Chapitre 38 - Je t'aime

536 74 19
                                    


Assise face à une montagne de gâteaux empilés dans mon assiette, je les dévore un à un tout en observant le couple d'italien danser. Je me force à ne pas dériver mon attention sur la silhouette d'Apollon qui a fini par remarquer ma présence dans la salle. Je sens ses yeux me dévorer, m'obligeant à décupler mes forces pour ne pas craquer et aller le rejoindre. Charles n'est pas loin, il guette le moindre rapprochement entre nous pour pouvoir par la suite renvoyer Apollon.

Il est hors de question que par ma faute, il s'attire des ennuis. Je ne veux pas lui causer le moindre problème. Pourtant, j'ai le pressentiment que cela s'annonce inévitable. L'aimer est obligatoirement lui causer du tort car ce simple sentiment lui est interdit s'il souhaite continuer de travailler sur le navire. Cependant, à l'heure actuelle, il m'est impossible de refouler les sentiments que j'éprouve pour lui. Ils sont bien trop forts, trop présents, pour que je parvienne à les cacher. Mon goinfrage de gâteau n'est qu'un moyen pour m'occuper. Si je restais assise à simplement regarder les gens danser, je sais déjà que mes jambes m'auraient conduites directement dans ses bras. Peu importe la présence de Charles prêt à nous sauter dessus.

- Bella, veux-tu danser encore un peu avec Francesco ?

- C'est gentil, mais non merci. Je veux finir ces délicieux gâteaux avant, souriais-je à l'italienne.

- Es-tu certaine ?

J'hoche la tête pour toute réponse, la bouche pleine de crème pâtissière. Vu de l'extérieur, je dois sans doute ressembler à un écureuil faisant ses réserves pour l'hiver. Quelques personnes me regardent d'ailleurs de haut, une femme porte même sa main à sa bouche, l'air faussement écœurée. Je n'y prête guère attention et continue à m'empiffrer. Ce n'est pas partout que l'on peut déguster de telles pâtisseries. On les croirait tout droit sortie d'une grande boulangerie tellement leur goût, ainsi que leur texture, sont divins.

De la crème aux coins des lèvres, je cherche désespérément une serviette pour me débarbouiller. Malheureusement, j'ai oublié d'en prendre, bien trop occupée à m'émerveiller sur les différents gâteaux du buffet. Telles de petites œuvres d'art, je suis restée subjuguée en oubliant tout le reste. Mon envie de les déguster a pris le dessus sur ma raison qui, habituellement, aurait pensé à la cuillère et aux serviettes. Comme en amour, mon cœur a eu le dernier mot.

J'abandonne mes assiettes vides pour aller prendre de quoi essuyer mes lèvres, réajustant au passage ma robe légèrement remontée sur mes cuisses. Je vérifie qu'il n'y a plus de plis quand une serviette blanche cache soudain mon champ de vision. Prise de surprise, je recule de quelques pas, juste assez pour déceler la présence d'Apollon derrière le bout de tissu en papier. Je recule alors encore de deux pas, mes fesses rencontrant la table que je viens de quitter. Je suis contrainte de poser ma main sur mon cœur tambourinant par tant de surprises en l'espace d'une poignée de secondes.

- C'est moi qui devrais avoir peur de ta tête recouverte de crème pâtissière et non l'inverse.

-Tu arrives sans prévenir et je devrais rester calme ? Désolée, mais ce n'est pas ma personnalité. Si je ne regarde jamais les films d'horreur c'est pour une bonne raison, je déteste être prise par surprise.

- J'ignorais qu'il fallait t'envoyer un signal pour te prévenir de mon arrivée.

- La dernière fois que je te regardais tu dansais au loin et en une fraction de secondes tu es là, devant moi. Ça fait peur !

- Tu me regardais ?

Je lève les yeux au ciel face à son petit sourire en coin. J'ai bien compris qu'il ne retiendra que ça de ma phrase, alors autant ne rien rajouter. Toutes mes paroles après cela entreront par une oreille et en ressortiront presque aussitôt par l'autre. Parler dans le vide n'étant pas une de mes passions, j'attrape la serviette qu'il me tend toujours et essuie mes lèvres sous son regard amusé. Avec lui, je ne me sens pas gênée d'avoir un visage peu présentable. Nous avons déjà passé ce cap lorsque j'avais du chocolat un peu partout durant la soirée du commandant. Il sait que j'ai quelques problèmes de « propreté ».

Une traversée pour aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant