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Les deux hommes se jaugent durant plusieurs secondes et enfin, l'attention de ce "Ichabod" se tourne vers elle. Ils la dévisagent brièvement et reporte son attention sur le vampire qui ne daigne même pas faire les présentations. Vexée, elle s'enfonce dans son mutisme et se contente d'observer.

— Je souhaiterais m'entretenir avec Winnifred, déclare Aurel. En attendant, conduis-la dans une chambre, s'il te plaît.

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Après un passage dans la salle de bain adjacente, la jeune femme regagne sa chambre et se laisse tomber sur le matelas moelleux. Elle se saisit d'un des nombreux oreillers qui décorent cet imposant lit à baldaquin en bois massif et l'étreint dans un soupir. Son regard s'oriente sur le lustre accroché au haut-plafond puis sur la porte-fenêtre en bois qui lui fait face. Et la jeune femme ne peut s'empêcher de trouver hideux les rideaux verts qui l'encadrent. Cette ouverture donne sur un balcon qui surplombe l'arrière-cour et son regard se perd sur l'extérieur.

Aurel lui a demandé de ne pas quitter cette pièce mais la profonde envie de désobéir lui traverse l'esprit. Selon lui, ils sont en sécurité dans ces lieux alors pourquoi se priverait-elle de parcourir cet immense château qui semble détenir tant de mystères ? Résolue, la Saragossane se redresse et abaisse la poignée de l'entrée qui s'ouvre dans un grincement. Y a-t-il une chose ici qui ne bruit pas pour rien ?

Retournant sur ses pas, elle se rend dans le hall au rez-de-chaussée et s'aventure dans les nombreux couloirs. Des salons. Des cuisines. Des salles à manger et bon nombres de portes closes. De temps à autres, elle croise la route de quelques femmes de chambres qui lui font de polis signes de têtes mais à aucun moment, elle ne croise celle d'occupants de ce manoir.

Désappointée de ne voir que les mêmes choses et ne désirant pas perdre davantage de temps en poussant la énième porte qui se présente à ses yeux, Lenora s'apprête à rebrousser chemin. Seulement, à l'instant où ses iris s'en détournent, un bruit sourd se fait entendre de l'autre côté et le sol vibre. Des insultes fusent à l'encontre d'une "putain", seule insulte qui, à cet instant, paraît anodine tant les autres sont violentes.

La vampire s'en approche, curieuse, et la devançant, les battants sont violemment écartés. Une jeune femme est furieusement expulsée par un homme et vient s'écraser aux pieds de Lénora. Le responsable de toute cette agitation lui dessert quelques élégantes insultes supplémentaires et finalement, il remarque sa présence.

Son regard entièrement noir la dévisage avec insistance et la jeune femme se fige sur place. Tout chez cet inconnu inspire la peur : son teint si pâle qu'il paraît verdâtre, les cicatrices qui allongent la commissure de ses lèvres et son aura sombre et effrayante. Durant d'interminables secondes, il l'observe sans prononcer le moindre mot. Ses yeux si singuliers sondent son âme sans autorisation et en retour, il lui offre un sourire, visiblement fier de son petit effet.

Un sentiment de soulagement s'empare de son être lorsqu'il lui tourne finalement le dos, sans pour autant refermer la porte. De cet entrebâillement s'échappe des rires, le tintement de verres qui s'entrechoquent, l'odeur de l'alcool mêlée au tabac et plus alléchant encore, l'odeur du sang.

Les geignements de l'exclue brisent ce début d'exaltation et en l'observant, Lenora constate que son corps est secoué par de faibles sanglots. Un unique voile la recouvre et sa transparence ne laisse aucun doute quant à ses courbes délicates. De nombreuses blessures s'étendent sur sa peau basanée et du sang s'écoule de la plupart d'entre elles : morsures, coupures, bleus. Un défouloir et une mangeoire sur pieds. Toutefois, cette humaine est un détail qui ne la concerne pas.

Alors, avant que la porte ne se referme, la vampire se glisse dans l'ouverture. L'enivrement s'insinue en elle face à l'intensification des effluves mais la sensation d'être dévisager l'interrompt. L'inconnue la considère avec attention à travers ses longs cheveux châtains qui lui tombe sur le visage. Elle s'en agace sur-le-champ. Pour qui se prend cette femme pour la scruter de la sorte ? Ses canines s'allongent dans un grondement et la peur s'installe chez l'humaine qui s'enfuit en courant.

Lorsque la Saragossane s'aventure dans le long corridor, elle a l'impression de faire irruption dans un autre pays. L'ambiance diffère du tout au tout des autres parties du domaine. Des tapis persans recouvrent l'entièreté du sol et les murs sont tapissés d'une matières laineuses brunes dont les motifs entourent chaque encadrement. Des rideaux de perles font office de portes pour chaque entrée et les lumières tamisés apportent une ambiance des plus intimes.

Des gémissements se joignent aux sons familiers et à travers les rangées de bijoux, elle aperçoit des batifolages en tout genre. Relations sexuelles traditionnelles ou à plusieurs. Consommation de sang à la source. L'union des deux. Elle a mis les pieds dans un véritable gynécée.

Du bout des doigts et au hasard, la jeune femme écarte un rideau. Des corps s'étreignent avec sensualité et passion. Leurs soupirs enfiévrés emplissent la pièce constituée d'un simple matelas ainsi que de nombreux coussins et à chaque seconde qui défile, l'ivresse qui déferle en eux semble s'intensifier. Soudainement, leurs yeux brûlants se posent sur sa personne et leur sourire malicieux la reçoit, dévoilant leurs canines. Prise sur le fait dans son acte de voyeurisme, elle ne s'attarde pas et poursuit son acheminement bien qu'elle ne peut s'empêcher de jeter un œil vers la chambre. La sexualité a donc des effets sur les vampires.

— Le sexe est une activité plaisante pour toutes les races, très chère. Même pour les plus monstrueux d'entre nous.

Surprise par cette intervention, Lenora fait volte-face et se retrouve nez-à-nez avec un homme. Il est grand, la carrure à la fois gracile et imposante et la peau d'un brun clair. Ses cheveux ébènes bordent son visages fins aux traits joueurs et une fine queue de cheval pend dans le bas de son dos. Son regard grenat et autoritaire est approfondi par d'épais cils, eux-mêmes surplombés par de fins sourcils. Une aura sauvage et dominatrice émane de lui et attire irrémédiablement la jeune femme. Cet inconnu est d'une beauté renversante et irréelle. Mais au-delà de ce détail, comment peut-il connaître l'objet de ses pensées ?

Par le passé, Aurel lui a brièvement raconté que certains d'entre eux possèdent des dons. En fait-il partie ? Lenora l'analyse de haut en bas, lui permettant de relever son style décalé : une simple chemise blanche, un pantalon rentré dans des bottes, un long manteau et des gants.

— Je vous prierais de ne pas porter atteinte à l'intimité de mes pensées, déclare-t-elle en ancrant laconiquement ses yeux dans les siens.

La difficulté qu'elle éprouve à soutenir son regard traduit son âge avancé. Son existence s'étend sûrement sur plusieurs siècles. Cela expliquerait pourquoi il est en possession de la télépathie et de cette aura écrasante.

— Vous m'en demandez bien trop, Mademoiselle...?

Sa voix chaude et suave, au fort accent britannique, reste en suspens. Certainement dans l'attente de son nom de famille, présume-t-elle. Il la scrute avec parcimonie dans l'attente d'une réponse, toutefois, elle ne désire pas qu'il en détienne l'information. Sur le point de lui partager cette décision, la porte s'ouvre, l'interrompant dans son élan, et des pas, devenus sourd sur les tapis, font trembloter le plancher.

— Monsieur De BERKELEY, sourit langoureusement un trio de femmes en le dévorant du regard.

En guise de réponse, il leur offre un poli signe de tête sans leur adresser ne serait-ce qu'un coup d'œil. Lenora intercepte la fusillade qui se déroule dans leurs prunelles à son encontre mais leur accoutrement retient davantage sa considération.

Leur robe adopte des épaules étroites et tombantes, une taille affinée en triangle pointant vers le bas et une jupe en forme de cloche. Et si elle ne se doutait pas de leur qualité de vampires, elle se demanderait comment elles parviennent à respirer. De quelle époque viennent-elles ? Les portes s'ouvrent une nouvelle fois et alors qu'elle croit en la venue d'une autre personne souhaitant déchaîner ses passions, elle se fait interpeller :

— Mademoiselle BORGIA, vous êtes attendue dans les appartements de Monsieur BORGIA, lui signale un homme qu'elle reconnaît comme étant Ichabod.

A l'entente de son nom, son interlocuteur arque un sourcil, intrigué. Elle qui ne souhaitait pas qu'il connaisse son identité... Au moins, les voici désormais sur un pied d'égalité. Un peu plus longtemps que ses précédentes tentatives, elle plonge son regard dans le sien :

— Monsieur De BERKELEY, conclut la concernée.

— Mademoiselle BORGIA...

Pour masquer son trouble causé par l'entente de son nom dans sa bouche, elle tourne les talons et emboite le pas du guide.

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𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐹𝑒́𝑙𝑖𝑛𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant