Partie 10

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La tête rejetée en arrière, les yeux dans le vague, je scrutais le ciel où je voyais défiler mollement quelques nuages blancs.

Après ce que je venais de lire, il me fallait quelques instants.

L'amour.

On en revenait toujours à cela.

Madeleine y avait succombé. Passionnément. Douloureusement.

Elle avait vécu la plus belle chose au monde, alors que tout autour d'elle n'était que désespoir. Elle s'était créé une bulle de vie où elle avait tout oublié. Dans les bras d'un homme, dans la volupté d'un amour, lors d'instants fugaces volés au temps.

C'était beau l'amour. Des fois. Et malgré tout.

Quand on nous apprenait l'Histoire au lycée, on parlait de dates, de faits historiques, mais la vie quotidienne des gens, ce n'était pas forcément des choses qu'on nous inculquait. Comme si cela n'était pas important, comme si cela ne pouvait pas faire partie de nos manuels. Mais en fait, c'était le plus important ! Comment nos ancêtres avaient pu traverser ces années, comment les femmes, les enfants, avaient survécu à tout ceci ; et d'ailleurs, qu'est-ce que mes grands- parents avaient fait durant cette Guerre mondiale ? A cette dernière question je n'aurai jamais de réponses, car je ne les avais jamais connus. Je n'avais donc plus dans mon entourage, des personnes susceptibles de m'aiguiller et de me raconter la vérité de la vie en ce temps-là.

C'était par Madeleine, que j'avais des indices. En lisant entre ses dernières lignes, j'y ai décelé que ce qui était le plus important c'était la relation entre les gens. Que ce soit de l'amour ou de l'amitié, il était clair que sans la présence de personnes autour d'elle, elle ne s'en serait jamais sortie seule. Madame Faberg, sa voisine, qui l'avait recueillie ; Werner, qui lui avait fait découvrir l'amour et Madame Alice qui l'avait protégée.

En songeant à tous ces sentiments, je ne pus m'empêcher de repenser à Valentin.

Je le savais bien que c'était du grand n'importe quoi, et que cela ne menait à rien de ressasser le passé, mais que pouvais-je y faire ? J'étais en train de vivre par procuration tout l'amour qu'il y avait eu autour de Madeleine. Alors, ma tête et mon cœur se mirent d'accord pour jouer de concert la ballade de Valentin. Une mélodie qui me faisait me souvenir de nos rendez-vous, de nos baisers, de notre intimité...

Non, il fallait que j'oublie. Que je l'oublie, lui.

Valentin n'était qu'un moment de la vie de la Clarissa du passé. La Clarissa de maintenant, avait de nouvelles choses à construire, et Valentin ne faisait plus partie du tableau.

Exit le chamboulement de l'esprit, je devais me concentrer sur quelque chose d'autre, et ce qui me tenait en haleine ces derniers jours, c'était le journal intime de Madeleine. Et les seules questions qui devaient me tarauder à présent, devaient être : Qu'allait-il se passer pour mon héroïne de papier ? Parce que, franchement, son histoire ressemblait de plus en plus à un scénar de production hollywoodienne et à chaque page j'attendais, retenant mon souffle, le cliffhanger de l'histoire. Là où je me trouvais dans le récit de Madeleine, elle était vraiment en très mauvaise posture et le pompon, c'est qu'elle était tombée enceinte ! Mais qu'allait-elle faire avec un bébé ? Et avec Werner ? Est-ce que tout était vraiment joué d'avance ?

Il fallait que j'en sache plus.

« Madame Alice resta avec moi une bonne partie de la nuit. Dans la continuité de nos révélations respectives, elle me fit part de la plus surprenante que j'eus entendu à son sujet ».

« Si elle avait gardé le secret de mon intrusion, si elle ne m'avait pas renvoyé comme une malpropre, ce n'était pas seulement parce que c'était une femme et que se serrer les coudes entre personnes du même sexe était logique ; mais c'était surtout parce qu'Alice Bernard n'était pas une collabo, mais, une résistante... »

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant