Partie 14

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La journée s'était étirée et je ne m'en étais pas rendu compte. A chaque fois que je me perdais dans les souvenirs de Madeleine, je perdais la notion du temps.

Quand j'entendis la porte du garage s'ouvrir, comme prise sur le fait, j'arrêtais ma lecture et cachais le journal intime sous un coussin du transat. Mes parents étaient maintenant de retour à la maison.

Je ne sais pas pourquoi j'agissais ainsi, ce n'était qu'un vieux carnet après tout, mais tant que je ne l'avais pas terminé, je ne voulais pas que l'on sache ce que j'étais en train de lire, et je ne voulais surtout pas le partager.

Cela me remuait tant les tripes et le cœur, que je ne voulais pas en parler. Pas encore.

La soirée avec mes parents se déroula comme d'habitude : ils parlaient et j'écoutais. Mais de loin.

Alors que je me demandais je pourrais retrouver Madeleine, je fus surprise par le bip-bip de mon portable. C'était un son que je n'avais plus entendu depuis plusieurs semaines, la sonnerie étant celle que j'avais paramétrée pour identifier quand Valentin m'envoyait des textos. Je pris alors mon téléphone et découvrit que c'était effectivement bien lui qui tentait de reprendre contact avec moi.

Que me voulait-il ?

J'ouvris le message.

« Salut Clarissa. Je voulais juste savoir comment tu allais. »

Le gars était gonflé. C'était lui qui avait mis un terme à notre histoire et voilà qu'il m'envoyait un SMS comme si de rien n'était ! J'étais prise entre l'envie de tout supprimer, et...

Et l'envie de répondre...

Je savais que ce n'était pas une bonne idée mais pourquoi cherchait-il à prendre de mes nouvelles ? La curiosité fut plus forte, je lui répondis. Nous commençâmes alors une discussion par messages interposés :

- Ça va, lui répondis-je.

- Qu'est-ce que tu deviens ? me répondit-il à son tour.

Il n'était pas croyable. Fallait-il que je lui rafraîchisse la mémoire ? Il pensait à quoi en me posant cette question ? Cela commençait vraiment à m'exaspérer.

- Rien. C'est les vacances, j'profite.

- T'es pas partie avec Chris et les potes au camping ?

- Non.

- Ah ok, j'croyais.

Et en plus il faisait l'imbécile. Il le savait très bien que je n'étais pas partie avec nos amis. Mais il me voulait quoi à la fin ? J'essayai donc de lui faire cracher le morceau en posant une question à mon tour :

- Et toi tu fais quoi pendant tes vacances ?

- Ben pareil, j'profite : je dors, plage, tout ça quoi...

- D'ac.

Bon. Je n'apprenais rien de bien folichon. Mais j'avais dû lui donner le courage nécessaire pour qu'il ose enfin me poser LA question :

- Et vu que t'es dans le coin. Tu crois qu'on pourrait se voir ?

Panique à bord ! Je répondais quoi, moi maintenant... Il voulait qu'on se voie... Mais moi en avais-je seulement l'envie ?

Il fallait que je réfléchisse quelques instants.

Les contre : c'était mon ex. Les pour : c'était mon ex. Ok, ça ne m'avançait pas ce genre de raisonnement.

Je m'étais isolée dans ma chambre dès que j'avais vu sur l'écran de mon téléphone que c'était Valentin. Je me retrouvais à faire les cent pas, tournant et retournant dans ma chambre comme un lion en cage. Qu'est-ce que j'allais faire ?

Puis mes yeux tombèrent sur la couverture du journal de Madeleine. Instantanément, mes pieds arrêtèrent leur marche folle. En le regardant, il me revint en tête tout ce que j'avais lu d'elle, tout ce qu'elle avait vécu, les bons et les mauvais moments. Je me souvins de l'amour sans concession que Madeleine avait ressenti pour Werner. Est-ce que Valentin était mon Werner ? Tout comme Madeleine, j'avais l'impression que mon histoire n'était pas totalement terminée et qu'il fallait que je voie par moi-même ce qu'il en était ? Soit j'étais toujours amoureuse de Valentin et nous pouvions peut-être reprendre là où nous nous en étions arrêtés ; soit il fallait que je mette un point final à tout ceci, pour repartir vers quelque chose de plus serein.

Alors je lui ai envoyé un dernier message pour lui répondre que oui, on pouvait se voir.

- Demain aprèm ça ira ? me répondit-il

- OK.

Le rendez-vous était pris. Il me proposa que l'on se retrouve dans un parc à côté de chez lui. J'acceptais, ne sachant pas trop ce qui allait m'arriver, mais je savais qu'il fallait que je le fasse, que je le voie une dernière fois.

Je passais une nuit mouvementée.

Mon esprit s'évadant entre mes propres souvenirs et ceux que j'avais lus de Madeleine. Tout se mélangeait. Je me voyais m'enfuir au travers d'une sombre forêt sans jamais y voir le bout du chemin. À certains moments ce n'était plus moi qui était en train de courir, mais Madeleine criant les prénoms de Garance et de Werner. J'étais tellement stressée que je me levais aux aurores. Je regardais les heures qui s'égrenaient attendant, impatiente et paniquée, que l'heure de mon rendez-vous arrive.

Puis ce fut enfin l'heure.

J'étais arrivée avec énormément d'avance. Dans le lointain, je le vis arriver, reconnaissant sa parfaite silhouette. Il était incontestablement beau. Quand il s'approcha de moi, je pus remarquer que l'été et le soleil avait légèrement hâlé sa peau. Je frémis plus que de raison quand il frôla mes joues lorsque nous nous fîmes la bise pour nous saluer.

Ah ! Toi, mon cœur, que me fais-tu faire ?! Et toi mon cerveau, où te trouves-tu ?!

C'était l'affolement.

Je sentais que mes poils se hérissaient et que ma peau frissonnait. Ce n'était absolument pas ce que je voulais ! Je voulais rester le plus stoïque possible ! L'essentiel étant que Valentin ne se rende pas compte du chavirement que me causait notre rencontre.

- Je suis content de te voir, me dit-il, brisant le silence.

- Je suis contente aussi, répondis-je.

Mais, tout en lui répondant cette phrase, je pensais que c'était bien là le fond du problème. Que c'était malheureusement la vérité. Que j'étais heureuse d'être en sa présence.

- Si je voulais te voir c'était pour te parler de quelque chose, enfin... pour te demander quelque chose...

Il était hésitant. Lui qui d'habitude était si confiant. Il était tant confus qu'il en était presque touchant.

- Et c'est quoi cette chose que tu as à me demander ?

- Clarissa, j'arrive pas à t'oublier. Voilà.

Si je n'avais pas été déjà assise, je crois que j'aurais pu tomber dans les pommes tellement cette révélation me laissa comme deux ronds de flan.

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant