Chapitre 11 : Sombrer

737 73 20
                                    


Gringe monta les escaliers menant à l'appartement d'Orel. Il avait quelques affaires à récupérer avant d'aller chez Léa et puis, il se sentait pas très bien, il avait un mauvais pressentiment qui lui collait bizarrement à la peau et il n'arrivait pas à s'en défaire.

Il poussa doucement la porte avec la liste mentale de ce qu'il devait prendre afin ne pas laisser Léa poireauter dans la voitu-

Un poing s'abattit violemment sur sa joue et le fit tomber à terre. Ils se faisaient cambrioler ? Qu'est ce qu'il se passait ? Il leva des yeux sombres vers son agresseur et, il s'apprêtait à rendre la pareille mais son agresseur n'était autre qu'Orel.

Orel ?

Il ne l'avait jamais frappé. Pire, Orel n'avait jamais frappé personne. Le jeune caennais évitait toutes les embrouilles qu'il pouvait. Il etait pacifiste et n'en venait jamais au poings.

Puis tout de suite, la source du problème s'insinua dans son esprit et la culpabilité commença à se faire une place dans son ventre, installant calmement ses affaires, elle était prête à rester pour un certain temps cette squatteuse.

- Tu degages de chez moi.

Les sourcils de Guillaume de froncèrent. Cet appartement c'était chez eux, "chez nous". Bien que ce soit Orel qui payait, il n'avait jamais considéré leur lieu de vie comme son appartement.

- Ahah, tu veux dire de chez nous non ?

- Non. Tu degages de chez moi. Vu que visiblement tu n'as aucun scrupule à me prendre ce qui m'appartient je préfère te dégager avant de tomber encore sur une mauvaise surprise.

Tic tic. C'était la culpabilité qui faisait ses travaux dans le ventre de Gringe, qui agrandissait son habitat.

- Écoutes, avec Marion c'étai-

- NE PRONONCE PAS SON NOM.

Le plus jeune pointa un doigt haineux sur son compère afin qu'il se taise. Comment avait il osé ? Son cerveau baignait dans la haine et dans la déception l'empêchant de réfléchir correctement. Il acceptait tout de Gringe. Tout. Le fait qu'il lui avait piqué son lit, ses crises de colères inexpliquées, son manque d'implication dans la vie collective et il en passait. Mais là c'etait trop. Rien que d'y penser faisait retourner son ventre. Comment pouvait il lui faire confiance à nouveau ? Il avait plus que tout besoin de lui faire confiance. Son monde s'écroulait.

Il prit une longue inspiration, seul bruit dans le silence presque religieux de la pièce.

- Maintenant degages Guillaume.

Le barbu se contracta. Il aura préféré recevoir un deuxième coup plutôt qu'Orel l'appelle "Guillaume". Guillaume c'était froid, distant, coupait court à la discussion. Il ne l'avait jamais appelé Guillaume. Il croisa le regard d'Orel qui lui renvoya son image. Il était médiocre, décevant, faible et possessif.

Il était vrai que quand il avait vu le caennais commencer à sortir avec une fille si parfaite, mignonne, drôle, simple. Il se devait de lui trouver un défaut. De ternir son image. Elle était trop bien, prenait trop de place. Le plus jeune ne parlait que d'elle, s'en était insupportable. Gringe ne voulait pas que ça se sache, c'était juste une certaine satisfaction de savoir que la parfaite Marion était infidèle.

Une onde de colère se diffusa dans le corps du plus vieux. C'était si injuste. Après une semaine horrible où il pensait avoir perdu Orel, il y avait enfin eu une sorte de réconciliation. Mieux, un petit moment de bonheur pur où l'on pouvait entrevoir une petite parcelle de futur agréable.

Et voilà que le caennais lui filait entre les doigts ? Les poings serrés et la tête basse, Gringe sortit de l'appartement n'ayant le temps que d'entendre Orel hurler :

- Et je vais récupérer mon lit aussi.

*

Le basané s'installa dans la voiture.

- Bah, t'as pas prit d'affaires ?

- Non. Non, l'appart' était fermé.

- Ah ok. Mais t'as été long quand même.

- Ouais le voisin est venu discuter un peu.

Léa eu un sourire et elle glissa sa main sur la joue de Gringe.

- Mais, c'est quoi ça ? On t'a tapé ? T'avais pas ça tout à l'heure.

- Le voisin est venu discuter un peu..

La jeune fille prit une longue inspiration, petit expiration. Ça ne voulait dire qu'une chose. Elle allait se fâcher.

3...
2..
1.

- J'vais lui défoncer la gueule à c't'enculé. Il t'a dévisagé. Dis moi son numéro de porte, je vais me le faire.

Après avoir pouffé légèrement Guillaume pausa sa main sur l'avant bras de Léa afin de la faire rester dans la voiture.

- Non t'inquiète, je m'en fous. Viens on va chez toi.

La tempête blonde lui adressa un petit sourire avant de poser ses lèvres sur celles du basané.

- D'accord. Mais du coup c'est chiant. T'es abîmé et j'ai pas de service après vente.

Elle alluma le moteur qui couvrit les petits rires de Gringe. Heureusement que Léa était là pour le soutenir.

*

Orel était couché dans le lit de Gringe, enfin, maintenant il appartenait à nouveau au caennais. Le regard perdu. Il se sentait seul, si seul ; et trahi. Il n'y avait plus Gringe, plus Marie pour tromper la solitude dont il avait si peur. Plus de soutien.

Lorsqu'Aurelien était seul il lui arrivait de dériver, de se laisser emporter par les idées noires, de se remettre en question. Il était une lourde masse de tristesse et de doutes.

Il riait quand les gens le critiquait. Ce n'était rien par rapport à la voix dans sa tête qui le descendait plus bas que terre. La voix dans sa tête était la pire de toute, elle le faisait toujours sombrer, toujours plus. Le seul échappatoire était l'écriture. Cependant, le caennais se sentait incapable de bouger. Noyé dans le goudron de ses pensées, il n'avait même pas la force de débattre. Il coulait, comme une pierre.

Toujours plus profond.

Johnny Dep'Où les histoires vivent. Découvrez maintenant