Chapitre 20 : La main dans le sac

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La pluie automnale déverse de nouveau des torrents d'averses. Livaï, le regard fade et perdu dans la houle nerveuse de la mer, éternise ses pensées dans des questions dont il cherche en vain les réponses. Ses affaires soigneusement pliées dans son sac à dos, signifient qu'il s'apprête à s'enfuir comme un fugitif. Mais sa moue indécise et son attitude inactive, porte finalement à en conclure qu'il a décidé de faire machine arrière. Fuire pour se protéger et abandonner Eren n'est décidément pas une alternative qui l'enchante. S'il disparait dans la nature, il devra faire une croix sur son amant.

Cet après-midi, le service est plongé dans un silence rare et pesant. En y prêtant l'oreille, il peut y entendre quelques conversations furtives ainsi que le bruit des roues des chariots de soin grincer au sol. Des pas lourds et patauds s'arrêtent devant sa chambre, puis un timide toquement à la porte se fait entendre. Erwin passe la tête en adressant un petit sourire nerveux à son ami, sourire que Livaï lui renvoie pour l'inviter à entrer, malgré une réticence visible. Il redoutait ce moment. Tout en restant muet quelques longues secondes, le grand blond se place face à son ami. Il croise les jambes, bouge nerveusement son pied et toise le brun d'un regard froid et distant tout en raclant sa gorge.

- Je remarque que tu es nerveux Erwin. Dit-il sèchement.
- Je remarque que tu es agacé et prêt à partir. Rétorque le blond en désignant le bagage de Livaï du menton.

Le concerné avale bruyamment sa salive, et détourne machinalement le regard.

- Je vois que tu ne cache pas ton envie de t'enfuire... poursuit-il. Je n'ai pas l'intention de te laisser me filer entre les pattes de toute façon, j'ai tout compris.

A ces mots, Livaï comprend que son ami a peut être découvert l'abominable vérité. L'inspecteur lui tend les résultats des analyses obtenues la veille grâce à Hanji. Il se décompose au fur et à mesure de sa lecture. L'ex-soldat, blanc comme un linge et le visage creusé, observe son ami avec culpabilité et honte. Le voilà pris au piège. Ce jour devait arriver et c'est aujourd'hui. 

- Maintenant tu vas me dire à qui appartiennent ces cendres. Je les ai trouvées dans tes toilettes hier. Pas la peine de te sauver, il y a un policier derrière la porte.
- On ne peut décidément rien te cacher...
- Tu ne réponds pas à ma question. Dis moi ce que tu sais à propos de ceci.
- C'était un accident...
- J'entends cette réponse tellement souvent, avoue t-il tristement en levant les yeux au ciel. J'aurai pensé que tu aurai trouvé une réponse plus originale...
- Tch ! Qu'est ce que tu veux que je te dises Erwin ?! S'exclame t-il en tapant du poing sur l'accoudoir du fauteuil.
- La stricte vérité.
- J'aurai bien aimé te parler de ça avec une roulée et un verre de bourbon. Répond-il en se massant la nuque avec gêne.

Il s'enfonce dans le profond de son fauteuil, puis prend une grande inspiration avant de conter son histoire. Dire la vérité est à présent la seule chose à faire. De toute façon, Erwin a tout compris, alors autant collaborer et en finir une bonne foi pour toute.

- Je prenais une douche. Mademoiselle Ral s'est invitée dans la salle de bain à ce même moment. Elle m'a touché, puis proposé des faveurs sexuelles. Je l'ai machinalement repoussée. Malheureusement, elle est tombée en se brisant la nuque. Je ne l'ai pas fait exprès...
- Donc ce sont les cendres de mademoiselle Ral ?
- Oui... avoue t-il a demi-mot.
- Pourquoi est-elle dans cet état ?
- J'ai voulu me débarrasser du corps. Il y a un incinérateur médical au sous sol. Si tu savais comme je me sens impuissant et navré de tout cela... Tout ce sang... cette odeur de viande chaude me tournais sur le coeur...

Il étouffe un sanglot et un haut le coeur en masquant sa bouche de sa main.

- Ce que tu as fait est très grave. Bien qu'il s'agit d'un accident, tu as dissimulé des indices et tenté de faire disparaître son corps. Prévenir la police aurait dû être ton premier réflexe. Certes, tu aurais eu affaire à la justice, mais dans ton cas actuel cela aggrave ta peine. Dès que je t'aurai passé les menottes, tu encoures au mieux 20 ans de prison, au pire la réclusion à perpétuité.
- Tu es un fin limier... j'aurai dû récurer les chiottes plus profondément et m'attarder un peu moins sur le carrelage. Je ne sais pas si j'ai agit sur le coup de la panique, mais j'ai toujours été lucide et conscient de mes actes. Si j'avais appelé la police, qui aurait cru la vérité venant d'un suicidaire mentalement instable hein ? J'ai simplement voulu me protéger, voilà comment je me defends... Je ne sais pas combien de fois il faudra que je répète que je suis navré, mais cela ne pourra jamais faire changer le cours des choses.
- Je peux t'avouer que peu de monde aurait cru à ton histoire, en effet.
- Finissons-en Erwin... mon sac est prêt de toute façon... J'espère que le juge sera clément... J'aurai ce que je mérite. Cela adoucira peut être le chagrin des proches de mademoiselle Ral en me sachant en train de pourrir en prison.

L'inspecteur se munie d'un briquet en métal brossé. La flamme ardente qui en sort embrase doucement la feuille d'analyses qui se consume intégralement dans le fond d'un récipient en inox.

- Hors de question que tu pourrisses en prison, lui annonce le blond tout en ouvrant une fenêtre pour dissiper la fumée. Vingt ans fermes dans un trou à rat pire que celui-ci, très peu pour moi. Désolé pour la petite mise en scène, mais je voulais être sûr que tout cela n'était qu'un accident de ta part.
- Je peux savoir ce que tu fais Erwin ?!
- Je t'évite de gâcher ta vie. Je vais m'arranger pour que l'affaire soit classée sans suite. J'ai beaucoup réfléchi à la décision que j'allais prendre : Poursuivre l'enquête et te dénoncer ou abandonner et te protéger. J'en ai fait nuit blanche. Finalement, j'ai décidé d'écouter mon coeur d'ami et non ma raison d'inspecteur de police.

Livaï se recroqueville sur lui même, tenant deux touffes de ses cheveux en ses poings. Il s'éffondre en sanglots, partagé entre le soulagement et une culpabilité profonde.

- C'est fini Livaï... le console t-il. Je vais te protéger. Je risque très gros en faisant cela, car je protège un "criminel" aux yeux de la loi. Tout ce que je veux, c'est que tu guérisse et que tu sortes d'ici pour recommencer ta vie.
Au fait, j'en ai déduit que tu as agit avec l'aide d'un complice. Qui a abandonné les effets personnels de mademoiselle Ral ?
- Je suis sorti discrètement la nuit pour les abandonner et ainsi fausser les pistes pour vous faire croire à une disparition.
- La motivation sur le fait de semer ses affaires est assez logique. Par contre tu me ments, tu n'étais pas seul. Tu as ta focette qui se creuse sur ton front, une fois de plus. Qui essaies-tu de protéger ?

On frappe à la porte.

- Livaï, cela fait 15 minutes que notre rendez-vous... Oh excusez-moi inspecteur je ne vous avais pas vu.
- Entre Eren, lui ordonne Livaï en essuyant ses dernières larmes d'un revers de manche.

Le médecin serre poliement la main de l'inspecteur. Il est surpris de l'atmosphère pesante qui règne dans la pièce. Il croise les bras tout en appuyant une épaule contre le mur.

- C'est lui que je protège Erwin, dit-il en désignant Eren d'un regard doux.

L'inspecteur toise le médecin du regard. Ce dernier, fronce les sourcils face à cette situation gênante et incompréhensible.

- Bien... tu le regarde d'une façon bien trop tendre, je me trompe ?
- Nous entretenons une relation entre adultes consentis. Eren ne m'a jamais forcé à quoi que ce soit alors pas un mot là dessus, c'est déjà assez gênant de t'avouer toutes ces choses...
Pas la peine de te décomposer comme ça gamin, dit il en se tournant vers lui, Erwin est au courant pour Petra. Apparemment, il a décidé de ne pas me passer les menottes.
- Excusez-moi...? Murmure le gamin.
- J'en ai déduit une bonne partie de l'histoire, en effet, Docteur. J'ai pris la décision de ne pas le dénoncer. En échange de mon silence, je vous prie de bien vouloir laisser sortir Livaï dès que vous jugerez qu'il ne mettra plus sa vie en danger. Je suppose qu'il bénéficie toujours d'un éventail de soins adaptés.
- Oui... Bien-sûr... excusez-moi j'ai besoin de prendre l'air, dit il en se hâtant vers la sortie.

Les deux amis restent un instant dans leur mutisme, puis Erwin se lève.

- Je suis le seul à avoir découvert tout ce bazar. Tu es dans une merde monstrueuse Livaï, dit-il en se pincant le nez. Je te conseille de récurer les toilettes à fond et de te faire tout petit en attendant de sortir. Et ce gosse, il va savoir tenir sa langue ?
- J'ai entière confiance en lui. Il m'a aidé depuis le début. C'est un peu grâce à lui que je m'en sors...
- Moui... Ça m'étonne de toi.
- Quoi donc ?
- Tu es un éternel homme à femmes... normal que ça me fasse tout drôle non ?
- Tch ! Ça te gêne plus que le macchabée que j'ai brûlé ?
- Je crois qu'il est temps que je rentre, soupire t-il. Prends soin de toi, je fais le nécessaire de mon côté. A plus tard, mon frère.

Avant que l'inspecteur ne ferme la porte, Livaï murmure un timide "merci..." qui sonne comme une sorte de soulagement pour les deux amis de toujours.

Une Bouteille À La Mer /Riren/ *terminée*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant