Partie 4

774 58 0
                                    

Je refermais le journal intime de Madeleine.

Je venais de me prendre une sacrée claque.

J'étais sonnée.

En tout cas si ce carnet était un faux, c'était extrêmement bien fait. Je n'en croyais pas mes yeux de lire une pareille histoire.
En effet cela pouvait ressemblait à n'importe quel scénario de série, ou de film,  sur la Seconde Guerre Mondiale, mais chaque mot sonnait vrai et j'avais vraiment l'envie irraisonnée de compulser chaque page et de m'imprégner de la vie de Madeleine.

Elle avait une quinzaine d'années et elle avait dû grandir plus vite que la normale. S'en sortir et vivre, c'était ce qui importait durant cette époque. Alors que, si je me comparais, moi à quinze ans, j'attendais quoi de la vie ? J'attendais la fin de la semaine avec impatience, pour faire quoi ? Sortir avec mes amis, tchatter sur des forums, envoyer des textos... Que de platitude en fait ! Ma vie se résumait au débriefe du dernier épisode de ma série préférée, de participer aux ragots et de connaître les histoires de cœur de mes petits camarades. En vérité, j'étais futile alors que je croyais que j'avais vécu les meilleures années de ma jeunesse. Mais Madeleine, elle, elle a dû trouver une force inégalée pour ravaler sa peine et avancer tant bien que mal.

J'étais admirative. Plus que ça: j'étais fan. C'était mon héroïne. Si Madeleine avait réellement existé, ce devait vraiment être un sacré numéro. Je ne connaissais que le début de son adolescence mais je voulais également connaître la femme qu'elle allait devenir et j'espérais en avoir un aperçu en lisant la suite.

Je pensais qu'effectivement son histoire n'allait pas se terminer de suite car je savais, par la date inscrite en début du carnet, qu'elle avait au moins vécu jusqu'à la Libération et que de Paris, ville où commençait son récit, elle était arrivée jusqu'ici, à Bordeaux.

Qu'avait-elle vécu entre le moment où sa famille fut amenée par les Allemands, et cette date de 1945 ? Comment, et surtout pourquoi, avait-elle quitté la capitale pour se retrouver à Bordeaux ?

Bien d'autres questions se bousculaient  dans mon cerveau.

Sans plus attendre, et pour trouver réponses aux questions que je venais de me poser, j'entrepris de continuer ma lecture.


« L'histoire des cousins éloignés que j'avais écrite à Mme Faberg n'était qu'une histoire inventée de toutes pièces, pour que, celle qui avait su m'aider ne s'inquiète pas trop de ce que j'allais devenir. Je ne savais pas trop où aller. Et même si l'envie de retourner dans le petit appartement de notre voisine fut vraiment très forte, je ne pouvais décemment pas être la source de soucis supplémentaires pour Martine Faberg et ses enfants. »

« Je marchais lentement dans la ville, essayant de paraître ombre parmi les ombres ; évitant de passer devant les bâtiments réquisitionnés par les Allemands et de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à l'envahisseur germanique. Je m'asseyais quelques heures sur un banc, histoire de faire passer le temps, et reprenais ma marche silencieuse avant de m'asseoir de nouveau sur un autre banc un peu plus loin. »

« Je voyais que le jour commençait à décliner. L'heure du couvre-feu n'allait pas tarder. Il fallait que je me trouve une cachette, un endroit où je pourrais être en sécurité, dans lequel je ne mettrais personne d'autre en danger et il fallait que je le trouve. Et vite. Soudain, j'eus une idée. De premier abord, elle me semblait folle, mais plus j'y réfléchissais plus cette solution me paraissait être la meilleure : j'allais me réfugier dans l'atelier de couture où je faisais mon apprentissage. »

« En effet, l'atelier de M. Bertrand était situé dans la cour intérieure d'un vieil immeuble. Excentré de la rue, personne, et surtout pas les Allemands, ne pourrait voir que le local était habité pendant les heures de fermeture. De plus pendant la nuit, tous les employés rentraient chez eux, avant de reprendre le lendemain à 7 heures, ce qui me laissait tout le temps de me reposer, de me réveiller et de sortir du bâtiment, pour ainsi faire croire aux autres couturiers et couturières, que je venais d'arriver pour travailler. Dans ma tête, c'était aussi simple que cela et je pensais que ce plan était infaillible. »

« M. Bertrand était un gentil et vieux bonhomme, et j'étais presque sûre que si j'avais demandé de l'aide à mon employeur, ce dernier aurait accepté... Enfin peut-être. En y repensant des années après, il fallait bien que je m'avoue que ce n'était pas une si bonne idée. Mais sous le coup de l'urgence à prendre une décision, je n'avais pas si bien réfléchi aux conséquences. »

« Je pressais le pas jusqu'à la rue où se situait l'atelier. La journée s'était déjà terminée depuis une bonne demi-heure pour les employés, ce qui voulait dire que les locaux étaient vides de toute présence. C'était donc le moment pour moi de m'infiltrer parmi les machines à coudre et les lés de tissus. »

« La porte principale était fermée à clé. Normal. Mais je savais qu'il existait une fenêtre dont les battants ne jointaient pas bien, en les poussant un peu fortement, je pouvais rentrer. Les fumeurs profitaient de ce défaut pour faire disparaître toute odeur de cigarette. M. Bertrand interdisait à tout le monde de fumer à l'intérieur, une cendre pouvait tomber sur les tissus, faire un trou, ou bien pire, brûler toute la matière première en un rien de temps. Malgré l'interdiction, certains ne pouvaient renoncer à leurs sacro-saintes cigarettes. En revanche, depuis le début de la guerre, certains fumeurs invétérés, avaient fini par abandonner cette manie. Mais la fenêtre, n'en avait pas été réparée plus rapidement, une chance pour moi. »


« Et la chance fut avec moi car mes efforts furent récompenser : la fenêtre s'ouvrit sans trop de difficulté. A l'intérieur il faisait sombre. Heureusement que je connaissais cet endroit parfaitement et que je me souvenais de l'emplacement de chaque table, chaque chaise, ce qui me permit de ne pas trop faire de bruit et de ne pas alerter certaines personnes du voisinage. Je zigzaguais entre le mobilier composant l'atelier, pour atteindre une petite réserve dans le fond. C'était plus un placard qu'une réserve, pratiquement personne ne venait en ouvrir la porte. J'avais découvert cet endroit pendant les toutes premières semaines, alors que je venais à peine d'intégrer l'atelier et je savais qu'à l'intérieur, se trouvait quelques bouts de chandelles qui allaient me servir à m'éclairer. De plus, il y avait un espace suffisamment large au sol pour que je puisse m'y glisser et y cacher mes affaires. »


« Je passais donc ma première nuit sur le lieu de mon travail. »

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant