnellement je n'y ai pas participé. Pourquoi cette question ? me demanda-t-elle, interloquée.

- Il s'avère que j'y ai fait un tour, et sur l'un des étals, j'ai trouvé un livre que j'ai acheté. Enfin un livre, ce n'est pas vraiment un livre, c'est plutôt, un carnet. Un carnet avec une écriture manuscrite à l'intérieur.

Et tout en essayant de lui expliquer comment j'avais fait l'acquisition de son journal intime, je commençais à farfouiller dans mon sac pour en sortir l'objet en question.

- Voilà, c'est de ce carnet dont je vous parle. Est-ce que vous le reconnaissez ?

J'avais le journal intime de Madeleine entre les mains. Dès que cette dernière aperçut la couverture, je la vis écarquiller les yeux aussi grands que les soucoupes que nous avions sous nos tasses de thé. Elle l'avait reconnu, j'en étais persuadée. Je savais en voyant sa réaction que c'était bien son journal. Mais je voulais vraiment qu'elle me dise que c'était le sien, que son prénom n'était pas Marie, mais qu'en vérité c'était bien Madeleine, et qu'elle avait vécu tout ce qu'elle avait couché le papier.

- C'est votre journal, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ... Madeleine ?

Je crois que toutes les révélations que je venais de lui asséner, l'avait rendue muette. De plus, elle était complètement blême. J'avais peur que son cœur ne supporte pas la nouvelle et qu'elle me fasse une attaque, et que je me la retrouve à mes pieds, sans connaissance. Son visage qui avait montré tant d'amabilité quand nous nous sommes vues sur le pas de sa porte, exprimait maintenant un mélange d'effroi et de stupeur.

- Mais... Mais... Que fais-tu donc avec ceci ? Je... Je ne comprends pas...

Elle était complétement perdue, mais son regard perçant ne cillait pas. Il était fixé sur le journal intime.

- Je crois qu'il vous appartient, non ? Et si je suis là, en face de vous, ce n'est pas par hasard. C'est que je voulais vous le rendre.

Alors bien sûr, je vous avouerai que j'ai lu chaque page, chaque mot que vous avez écrit, et cela m'a bouleversée. Vous ne pouvez pas savoir l'impact que votre vie a eu sur la mienne. Au début, j'ai cru à un canular. Puis je me suis laissée prendre par l'histoire et enfin, par vous et par vos mots. Je vous ai appréciée, j'ai souffert avec vous, j'ai aimé avec vous, j'ai appris tant de choses en vous lisant, des choses sur le passé, mais aussi sur mon présent.

J'ai vu en vous une femme forte, digne, courageuse, qui a su prendre le dessus et qui a finalement su se créer une vie, où le bonheur des autres lui était plus important. Et quand, j'ai fini de vous lire, je me suis mise en tête de vous retrouver. Vivante ou non, peu importait, je désirais seulement en savoir plus sur l'existence de la jeune femme qui avait déversé son cœur et son âme dans ses pages. Avoir un vrai point final. Car en réalité, je n'arrivais pas à me résoudre à quitter la Madeleine du journal intime.

Alors j'ai fait des recherches et je vous ai trouvée...

Vous êtes bien Madeleine, Madeleine Dumont, épouse de Victor Monnier. Ayant eu une fille aînée prénommée Garance, car ainsi, elle vous rappelait à jamais les nuits de tendresse dans l'atelier de couture avec Werner, le jeune et beau soldat allemand dont vous êtes tombée amoureuse lorsque vous étiez adolescente.

J'ai raison, n'est-ce pas ?

Madeleine, j'ai besoin que vous me le disiez...

Elle prit une profonde inspiration pour, je pense, reprendre un peu de contenance. Mes paroles l'avaient peut-être aussi un peu touchée, car je voyais que ses yeux étaient embués. À fleur de peau depuis que j'étais entrée chez elle, et la voyant si bouleversée, mes yeux se remplirent également de larmes. J'avais eu dans les mains une partie de sa vie et je pouvais comprendre qu'elle puisse éventuellement se sentir comme déposséder de ses secrets par moi, la jeune fille étrangère, qui avait lu son journal.

- Oui. Tu as raison c'est bien mon journal intime et je ne m'appelle pas Marie. Je m'appelle Madeleine.

Mes larmes se déversaient sur mes joues et, avec des sanglots dans la voix, je commençais à lui poser toutes les questions dont j'avais besoin de connaître les réponses :

- Madeleine il faut absolument que vous me disiez pourquoi vous êtes-vous séparée de votre journal intime ?

- Ma petite, je ne savais même pas qu'il n'était plus en ma possession.

- Hein ? Mais comment ça ?

- Eh bien ! oui, je croyais toujours qu'il était dans mon grenier, dans une vieille malle où je l'avais caché.

- Mais comment s'est-il retrouvé au vide-grenier, lui demandais-je.

- Malheureusement, j'ai bien ma petite idée. Le week-end avant ce fameux vide-grenier, mon petit-fils Mathias, est venu me rendre visite. Sur le chemin, il a vu une banderole annonçant l'évènement. Comme je lui avais parlé que je voulais ranger toutes mes affaires accumulées depuis des années, il a vu une opportunité. Donc une fois arrivé ici, il a entrepris de faire de la place dans mon grenier, et comme je lui ai dit qu'il avait carte blanche sur le choix des objets à garder ou à vendre, je suppose qu'il a trouvé mon journal sans savoir ce que c'était...

Cette histoire était de plus en plus folle. Ce n'était, en fait, qu'un simple embrouillamini entre un petit-fils et sa grand-mère, qui avait fait de moi la détentrice du journal.

- Heureusement que tu es tombée dessus, rajouta Madeleine. Car même si je l'avais remisé, je n'aurais jamais pu m'en débarrasser.

Alors sans dire un mot de plus, je remis entre les mains de la véritable propriétaire, ce journal intime qui avait tant compté pour moi, mais qui, aux yeux de Madeleine, avait bien plus d'importance encore.

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant