Chapitre 6

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— Goûtes ça, c'est une recette que ta grand-mère faisait tous les vendredis.

Il porte la spatule à ma bouche. C'est brûlant, je souffle un peu dessus avant de goûter.

— C'est succulent papa, j'aime trop !

Il me dit, en touillant:
— Tu dois l'apprendre aussi, c'est la tradition.

Je vois son regard se diriger vers quelque-chose, ou plutôt quelqu'un derrière moi. Je me retourne, curieuse, et découvre sa femme Samira. Il la regarde avec tellement de tendresse, je rêve qu'un jour moi aussi on me regarde comme il la regarde, et qu'on m'aime comme mon père l'aime, elle. À cette pensée, j'ai un léger pincement au coeur pour ma mère. Mais je me reprend en me rappelant que ma mère a choisi le travail plutôt que mon père. Il mérite ce bonheur. Et puis, je comprend pourquoi il la regarde de cette manière. C'est un ange, elle est si douce avec mon père et même avec moi.

Mon père me demande de le suivre dans le salon. Il m'invite à m'asseoir sur le canapé. Je lui fais un peu de place et tapote l'espace vide près de moi.

— On a une nouvelle à t'annoncer, mais je n'ai pas eu le courage de t'en parler avant aujourd'hui.

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il a bien pu me cacher.

— Qu'est-ce qui pourrait me blesser papa ?

Il me sourit nerveusement, puis il lance un regard vers sa femme et se tord les mains.

— Samira attend un bébé.

Durant quelques secondes je ne réagis pas, choquée par l'information qu'il vient de m'annoncer, mais aussi et surtout choquée qu'il ait pu avoir peur de m'en parler. Samira doit sûrement penser que je suis en état de choc, elle s'installe à mes côtés et caresse mon dos.

— Ton père craignait que tu te sentes mise à l'écart en apprenant cette nouvelle. Mais il souhaitant t'en parler plus tôt.

Je rassemble les informations dans mon esprit et laisse un grand sourire s'élargir sur mon visage. Je vais être grande soeur.

— Mais pas du tout ! Comment vous avez pu croire que je le prendrais mal ? je demande en me levant. C'est une merveilleuse nouvelle, je suis super contente ! J'ai toujours détesté le fait d'être fille unique, j'aurais enfin un frère ou une soeur.

— Je suis content que tu le prennes si bien. Tu sais, j'avais juste peur que tu aies l'impression d'être remplacé. T'es ma petite fille chérie.

— Jamais papa. Je suis la plus heureuse des filles en ce moment même.

Mon père me propose de dormir chez lui, évidemment j'accepte afin de partager leur bonheur le temps d'une soirée. Je passe la nuit dans la chambre que mon père a fait pour moi lorsqu'il a déménagé. Au chaud sous ma couette, je pense à plein de choses. Ce nouveau bébé, cette belle vie qui l'attend, je lui souhaite de vivre dans ce foyer aimant toute sa vie. Je pense à l'école, aux concours qui approchent. Je pense à autre chose. A Mejdi en fait. Je visualise son visage, sa légère barbe, ses beaux yeux pétillants. Je cache mon visage avec ma couette en réalisant les pensées qui traversent mon esprit. La pénombre fatigue mes yeux. Mes yeux s'alourdissent, mes pensées divaguent. Je me bat pour ne pas m'endormir et pour aller au bout de mes réflexion, mais le sommeil me gagne.

***

En sortant de cours, je fouille dans mon sac à la recherche de mes clés de voiture et rentre accidentellement dans quelqu'un.

— Oh je suis désolée...

— J'vais finir par croire que tu le fais exprès, dit-il avec un sourire en coin.

Vengeance: mode d'emploi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant