100 inspirations

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Assis. Allongé. La douleur reste la même. Voilà plusieurs jours que je suis là, peut-être bien des semaines. Je m'endors petit à petit en restant éveillé. Ma poitrine se lève lentement pour se rabaisser dans la seconde qui suit. " 56, 57, 58, 59, 60,..." Je compte le nombre de fois que je respire en priant pour qu'il n'en manque pas une.
En moyenne un adulte respire 12 à 20 fois par minutes donc par heure si on prend environ 15 respirations ça fait 900 respirations et donc par jour, ça fait environ 21 600.
La porte grince mais je ne m'arrête pas. " 61, 62, 63, 64,..."
- Ça va?
Je ne relève pas la tête, ce n'est que l'infirmier. Il vient dans la pièce par obligation et peut-être aussi pour sa propre conscience. Il n'attend pas ma réponse, il sait que je ne peux pas lui répondre. J'entends ses pas sur le sol, il s'active autour de moi, change ce qu'il faut et allume la télé pour lui créer une compagnie. " 65, 66, 67, 68,..." Comment j'ai pu me retrouver là? Cette question, je me la pose chaque jour, chaque nuit, pendant des heures entières à moitié endormit. Je ne sais plus réellement pourquoi je suis là. " 70, 71, 72, 73,..." L'avant-bras de l'infirmier frôle le mien, je sais ce qu'il fait, il regarde sur le petit écran si tout va bien. Il se racle la gorge, je ne veux pas savoir si c'est bon signe ou pas.
- Je reviens dans 2h, dit-il en posant sa main sur mon bras droit.
Je sais. Je serais là, je ne vais pas partir. " 74, 75, 76, 77,..." Il sait pourquoi  suis là mais ne me juge pas comme si toutes les erreurs du monde ne sont que superficiel. J'ai peut-être d'après certains été bête, ou que j'ai mal agi mais je sais que même si je me suis condamné, j'aimais faire ça, faire ce mouvement avec ma main, sentir son doux poison dans ma gorge et mes poumons, j'étais peut-être accro. " 78, 79, 80, 81,..." Peut-être que ce qui fait le plus mal c'est de voir les gens venir tristement à mon chevet... Sans les voir avec mes yeux mais avec mon petit coeur malade.
Je ne comprends pas beaucoup pourquoi mon coeur persiste à résister face à la douleur, la maladie. Il pourrait peut-être dormir comme le reste de mes muscles. " 82, 83, 84, 85, 86,..." Des pas résonnent dans le couloir vide, personne à part les infirmiers ne déambule dans ces couloirs pourtant beaucoup d'entre nous le veulent, peut-être pour rendre le bâtiment plus vivant. Mais comment faire quand on ne peut à peine bouger quelques membres. " 87, 88, 89, 90,..." Je résiste. Certains pleurent mais je ne veux pas de leur pitié pour moi, je ne suis qu'un être de plus sur cette Terre donc je m'éteins, ça n'a aucune importance... Malgré ce qu'ils pensent.
J'ai vécu ma vie comme eux, dans l'ombre de plus grandes personnes. " 91, 92, 93, 94,..." J'ai peur de cette chose mais d'un autre côté, je me dis et pourquoi pas? Elle m'attire délicieusement, me susurre à l'oreille que si je viens vers elle, je n'aurais plus aucune souffrance. Mais mon esprit persiste malgré tout il attend quelque chose, un signal peut-être. Je me laisserais sombrer que lorsque je le voudrait, lorsque j'aurais que peu de contrôle sur moi-même. " 95, 96, 97, 98, 99,..." Mais pour le moment je profite, les yeux fermés, le corps immobilisé, je repense à mes problèmes, les choses qui m'énervent mais surtout  garde en tête pour survivre tous ces bons moments, ceux où j'ai pleuré de bonheur, ceux où j'ai ris, ceux où j'étais heureux d'être avec eux et elles, ma famille.
" 100".

Les chemins qui s'entrecroisent ... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant