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— Il est l'heure d'y aller, déclare-t-elle.

Avec un grognement de mécontentement, le groupe se sépare dans l'intersection de couloirs et gagnent leur salle.

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— Len', une Agua, s'il te plaît !

Sans aucun mal, l'intéressée reconnaît la voix de Javier, un habitué des lieux, et cela, depuis bien avant que la jeune femme se procure cet emploi de barmaid. Cela fait seulement trois ans qu'elle travaille dans ce bar populaire de Salamanque, le Cuzco Bodega, et pas un seul soir, cet homme ne s'y trouve pas. Il est âgé d'une petite soixantaine d'années et chaque week-end, son rire gras emplit cette salle à l'ambiance chaleureuse en plus d'apporter avec lui, toutes les nouvelles de la ville.

— C'est comme si c'était fait !

Sans perdre une minute, les doigts de la jeune femme se saisissent d'un verre avant de le poser sur le comptoir. Avec agilité, elle y verse du vin mousseux, de la vodka et du gin avant d'y ajouter du jus d'orange, exprimé il y a tout juste vingt minutes. Connaissant les habitudes de ce client sous le bout des doigts, elle y ajoute du sucre et le mélange avant de s'approcher de lui. En compagnie d'un autre homme, il discute activement et lorsqu'elle arrive à leur hauteur, le sujet l'interpelle. Un crime qui aurait eu lieu la veille.

— Ce n'est pas jeudi que le meurtre a eu lieu ? ne peut-elle s'empêcher d'intervenir, les sourcils froncés tout déposant sa boisson.

— Il y en a eu un autre hier soir, lui répond l'homme. Une seconde jeune femme d'une vingtaine d'année.

— Une seconde ? s'étonne la jeune femme. La première victime l'était aussi ?

— Oui, mais ce n'est pas le plus grand mystère, s'immisce l'autre client à voix basse. Les deux se sont faites arracher la jugulaire et littéralement, vider de leur sang. Le problème est qu'il y avait trop peu de sang au sol pour prétendre à un simple meurtre.

— Qu'insinuez-vous ? insiste la barmaid.

— Je n'insinue rien, répond-il ; je m'interroge simplement : où est passé tout ce sang ?

La jeune femme se fait silencieuse et malgré le vacarme qui bruit dans la salle, les sons semblent s'atténuer lorsqu'ils arrivent à ses oreilles durant un court instant. Les victimes ont été vidées de leur sang et il n'y en a aucune trace sur les scènes du crime ? Cela n'a pas le moindre sens et même si le meurtrier en est le responsable, que fait-il avec tout ce sang ? Certainement pas de la morcilla... Et puis, qu'est-ce que ces jeunes femmes ont en commun pour se faire tuer de la sorte ? Leur âge est-il le seul élément qui les lie ? Malheureusement, les vieux hommes ne détiennent pas les réponses à toutes ces interrogations.

— Enfin, reprend Javier ; j'espère qu'ils arrêteront ce criminel avant qu'il ne fasse davantage de victimes.

— Lenora ! l'interpelle-t-on. Deux Clara et une Cava pour la table quatre !

— Eh bien, messieurs, je dois y retourner, annonce la serveuse. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.

— Pourrions-nous avoir quelques tapas, s'il te plaît ? s'enquiert Javier, un sourire aux lèvres.

Dans un rire, la concernée acquiesce et récupère rapidement une assiette de divers tapas en cuisine avant de retourner à ses commandes qui se sont accumulées lors de ce court échange. Toute cette histoire d'homicides lui échappe le reste de son service, du moins, jusqu'à ce qu'elle se retrouve aux portes du bar, la clé dans la serrure. 

Il n'est pas loin d'une heure du matin et c'est à son tour de fermer l'établissement. En tant normal, l'heure tardive ne la dérange guère seulement, les paroles des deux hommes lui reviennent à ce moment précis et lui procure une désagréable sensation. Elle habite à moins de dix minutes néanmoins, elle est certaine que ces minutes seront les plus longues de sa vie.

Resserrant sa veste, elle souffle profondément et s'aventure dans les allées sobrement éclairées de Salamanque. Cela doit bien être la première fois qu'elle marche aussi vite et malgré tout, elle a l'impression d'être au ralentie. A cette heure-ci, les rues sont très peu empruntées, si ce n'est par les derniers fêtards de ce samedi soir et, que ce soit un ivrogne ou un tueur en série, elle ne souhaite croiser personne.

Un bruit, provenant d'une ruelle qu'elle vient tout juste de dépasser, attire son attention et durant la seconde où elle tourne la tête, elle croit apercevoir une ombre passer devant elle, l'immobilisant net. Son cœur s'emballe dans sa poitrine et afin d'interrompre le début de tremblements qui s'emparent de ses mains, elle empoigne la lance de son sac. 

La jeune femme expire silencieusement, convaincue que ce n'est que son imagination qui lui joue des tours, et continue d'avancer. Prudente, ses pas se rétrécissent et en passant devant l'étroite impasse, elle se risque un coup d'œil et constate avec soulagement que ce n'est qu'un chat qui s'aventure de ruelle en ruelle. Ces événements la rendent complètement parano...

Finalement, elle gagne son appartement, dispensée de tout encombre et un soupir franchit ses lèvres lorsqu'elle verrouille la porte de son studio derrière elle. Il n'est pas très grand, juste ce qu'il faut pour une étudiante : trois pièces pour une salle de bain, une chambre et une cuisine.

Lenora pose ses affaires sur le bureau et se débarrasse de ses vêtements alors qu'elle prend la direction de la douche où son reflet est la première chose qu'elle y voit. Le miroir, placé pour elle ne sait quelle raison sur le mur opposé, lui renvoie l'image d'une femme à la peau foncée dont les cheveux bouclés sont attachés avec négligence sur le sommet de sa tête. Ses yeux, d'un brun si sombre qu'ils paraissent noirs, sont fatigués et tiennent péniblement ouverts. Un bâillement vient écarter ses lèvres pleines d'une manière peu délicate et l'encourage à prendre cette douche afin de rejoindre son lit.

Elle ne travaille que trois jours par semaine : le vendredi au dimanche avec des horaires variables toutefois, avec l'accumulation des cours, cela peut vite s'avérer éreintant. Elle ne s'en apitoiera pas car au-delà de cela, elle n'a rien à reprocher à cet emploi qui la rémunère convenablement en plus de convenir à ses horaires d'étudiante. Son service peut commencer à treize heure pour seize heure comme de vingt heure à la fermeture ou encore comme aujourd'hui, de treize heure à la fermeture. 

D'ailleurs, contrairement à aujourd'hui, demain, elle ne sera que de l'après-midi. Elle pourra donc prendre de l'avance dans ses révisions pour ses partiels qui approchent à grand pas. Elle est en dernière année et l'échec n'est pas envisageable. Du haut de ses vingt-et-un ans, son plus grand rêve est de devenir une enseignante-chercheuse et rien ne l'empêchera d'atteindre cet objectif.

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𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐹𝑒́𝑙𝑖𝑛𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant