chapitre trois

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Pourtant, tout avait bien commencé. Elle était arrivée dans cette classe de terminale, et comme elle s'y attendait, tous les garçons se sont prosternés à ses pieds.

Tous, sauf un.

Ce fameux Ito Atsuya qui lui accordait à peine un regard et qui ne semblait pas du tout être intéressé par elle. Et cela l'énervait, ce n'était pas censé se passer comme ça. Il n'avait même pas cherché à savoir des informations sur elle, rien, nada, nothing.

Pourtant d'habitude c'était ce que faisaient les autres : lui demander son âge, si elle avait un copain, le genre de garçon qu'elle aime etc...

Mais lui, rien.

Elle ruminait tout ça dans un coin de sa tête pendant le cours. Elle n'arrivait pas à penser à autre chose. Quelque chose clochait, et elle n'aimait pas ça, mais alors pas du tout.

Quand la sonnerie retentit, il se leva et partit sans un mot, sans se retourner, et elle ne put s'empêcher de le fixer.

Dans la réaction, elle décida de faire ce qu'elle avait prévu. Elle le chercha du regard, ce qui était difficile vu que la moitié du lycée l'entourait. Mais là elle voulait juste leur crier « allez-vous faire foutre ». Quand enfin elle l'aperçut, elle se défit des sangsues humaines qu'étaient les garçons et se dirigea vers lui et son groupe, qu'elle avait déjà rencontré une fois.

- Atsuya !

L'interpellé se retourna et la regarda avec des yeux qui voulaient dire « tu me soûles déjà, dégage ». Mais il ne le formula pas à haute voix.

- Qu'est-ce que tu veux ?
- J'aimerai juste savoir pourquoi tu...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, Daiki et ses amis étaient déjà sur elle.

- Taeko !! Ça faisait longtemps ! S'exclama le rose. Pourquoi tu ne viens pas nous voir plus souvent ?

Elle lui fit un petit sourire, mais le plus important pour le moment était de parler à Atsuya, et non pas de chercher à se justifier auprès du basketteur.

- Excuses-moi Daiki, mais je dois vraiment parler avec Atsuya.

Et sur ces paroles, elle lui prit le bras et le traîna de force plus loin, sous les yeux tristes des autres garçons. Atsuya, quant à lui, semblait déjà blasé par la situation.

- Pourquoi c'est toujours lui qui attire les plus belles filles ? Gémit Chikao.
- Va savoir, marmonna Eiji.

Au même moment, Taeko avait entraîné Atsuya dans un coin, tout en vérifiant qu'ils étaient bien seuls.

Ce dernier se demandait pourquoi cette aimant à garçon venait de le kidnapper, rien n'allait en ce moment, tout partait en vrille.

- Bien, il faut qu'on parle, dit-elle très sérieusement.
- Si tu veux, mais de quoi ?
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tu m'énerves !

Cette exclamation, digne d'une enfant de cinq ans, faillit faire exploser de rire le brun, mais il arriva à se contenir et à formuler une question.

- Et pourquoi ? Si ce n'est pas trop indiscret.
- Car tu m'ignores.

Cela devenait de plus en plus difficile pour lui de se retenir de rire. Il avait l'impression de voir sa petite sœur de quatorze ans devant lui. Tout en tentant de maintenir son sérieux il reprit.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Ne te fiches pas de moi ! Tu ne me parles pas, tu ne me regardes pas et tout ! D'habitude, tous les garçons me courent après et veulent tout savoir sur moi. Tous sauf toi !

En tout cas, c'était bien vrai qu'elle n'y allait pas par quatre chemins. Il n'y avait qu'une explication possible pour Atsuya. Malgré son apparence d'adolescente, son cerveau était resté au stade d'enfant curieux et franc. Mais il avait enfin la réponse à sa question, et même à ses questions.

- Je vois, ricana-t-il.
- Tu vois quoi ? Gronda-t-elle, énervée par le ton que le brun avait pris.

Il se rapprocha d'elle. Son visage se trouvait à peine à vingt centimètres de celui de la jeune fille. Elle recula et se cogna contre le mur de pierre derrière son dos. Son cœur se mit à battre plus vite et ce, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Il finit par rompre le silence.

- Tu ne supportes pas que les garçons ne s'intéressent pas à toi. Tu as pris l'habitude d'être leur centre d'attention, que tu sois la seule personne à laquelle ils s'intéressent. Et donc, tu ne supportes pas que quelqu'un reste indifférent devant toi.

Il recula avec un sourire mi-sadique mi-triomphant sur le visage, Taeko était sciée. Mais il lui manquait un élément pour que son hypothèse tienne la route.

- Alors ? J'ai visé juste ?

Elle n'avait aucune envie de lui dire qu'il avait raison. Ça ne ferait qu'accentuer sa défaite.

- Tu te trompes, je ne...

Il ne lui laissa pas le temps de finir qu'il posa un doigt sur les lèvres de la châtain. Ce simple contact la fit frissonner. Les yeux rouges du brun étaient remplit d'une étincelle de victoire et d'amusement.

- Tu ne sais pas mentir Taeko. C'est juste que tu refuses d'admettre que j'ai raison, chuchota-t-il.

Elle ne savait plus quoi dire pour répliquer, mais il ne lui laissa pas le temps d'y réfléchir.

- A moins que ça ne soit autre chose.
- De quoi tu veux parler ? Dit-elle, d'un ton innocent.

Il se recula et prit un air faussement sérieux, comme s'il allait raconter une histoire.

- Eh bien, faisons une hypothèse. Par exemple imaginons, et je dis bien imaginons, que tu es une mage et que tu utilises un sort de charme sur les garçons. Voir qu'un garçon échappe à ton sort te fais te rendre compte que tu n'es pas le centre du monde.

Elle retint un hoquet de surprise.

- Tu sembles t'y connaître en magie.

Il la regarda surpris.

- Ah bon ? Pourquoi cela ?
- Ne te fiches pas de moi ! Si tu n'y connaissais rien, tu n'aurais jamais pensé à ça non ?

Il rit.

- Je t'ai pourtant bien dit que ce n'était qu'une simple hypothèse. Ce que j'ai dit aurait très bien pu n'avoir aucun sens. Mais toi, vu que tu as confirmé ce que j'ai dit, tu sembles réellement connaître la magie. C'est assez surprenant que mon hypothèse invraisemblable soit capable de tenir la route.

Elle écarquilla les yeux. Il l'avait eu. Elle se rendit compte compte à quel point il était malin, mais elle ne le croyait pas quand il disait ne pas s'y connaître. Un ignorant de la magie n'aurait jamais pu formuler une hypothèse comme ça. Pour ça, il fallait savoir et croire en l'existence de la magie.

- Bien, je pense que nous n'avons plus rien à nous dire, conclu-t-il, ce fut un plaisir de discuter avec toi, ma chère Taeko.

Et sans lui laisser le temps de réagir il la laissa là.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Comment ce type pouvait-il avoir tout deviné en si peu de temps et avec si peu d'informations ? Elle le haïssait. Mais juste après, elle comprit qu'elle ne pensait pas ces mots. Une certaine image s'imposa à son esprit et elle sentit des rougeurs sur ses joues, à ce moment son visage avait été si près du sien... Elle secoua la tête pour faire disparaître l'image. Pourquoi penser à lui alors qu'ils s'étaient presque disputés ? Disputés ? A bien y réfléchir, elle voyait mal Atsuya se mettre en colère pour si peu. Tout le long de la discussion il avait gardé son calme. C'était elle qui avait perdu les pédales pour rien.

La sonnerie la sortit de ses pensées, et elle se rendit compte qu'il était déjà l'heure de retourner en cours. En rentrant elle vit qu'Atsuya n'était pas encore là. Elle se demanda pourquoi cela la tracassait. Après tout, elle n'en avait rien à faire qu'il soit là ou pas.

Elle se mit à sa place, mais un bruit infernal se fit entendre. C'était des filles de sa classe qui harcelait quelqu'un, un mec sans doute. Mais elle ne voyait pas qui.

- S'il te plait, sors avec moi, réclama une brune.
- Non ! Avec moi ! J'ai une plus grosse poitrine, se vanta une rousse.
- Bouffonne, c'est moi la mieux placée, rigola une blonde. N'est-ce pas Atsuya ?

Le prénom fit tilt dans le cerveau de Taeko et elle fut très surprise de voir qu'il était entouré par ses filles. Quand il s'installa à côté d'elle, les filles lui lancèrent un regard incendiaire, du genre « pourquoi c'est elle qui est à côté de lui ? »

- Pire que des sangsues, marmonna le brun.

Elle n'avait jamais fait attention à la popularité d'Atsuya, trop occupée à soigner la sienne. Elle voulut dire quelque chose mais les mots se coincèrent dans sa gorge. Il le remarqua et se tourna vers elle.

- Tu as encore quelque chose à me dire ?

Sa voix ne montrait aucune moquerie, contrairement à tout à l'heure.

- Non, rien du tout.

Et elle détourna rapidement le regard vers le tableau, il fallait qu'elle reste calme. Mais ce fut plus fort qu'elle. Elle retourna la tête et fut surprise de voir qu'il la fixait encore.

- T'as un problème ? Lâcha-t-elle avec un peu trop d'agression dans la voix.

Elle fut elle-même étonnée par son ton, il fronça les sourcils et ses yeux se remplirent de colère.

- Tu n'as pas besoin de t'énerver comme ça.
- Pourquoi tu me regarde depuis tout à l'heure ?

Tant qu'à être lancé, autant aller jusqu'au bout, pensa-t-elle.

- Eh bien, juste parce que ça se voit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Mais après, si tu veux passer ta journée à ruminer tes idées noires, vas-y, je t'en prie.

Et il tourna sa tête vers la fenêtre. Elle qui se demandait plus tôt s'il pouvait se mettre en colère. Mais elle se détestait d'être montée si vite sur ses grands chevaux alors qu'il s'inquiétait juste pour elle. Bon, elle n'y aurait jamais pensé vu leur discussion précédence. Elle sentit alors quelque chose d'humide couler le long de sa joue. Hein ? Pourquoi pleurait-elle pour ça ? Elle se pencha en avant pour que ses cheveux châtains cachent son visage. Elle ne voulait le montrer à personne, sa faiblesse. Quelques secondes plus tard, elle sentit quelque chose sur sa joue. Elle releva la tête et vit Atsuya la regarder et essuyer ses larmes du bout des doigts. Ça dura jusqu'à ce qu'elle s'arrête de pleurer, dans un silence total. Quand ses larmes cessèrent enfin de couler, le brun tourna la tête vers le tableau et ne lui accorda plus un regard.

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