𝐌𝐄𝐌𝐎𝐑𝐀𝐁𝐈𝐋𝐈𝐀 - LeviXOc

26 : Lettre interdite

  Je ne gardai pas le moindre souvenir de cette fin de soirée. Le whisky semblait en avoir effacé toutes les images. Mais vue la véhémence qu'employa Levi le lendemain pour nous interdire la moindre goutte d'alcool, je devinais aisément que cela n'avait pas dû être très glorieux.

  Cependant, malgré cet épisode passablement honteux, la vie reprit son cours et doucement, je me remis des atroces évènements passés. Il me fallut du temps, mais grâce à l'amitié de Teresa, Erd, Jesper et Hanji ainsi qu'au soutien discret mais bel et bien présent de Levi, je recommançai peu à peu à me nourrir et à vivre.

  Mon rétablissement me fit l'effet d'une renaissance. Chaque jour, je découvrais à nouveau la sensation de me coucher le ventre plein, de me réveiller le sourire au lèvres et de profiter de la caresse du vent sur ma peau.

  Un jour, sur un coup de tête, je décidai d'entamer l'écriture d'un journal. Retranscrire mes pensées me parut tout d'abord compliqué. Les phrases étaient sèches, sans vie, et chaque page ressemblait plus à un rapport militaire qu'à une véritable confidence. Mais petit à petit, les mots me vinrent avec plus d'aisance et de fluidité, la plume grattait le papier pendant des heures entières, sans interruption. J'y faisais part de mes journées, de mes états d'âme, m'attardant sur certains détails, un sourire, une odeur… J'écrivais aussi beaucoup de lettres, toutes adressées à Cha. Des lettres que je n'enverrais jamais. À mon plus grand regret, il me fallait garder le silence. Continuer à jouer la morte.

  Je devais tirer un trait sur mon existence d'avant. Définitivement. N'ayant plus de passé auquel me raccrocher, je me dévouai donc corps et âme au Bataillon, me démenant pour devenir meilleure, pour forger une Isa nouvelle et plus forte. Lorsque je ratais un exercice la journée, je passais des heures à m'entraîner pendant la nuit, répétant encore et encore, annihilant le point faible. Grâce à ma ténacité presque excessive, mes progrès se révélèrent plus flagrants encore que lors de mon arrivée. Chaque jour me voyait plus rapide et plus adroite en manœuvre tridimensionnelle, plus forte et plus insaisissable au corps à corps, plus habile et plus rigoureuse en équitation…

  Ce qui ne se réduisait autrefois qu'à des rumeurs devenait désormais confirmation : j'avais du talent et aussi incroyable que cela puisse paraître, lentement, mon niveau rattrapait celui du caporal Levi.

  Un beau jour, deux nouvelles recrues furent assignées à l'escouade Levi. Ma première réaction fut de sentir mon cœur se serrer en songeant qu'ils ne représenteraient que de faibles substituts à Ryme et Ari. Pourtant, c'est à moi que l'on confia le rôle de les former pour faire d'eux l'élite de l'armée. Et malgré ma réticence première, je m'y adonnai avec zèle, m'acharnant sans cesse à les entraîner, à les encourager et à les pousser vers le haut. À tel point que tous deux ne tardèrent pas à beaucoup m'apprécier.

  Oruo était un garçon vantard et singulièrement vaniteux qui en paraissait trente alors qu'il n'en avait que vingt. Malgré son égo surdimensionné, je l'aimais bien. Sa grande gueule et sa maladresse me faisaient rire. Timide et douce quant à elle, Petra représentait l'idéal même de l'adorable jeune fille dévouée. Toute en sourire et en bonne volonté elle se révéla douée et entreprenante. Toutefois, quelque chose d'indéfinissable me dérangeait chez elle, m'empêchant de l'apprécier à sa juste valeur. Un désagréable picotement se réveillait en moi à chaque fois qu'elle s'approchait un peu trop près de Levi et le couvait de son regard de biche. Je fus la première à remarquer qu'elle en pinçait pour le caporal, toujours prête à vanter ses mérite et à le défendre auprès de ceux qui se plaignaient de son impolitesse. Cela, inexplicablement, m'irritait et je devais faire de gros efforts pour n'en rien laisser paraître. Bien entendu, Levi toujours aussi froid et sec, ne semblait même pas s'en apercevoir.