Chapitre 7 : Conséquences.

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Le visage d'Aurelien se leva une demie seconde vers son ami. Il tenta d'afficher sur celui ci un sourire accueillant et posé. Il était pourtant tout sauf posé. Son esprit bouillonnait, son ventre était tordu par la honte. Son cœur battait beaucoup trop fort. Ses mains étaient moites et tremblaient tellement qu'il se demandait si il n'avait pas Parkinson. Il s'efforça de masquer tout ça. Ça normalisait un peu les choses entre eux d'une certaine manière. Il n'avait aucune envie que la nuit dernière change quoi que ce soit dans leur amitié. Cependant il savait au fond de lui que ça allait inévitablement changer.
Ça aurait peut être été une situation moins angoissante pour Aurélien si il n'avait pas un désir pour Gringe. Il s'était rendu compte de ce qu'il se passait quand il laissait son désir s'exprimer et, les conséquences sur le corps de son partenaire devaient être un peu désastreuse.

- Yo. Tu veux quelque chose ?

Le caennais se felicita mentalement que sa voix n'ait pas tremblé. Il était d'habitude très mauvais acteur mais il se serait bien fait une cérémonie des Oscars pour lui même grâce au merveilleux rôle du "mecquiabaisésonpoteetçaavaitl'aircoolmaisilnes'ensouvientplusalorsilfaitcommesiderienn'etait."

Sans que le plus jeune ne le voit le visage de Gringe tresailla légèrement. Premièrement, la normalité de la phrase était complètement inappropriée. Deuxièmement, Orel s'était adressé à lui avec un contrôle qui dépassait l'entendement. Enfin "contrôle", il n'arrivait pas à tout contrôler. Sa lèvre inférieure ainsi que ses mains avaient presque des spasmes, il se triturait les mains et surtout, surtout il ne le regardait pas. Le regard d'Aurelien était figé sur la télé éteinte et jeta parfois quelques coups d'œils timides à Guillaume sans pour autant le regarder. L'homme au bonnet passa en quelques secondes par tout un tas d'émotions différentes : étonnement, surprise, hilarité, hystérie, désolement, angoisse, colère.
Il frôlait clairement la crise de nerf. Il avait besoin de silence pour réfléchir.

Orel était en ébullition, le blanc entre sa première prise de parole s'étirait de plus en plus et, selon son point de vue, cela grandissait de plus en plus le malaise présent dans la pièce. Il était obligé de rajouter quelque chose, n'importe quoi.

- Tu veux t'asseoir ?

Dés que ces paroles franchirent les lèvres du canneais il se gifla mentalement. Mais quelle excellente idée. Demander à son ami au "cul", disons le clairement, déchiré, de s'assoir ça c'était malin ça.

Guillaume posa un poing sur sa bouche entre l'effacement et l'hilarité.
C'était une blague ? Si s'en était une elle était à la fois excellente et complètement inappropriée. Il avait déjà un peu de mal à marcher. Il était hors de question pour lui de s'assoir.

- Ça ira merci.

Il sortit de la pièce en essayant d'avoir une marche naturelle et souple. Sans succès, on aurait probablement dit un vieillard qui s'était pété le coccyx.
Alors qu'il fût enfin hors du regard d'Orel il s'autorisa un soupir. Leur relation allait être comme ça à présent ? Vide, sans aucun regards échangés, avec un constant malaise ? Allez, ça allait sûrement s'arranger avec le temps.

Qu'est ce qu'il se passait en ce moment dans la tête de son ami ? Il regrettait ? Se sentait sale ?
Guillaume quand à lui ne savait pas trop comment il se sentait. Il avait besoin d'en parler pour mettre un doigt sur ce qu'il se passait dans sa tête. Cependant, il avait peur que "La discussion" change complètement les choses car, en vérité, lors de la soirée Gringe n'était pas si alcoolisé que ça, moins qu'Orel en tout cas, il se souvenait de quasiment tout alors que son ami, probablement pas. Il en était à la fois soulagé et dépité.

Après avoir enfilé un pantalon, il revint dans le salon, bien décidé à en discuter.

*

Cela faisait une semaine que la soirée s'était écoulée et que les deux compères ne s'étaient parlé que vaguement. Plus de blagues le matin, plus la cigarette du midi ensemble, plus de commentaires quand ils regardaient la télé, plus de longues discussions sur des sujets plutôt intéressants en général, plus de ni oui ni non, de Jonnhy Depp, de jeux qui rythmaient leur quotidien, plus une seule goutte d'alcool. Et un constant malaise accroché à leur appartement comme si il s'était incrusté dans les murs comme un vieux febrez pourri. Un vieux febrez odeur "Essayez de ne pas être mal à l'aise".

Ils jouaient au roi du silence sans s'en s'être concerté avant. Aurélien devait juste parfois caler une ou deux blagues pour normaliser la situation et puis l'air devenait un peu plus respirable pour lui mais faisait retenir la respiration de Gringe. Gringe allait exploser. C'était sûr, il n'était qu'une grosse bombe à retardement géante qui allait tout casser sur son passage. Son pote caennais ne le regardait plus du tout, celui ci devait lui jeter deux regards par jour grand max juste pour savoir si il ne s'était pas endormi sûrement.

Alors qu'un vieux documentaire pourri sur les insectes passait à la télé, le drame arriva. La blague de trop.

- Eh, c'est trop marrant, la femelle mante religieuse après s'être accouplé elle bouffe la tête du mâle. Alors que nous c'est avant la relation que la femelle te bouffe la queue.

Tout en douceur, Guillaume prit la télécommande, éteignit la télévision, ressera sa main sur la télécommande si fort que les jointures de ses doigts blanchirent et il laissa toute sa colère trop longtemps retenue se diluer dans ses veines de manière libératrice.

Orel avait allumé la mèche.
L'heure du carnage avait sonné.

Johnny Dep'Où les histoires vivent. Découvrez maintenant