Chapitre 1 : Exil de cauchemars

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"Courir... encore et toujours jusqu'au bout de mes forces ! Voilà ce que j'aime faire depuis de nombreuses années pour me vider la tête. J'aime tellement me défouler sur cette plage lorsque la marée est basse, profiter du brouhaha des vagues dont les rouleaux brillants s'écrasent entre eux. Cette écume blanchâtre forme une mousse épaise et gluante sur ce si beau sable parsemé de débris de coquillages. La Mer est agitée, comme toujours, mais magnifique, comme d'habitude. Sa couleur si particulière est indescriptible. Tantôt verte, tantôt bleue, parfois marron. Des fois, lorsque le brouillard du large est suffisement dissipé, j'arrive à distinguer les côtes anglaises qui se dessinent au loin. Elles ressemblent à de minuscules montagnes blanches. Je cours toujours à grands pas, sentant les muscles de mes cuisses se contracter au gré de mes foulées, tout en longant les falaises de craie blanche qui se trouvent à plusieurs dizaines de mètres de l'eau. Ces falaises...grandes dames blanches qui s'élèvent majestueusement vers le ciel. J'aime contempler leurs formes particulièrement dangereuses, dont les fissures profondes laissent s'écrouler des éboulements impressionnants sur la plage au fur et à mesure que la planète vieilli. Ce paysage maritime qui me fascine tant, c'est celui que m'offre le Nord de la France, mon exil depuis que j'ai quitté l'armée. L'air pur et iodé s'engouffre dans mes poumons, me laissant dans un état de bien être dont je ne me lasserai jamais. Lorsque j'étais caporal, l'air du désert était brûlant et sec dans ma gorge. Parfois cette sécheresse se mêlait au goût de la poudre des munitions que nous avions tirées et du sang qui avait coulé trop abondamment. Courir...cela m'aide à oublier un temps les atrocités de la guerre qui seront gravées à jamais dans mon esprit. Les médecins appellent cela le "stress post traumatique", un terme barbare  pour signifier que je suis un traumatisé de la guerre. Je me soigne. J'ai encore beaucoup de mal. Courir... je dois encore courir encore plus, pour oublier. Je veux oublier..."

Livaï s'arrête un instant pour reprendre son souffle. Il contemple le soleil couchant qui se noie peu à peu dans les profondeurs de la mer. Les nuages se teintent d'un sublime camaïeu orangé, formant des arabesques abstraites dans le ciel. Après de longues minutes de contemplation, il ressert ses lacets et regagne sa petite maison située en bordure de mer. Depuis toujours, l'ancien caporal est un mordu de course à pieds, hobbi rapidement devenu une drogue au fil du temps. Tout comme les falaises de craie qu'il vénère tant, le temps a également marqué son passage sur son corps, le sculptant tel un athlète fort et vif. Chaque jours, le brun repousse ses limites en augmentant le nombre de ses foulées, le rendant encore plus fière que la veille. Pourquoi court-il ? Pour la même raison que nous respirons : il en a besoin. Alors qu'il passe à côté de quelques rochers découverts par la mer, son attention est attirée par un petit point brillant mis en lumière par les derniers rayons du soleil qui n'ont pas encore été happés par la mer. Il s'approche, enjambe avec attention la roche dont la surface est recouverte d'une fine couche d'algues glissantes, puis découvre une bouteille en verre transparente, dans laquelle se trouve un papier enroulé sur lui même. Tout en se remettant en route pour rentrer, il ne peut s'interroger sur cet objet mystérieux. S'agit-il d'une carte au trésors? Où encore d'une lettre d'un soldat qui a combattu lors de la seconde guerre mondiale?

Ses foulées se sont transformées en pas. Il pousse le petit portillon de sa charmante maison, décorée avec goût avec de nombreuses jardinières de fleurs de saison, puis il rentre chez lui. Tout en essuyant son front perlé de sueur avec une serviette, il regarde sa trouvaille qui éveille grandement sa curiosité. L'objet en lui même à survécu aux intempéries, mais est gravement griffé en surface. Il retire le bouchon de liège, contraint de forcer un peu sur cette fermeture de fortune qui a gonflé avec l'humidité. Il laisse tomber le rouleau de papier par le goulot en renversant la bouteille, puis il déroule son trésors. Le papier a légèrement jauni à cause du soleil, mais il est en bon état et lisible.

Une Bouteille À La Mer /Riren/ *terminée*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant