** BONUS : Partie 19 **

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Je laissais passer la nuit.

Et elle ne fut pas du tout reposante, car je n'arrêtais pas de penser à Madeleine. Je voulais tellement trouver des renseignements qui me permettraient de découvrir ce qui était advenu d'elle, de Garance, de Victor et de leur futur enfant.

Dans mes nombreuses heures passées devant mon écran d'ordinateur, j'avais même trouvé que Victor Monnier et qu'une certaine Marie Dumont, épouse Monnier, avait eu un enfant en 1949. Celui-ci avait été prénommé Charles.

Mon esprit me jouait peut-être des tours mais je fis quelques déductions, qui ne se basaient que sur de simples suppositions de ma part, certes, mais dans lesquelles j'y voyais une logique.

Avec le bébé Vincent né en 1946, je ne pouvais m'empêcher de penser que ce prénom avait des sonorités plus ou moins proches du prénom Werner ; et quant au prénommé Charles né en 1949... Charles, Charlotte... comme la petite sœur disparue de Madeleine ! C'était plausible mais était-ce la vérité ? Ou voulais-je juste y voir une cohérence qui me permettrait de me rassurer dans l'avancement de ma quête ?

C'était à se taper la tête contre les murs et à s'en arracher les cheveux !

Madeleine où étais-tu ? Qu'as-tu fait de ta vie ?

Il me fallait une certitude.

Ne dormant plus vraiment, je me levai au petit jour pour me rendre à l'état civil de Bordeaux. Je ne savais pas trop comment j'allais faire pour y pénétrer sans rendez-vous mais j'étais prête à mentir, à inventer une histoire dans laquelle je réalisais un arbre généalogique, ou quelque chose de tel, juste pour avoir une preuve visuelle, pour avoir un véritable indice.

Mais je n'eus pas besoin d'utiliser de mensonges. Etonnamment, il m'a suffi de raconter la vérité à la dame de l'accueil et de lui montrer le journal intime de Madeleine ; en effet depuis que j'en avais lu le tout dernier mot, je le gardais tout le temps sur moi. Je pense que cette charmante dame avait une sensibilité à fleur de peau, car lors du rapide résumé que je lui fis sur la vie de Madeleine, je vis ses yeux s'embrumer de larmes et elle me laissa passer sans me demander ni carte d'identité, ni autre papier prouvant que je faisais bien des recherches, même si c'était sur une famille que je ne connaissais que sur le papier et avec qui je n'avais aucun lien de parenté.

C'était très agréable de voir que je n'étais pas la seule à trouver que l'histoire de Madeleine était bouleversante. Et surtout de constater que le destin de cette femme d'une autre époque, pouvait toucher des gens plus jeunes comme plus âgés.

Je passais quasiment toute ma journée au milieu de plusieurs années d'actes d'état civil. Je n'en pouvais plus d'essayer de déchiffrer toutes ses écritures tarabiscotées, mais au fond de moi je savais que j'allais trouver quelque chose. Il fallait que je déniche quelque chose qui m'aiderait. Il le fallait.

Alors que la dame de l'accueil vint me voir pour me demander de ne pas tarder car le bâtiment allait bientôt fermer, je tombais sur ce que je désespérais de trouver : un acte de mariage. Dessus, je pouvais y lire toutes les informations que j'avais glanées et qui correspondaient parfaitement : qu'un nommé Victor, Jean, Monnier, né à Paris en 1914, avait bien épousé, en octobre 1945 à Bordeaux Caudéran, une Marie Monnier née en 1925 à Paris, et dont le nom de jeune était Dumont. Et il était notifié qu'ils étaient tous deux domiciliés rue Borie à Bordeaux.

La voilà ma preuve ! La voilà !

Mais ce prénom de Marie me laissait perplexe... Pourquoi Marie ? En vrai, c'était Madeleine, ma Madeleine !

Marie Monnier...

Marie... Monnier...

Et soudain, j'eus un déclic.

J'étais presque sûre d'avoir déjà entendu ce prénom et ce nom quelque part. Il était vrai qu'entre la lecture du journal et mes recherches, c'était un prénom et un patronyme que j'avais vu défiler pas mal de fois devant mes yeux ; mais en réalité plus je les faisais tourner dans ma mémoire, plus j'avais l'impression que c'était comme une réminiscence lointaine, un souvenir presque effacé, mais que je n'arrivais pas à faire revenir tout à fait à la surface.

C'était peut-être quand j'étais petite fille...

Oui c'était ça ! Quand j'étais petite, j'ai connu une Marie Monnier !

Il fallait que j'aille voir mes parents. Eux seuls pouvaient me confirmer si ce que j'avais en tête pouvait être une piste.

Je pris mes affaires, remerciant encore, alors que je partais en trombe, la gentille dame de l'accueil et me dirigeai hâtivement jusqu'à la maison familiale.

J'étais à peine arrivée que je me précipitais rapidement à l'intérieur. Je vis alors que mes parents étaient dans leur salon, assis sur leur canapé. N'ayant même pas enlevé mes chaussures, je demandais, à moitié essoufflée, s'ils se souvenaient d'une Marie Monnier.

- Bien sûr qu'on s'en souvient ! , répondit mon père avec un large sourire. C'est une voisine qui habite au bout de la rue ! Mais c'est quoi cette question, Clarissa ?

J'étais scotchée. Comment avais-je fait pour ne pas me rappeler que la Marie Monnier qui m'évoquait quelque chose de brumeux il y avait de cela quelques heures, était la Marie Monnier de notre rue ! Intérieurement, je rageais contre mon manque de discernement.

- Ben oui, Clarissa, ajouta ma mère. Marie Monnier c'est la voisine que tu avais surnommé Mamie Marie quand tu étais toute gamine. Ça remonte à la fois où elle nous avait rendu un service, en venant te garder une après-midi en jouant les nounous de secours, alors que ta gardienne était malade. Ah là là ! Que de souvenirs ! Mais ton père a raison c'est quoi cette question ?

Je ne pus leur répondre de suite. Dans ma tête, j'étais partagée entre l'envie de tout leur raconter depuis le début de mon aventure avec Madeleine, - cette quête que j'avais vécue avec ce journal intime trouvé sur l'étal d'un vide grenier - et le désir de courir jusqu'au bas de la rue pour aller sonner à la porte de Marie Monnier, alias Madeleine, et de lui demander si c'était bien elle mon héroïne.

Mon empressement à aller la retrouver était bien trop grand, alors je promis à mes parents, qu'à mon retour, je leur expliquerais tout. Mais là, il fallait absolument que j'aille voir Mamie Marie, ma Madeleine de papier, qui allait devenir ma Madeleine de chair.

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant