1 : Meurtre nocturne

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Avec douceur, je me détachai de l'enfant qui dormait blottie contre mon flanc. Je roulai sur le côté et me redressai avec souplesse. Le ciel commençait tout juste à se teinter de rose à l'est et les rideaux ouverts laissaient passer la douce luminosité du matin.

Aussi silencieuse qu'un chat, je me dirigeai vers la chaise pour saisir ma tenue de rechange suspendue au dossier. Je l'enfilai rapidement tout en tendant l'oreille pour guetter le moindre son à l'extérieur de la pièce. Si on me surprenait ici, je n'osais pas imaginer ce qui se passerait.

Le changement de rythme dans la respiration de Cha et le froissement de draps m'avertirent que celle-ci venait de se réveiller. Elle se tenait assise sur la paillasse et me regardait de ses yeux encore ensommeillés.

« Tu t'en vas déjà Isa? s'enquit-elle d'une petite voix.
- Je dois aller travailler. »

Le plus sérieusement du monde, la petite fille se frotta les yeux en hochant la tête.

« Alors fait attention à toi. »

Prise d'un soudain élan de tendresse, je m'assis sur la paillasse à côté d'elle et l'enveloppai dans une étreinte maternelle. Il m'était difficile de déterminer si j'avais fait de Cha ma fille ou ma sœur adoptive, mais ce dont j'étais certaine, c'est que je l'aimais plus que n'importe qui d'autre sur Terre. J'adorais caresser ses cheveux bruns toujours emmêlés, contempler la fossette creuser sa joue lorsqu'elle souriait ou encore, l'entendre rire, les yeux brillants.

Les règles de l'orphelinat avaient beau être strictes et contraignantes, nous nous arrangions pour nous voir, le soir quand je rentrais du travail, ou encore comme cette nuit, lorsque je venais dormir clandestinement à ses côtés.

Je l'embrassai sur le front avant de m'écarter. Ses grands yeux noisettes me fixaient dans la pénombre. J'aurais voulu rester là jusqu'à la fin des temps. L'adopter. Mais je savais que l'embarquer dans ma minable vie n'était pas une bonne chose. Elle méritait mieux que moi.

« Il faut que tu retournes dans ta chambre avant l'heure du réveil. »

Elle acquiesça, arborant cet air si grave sur son visage qui respirait la candeur et l'innocence. Je l'aidai à se relever et après une dernière étreinte, la poussai gentiment vers la porte de la pièce vide que nous occupions, les nuits où je m'introduisais dans l'établissement.

Cha l'ouvrit avec précaution, vérifiant que personne ne se trouvait dans les parages. Elle se retourna dans ma direction, la main sur la poignée.

« Tu viens me voir ce soir ?
- Promis. »

•••

Je me serais giflée pour avoir fait une telle promesse. Mais je n'en eus pas le temps de la journée. À vrai dire, je n'eus même pas l'occasion de penser.

Depuis maintenant plus d'un an, je travaillais dans l'une des auberges les plus fréquentées de Trost. Toutefois, si les clients y passaient un moment absolument merveilleux, ce n'était pas le cas des employés qui devaient se démener pour répondre à la moindre attente tout en ployant l'échine face aux rugissements du patron. Ce dernier était sans doute une des pires ordures que je n'avais jamais eu à croiser dans ma vie.

Cette journée là se révéla infernale. Les clients abondaient et je circulais dans l'auberge telle un automate, effectuant des centaines de tâches et accumulant les allers-retours. Je n'eus même pas droit à une véritable pause déjeuner que mon patron m'obligea à passer en récurage des rares chambres inoccupées. Je savais qu'il faisait ça car pour une raison qui m'échappait, il me haïssait.

𝐌𝐄𝐌𝐎𝐑𝐀𝐁𝐈𝐋𝐈𝐀 - LeviXOcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant