Partie 15

418 49 7
                                    

- Hein ?

Ce fut le seul mot que je pus lui dire.

Mais mon interjection, si peu glamour qu'elle fût, ne l'arrêta pas dans sa lancée. Bien au contraire, il enchaîna :

- Depuis notre rupture, t'es toujours dans ma tête. Je pense à toi. Tout le temps. Je mange plus, je dors plus. Ton souvenir me hante, Clarissa. On était bien ensemble, non ? Alors, si on se donnait une nouvelle chance, une nouvelle journée ? Rien que toi et moi. T'en dis quoi ?

Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui répondre ?

Le choc et la stupéfaction de ces dires, me laissèrent sans voix. Réellement sans voix. J'essayai de prononcer une syllabe, mais rien ne sortait. Pas un seul son. De plus le spectacle devait valoir son pesant de cacahuètes : avec ma bouche grande ouverte, je devais ressembler à un poisson dans un aquarium, cherchant désespérément de l'air. J'avais la gorge complètement sèche, comme si je venais d'avaler des kilos de sable. Ma seule envie : boire un grand verre d'eau. Et si je pouvais m'y noyer dedans, cela aurait été encore la meilleure des solutions...

J'étais tétanisée par le trouble qui se répandait en moi. Qui se répandait insidieusement. Comme une maladie galopante.

Reprends tes esprits, Clarissa ! Reprends tes esprits ! Allez !

J'en appelle au cerveau ! Cerveau, répondez !

...

Ok. Pas de réponse.

J'en appelle au cœur ! Cœur, je vous écoute.

....

Ok. C'est le tracé plat.

Mon corps entier me lâchait. Et j'avais mes jambes qui n'allaient pas non plus tenir très longtemps.

Mais alors que j'essayais de reprendre contenance, Valentin me pria de venir avec lui. Il prit ma main pour que je le suive. Je n'étais alors qu'un gros ballot de chair et de vêtements qui n'avait plus conscience ni consistance. Je me laissais totalement faire, ne réalisant rien de ce qui se passait. Est-ce que j'étais en train de rêver ? Non, non, c'était bien réel. Et ce qui était de plus en plus réel, c'était que je reconnaissais le chemin sur lequel nous marchions. Valentin m'amenait jusqu'à chez lui.

J'aurais dû tout stopper. Retirer ma main de celle de mon ex et faire demi-tour, mais je me sentais épuisée rien qu'à l'idée de lutter. Alors je n'ai pas lutté. Je n'ai tellement pas lutté, que je me suis retrouvée, seul à seul, dans la maison de Valentin ; que je me suis retrouvée dans la chambre de Valentin ; que je me suis retrouvée couchée sur le lit de Valentin et, comme par un enchantement maléfique, je me suis retrouvée avec Valentin en train de m'embrasser.

Alors oui, je ne pouvais renier que c'était agréable – très agréable, même - et que c'était si simple de retomber dans des habitudes. Mais franchement, où cela allait-il nous mener? On repartait pour un tour, et après il se passait quoi ? De toutes les manières, d'ici quelques mois, nous serions tout de même séparés par des centaines de kilomètres. Et puis, merde ! C'était lui qui m'avait dit qu'il voulait « vivre sa jeunesse » !

Et alors que j'étais beaucoup plus dans la réflexion que dans l'appréciation du moment, je réalisais que j'étais en train de faire une belle grosse connerie.

Je repoussais donc brusquement Valentin.

- Je crois que là c'est un peu parti en vrille ! lui dis-je.

- Ah non, je ne trouvais pas... répondit-il, avec un grain de malice dans l'œil.

- Si, si. Je t'assure. Et d'ailleurs, je crois que je vais rentrer chez moi. En fait, je n'aurais jamais dû répondre à ton texto.

- Clarissa, attends ! cria-t-il.

- Non, faut que j'y aille, persistais-je à lui dire.

Mais il me retint par le bras et avec sa voix la plus sérieuse du monde, il me dit :

- Bon et si on se faisait une rupture câline, en souvenir du bon vieux temps, hein ?!

Si j'avais eu l'esprit dans les vaps quelques instants auparavant, cette phrase me remit bien tout en place... La colère me prit. Ce n'était même pas qu'un simple excès colérique qui me piquait le nez. C'était une fureur qui allait me faire imploser si je ne lui disais pas ses quatre vérités. Alors j'ai implosé. Et il ne s'y attendait pas :

- Non mais t'es sérieux ! Tu arrives la bouche en cœur et je devrais retomber dans tes bras ? Je comprends mieux ce que tu voulais maintenant... un petit cinq à sept, histoire de décompresser c'est ça ? Et bien je crois que tu t'es planté sur toute la ligne, mon gars ! Je ne suis pas ce genre de fille. Et le pire dans tout ça, c'est que je ne me sois pas rendu compte plus tôt que tu étais le pire connard du monde ! Tu n'es pas un Werner, mais moi je suis bien une Madeleine, et je me battrai pour mon bonheur ainsi que pour celui des personnes qui sont vraiment importantes dans ma vie !

Et je claquai la porte sur cette tirade.

Laissant un Valentin qui n'avait pas dû piper un traître mot de ce que je venais de lui asséner, et surtout concernant la dernière phrase... Si beau soit-il, je venais d'ouvrir les yeux et je n'étais plus du tout aveuglée par son physique ravageur. Non, maintenant il me fallait bien plus qu'un joli minois.

Ce que je désirais, c'était vivre une passion. Une vraie passion. Peut-être que j'idéalisais quelque chose qui n'existait que dans les livres ou dans les films, mais j'avais la preuve irréfutable que cela pouvait se trouver : le journal intime d'une jeune femme qui se dévoilait corps et âme.

Je voulais un peu de Madeleine dans ma vie. Elle était devenue comme une amie bienveillante vers laquelle je me tournais quand ma propre vie me faisait défaut. Et le meilleur moyen de la retrouver, c'était de retourner à ma lecture.

De plus, je l'avais abandonnée alors qu'elle était dans une situation bien complexe.

Hé ! Madeleine.

J'arrive !

✒📓Quand la vie s'appelait Madeleine📓✒ { Terminé }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant