Chapitre 3 - A la découverte

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Une queue, remplie d'une centaine de personnes, s'est déjà formée sur le quai d'embarquement lorsque j'y arrive. Je me sens comme une amoureuse rencontrant pour la première fois le garçon avec qui elle parle depuis un moment. Le premier rendez-vous d'une longue histoire d'amour. Sauf qu'en l'occurrence, il s'agit d'un paquebot et non d'un prince charmant.

Un sourire niais sur le visage, le pas pressé, mon billet fermement tenu dans ma main gauche, je me place dans la file d'attente. J'ai envie de sauter dans tous les sens. La pile électrique qui sommeillait en moi s'est allumée en un éclair. Je pense déjà à ma future cabine, à la photo avec le commandant, à la magnifique vue sur l'océan durant plusieurs jours, aux soirées et repas chics prévus, ... Mon cerveau bouillonne d'images me faisant rêver. Je n'ai qu'une hâte : c'est de monter à bord. Avec mes deux pieds posés sur le même sol que des milliers de personnes avant moi ont foulé pour rejoindre le nouveau continent. Je me sens l'âme d'une exploratrice sur le point d'entamer sa folle expédition.

Avant de pouvoir définitivement monter à bord du bateau de mes rêves, il reste une dernière étape. Une sorte de rituel incontournable pour chaque croisiériste ayant la chance de naviguer sur ce bijou. Depuis son premier voyage transatlantique, la tradition veut que tous les passagers soient photographiés avec la bouée du navire. C'est une sorte de « Welcome aboard » made in Queen Mary deux.

Ma valise, gentiment prise par un employé dont le costume rouge et noir est repassé impeccablement, part direction ma cabine. Je remercie chaleureusement l'homme pour son service et me dirige vers ce sur quoi j'ai fantasmé depuis que j'ai dix-huit ans.

Le grand lobby est le premier espace que les visiteurs découvrent en arrivant. Comment pourrai-je résumer ce que j'ai sous les yeux ? Peut-être avec le mot rouge ? En tout cas c'est la première chose qui me vient à l'esprit. Cela va faire quatre ans que j'attends impatiemment cet instant magique et je n'ai rien d'autre à dire que ce vulgaire adjectif désignant la couleur de la moquette ? La joie me submerge beaucoup trop pour arriver à exprimer ce que je ressens.

Dans le but de retrouver mes mots, je m'accoude quelques instants à la rambarde en verre surmonté d'une bordure en bois foncé laqué. J'ai une vue plongeante sur l'étage du dessous où des canapés et fauteuils sont disposés harmonieusement. Une table ronde sur laquelle est posé un bouquet de fleurs digne des plus beaux palaces parisiens, trône fièrement au centre de la pièce. Cette décoration raffinée se mélange parfaitement bien avec les poutres en marbre blanc et la moquette d'un rouge aussi puissant que mes Vans old school.

Impatiente d'en voir d'avantage, je descends à toute vitesse l'un des deux imposants escaliers, construit en miroir l'un de l'autre. Descendre ces marches c'est un peu comme fouler le tapis rouge du festival de Cannes, les lieux font que l'on se sent star l'espace de quelques jours. Si j'étais en robe, je la ferais virevolter comme une petite fille au milieu de son château de princesse.

A y réfléchir, ai-je réellement besoin d'une robe pour faire ça ? Non. Je me mets donc à tourner sur moi-même tout en écartant les bras, au beau milieu de la grande pièce. Je me sens légère. Comme si j'avais des ailes et pouvais virevolter dans cet espace où le plafond se situe plusieurs étages au-dessus. C'est magique.

Ce moment féérique prend soudainement fin lorsque ma main frappe douloureusement quelque chose de dur. Instantanément je m'arrête et la ramène contre ma poitrine. Elle me fait mal.

- Mais t'es folle toi !

Un jeune homme, aux cheveux châtains, tenant sa joue me lance un regard glaçant. Je crois savoir ce que ma main a rencontré.

Une traversée pour aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant