Que ressentons-nous lorsque l'un de nos plus grands rêves s'apprête à se réaliser ? Est-il possible d'éprouver de la joie et de l'impatience en même temps que de l'angoisse et de la tristesse ? Ces sentiments sont pourtant aussi contradictoires que l'obscurité de la nuit laissant peu à peu place aux couleurs variées du jour. La baie de New York se réveille au son des mouettes et goélands alors que je nage déjà dans la nostalgie de mon voyage.
Mon rêve de traverser l'Atlantique sur ce navire que j'ai tant convoité est sur le point de prendre fin. J'ai attendu des années pour enfin avoir la chance de le réaliser. Le voir se terminer dans quelques dizaines de minutes seulement est donc troublant. J'ignore comment je dois me sentir à l'approche du port. Ai-je le droit d'être triste face à l'achèvement de ce projet si important pour moi ? Le point final d'une histoire ne doit-il pas toujours être positif ? Parmi les nombreux livres que j'ai pu lire durant ma vie, tous se terminaient sur une bonne note. Qu'ils possèdent une fin heureuse ou non, chacun avait sa petite moralité qui donnait au récit une perspective enrichissante. Comment une histoire pourrait-elle donc mal se terminer quand, à la fin, nous en avons tiré certaines leçons ? Nous ne cessons jamais d'apprendre et là est toute la beauté des livres.
- Bienvenu à New York Alix, me murmure Apollon dans le creux de mon oreille.
Comme si la ville n'attendait que nous pour ouvrir les yeux, nous arrivons à la pointe de Manhattan lorsque le soleil sort de sa cachette, derrière l'horizon. Les buildings se teintent de nuances de doré, telles des paillettes d'or qui aurait été projetées ici et là par l'astre de feu. A gauche de notre position, la célèbre Statue de la liberté nous accueille les bras grands ouverts. Mon regard ne parvient plus à se détacher d'elle, je suis captivée par son immuable beauté.
Je repense soudainement à toutes ces personnes fuyant la misère de leur pays et plaçant leurs espoirs dans cette terre promise qu'est l'Amérique. Des rêves plein la tête tel que moi, des femmes, des hommes et des enfants ont découvert le nouveau continent par l'intermédiaire de la Statue de la liberté. Elle a été leur premier souvenir, leur premier soulagement. Cette grande dame de cuivre n'est pas seulement la gardienne de la baie, elle est également celle sur qui tous les espoirs reposent. Ses épaules supportent les attentes des réfugiés, des voyageurs et des américains. Le symbole qu'elle représente est bien plus important que tout ce que l'on pourrait croire.
- Tu ne voulais pas prendre des photos ? m'interpelle Apollon alors que nous passons devant la maitresse des lieux.
- Oh si c'est vrai, tu as raison !
Je m'empresse de la photographier avant qu'il ne soit trop tard. Mon téléphone portable immortalise son visage figé et pourtant si expressif. La sculpture est un art que je connais peu, mais qui me fascine. L'habilité de mettre à jamais en pause des êtres normalement humains est un véritable don. Ces œuvres ne bougent peut-être pas, mais elles n'en restent pas moins plus vivantes que jamais.
- On prend une photo tous les deux ? demandé-je au châtain.
- Je n'aime pas vraiment les photos.
- Juste une seule, supplié-je avec une petite moue.
- Est-ce que c'est vraiment nécessaire ? souffle-t-il.
- Oui, il faut bien que je montre à ma sœur à quoi ressemble mon copain. Elle ne me croira jamais sinon.
- Je viendrai lui dire bonjour en personne si ce n'est que ça, dit-il en embrassant ma tempe.
Je le repousse juste assez pour pouvoir me tourner et être face à lui. Ses yeux s'écarquillent lorsque mon visage se retrouve juste devant le sien.
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Une traversée pour aimer
RomanceQuitter l'ancien continent pour partir vivre sur le nouveau, voilà ce qui attend Alix, jeune fille de vingt-deux ans désireuse d'aventures. C'est donc des rêves pleins la tête qu'elle embarque sur le très célèbre Queen Mary 2. Ce bateau au décor de...