𝐌𝐄𝐌𝐎𝐑𝐀𝐁𝐈𝐋𝐈𝐀 - LeviXOc

5 : Erwin Smith

Cela faisait des heures que je me tenais là, aussi immobile qu'une statue, le regard rivé sur l'orphelinat. Mes muscles et articulations avaient beau crier grâce, je ne bougeais pas.

Dans mon poing droit se trouvait froissé, un des innombrables portraits de moi qui depuis quelques jours, fleurissaient partout sur les murs de la ville et dans ma main gauche, le revolver du salaud qui avait attaqué la voiture des Edelstein.

Quand j'avais vu que ma tête était mise à prix, je m'étais retrouvée tiraillée entre l'envie de rire et celle de boxer quelqu'un. J'étais de retour dix ans auparavant, de nouveau dans le collimateur de la police. Mais cette fois, les accusations étaient les suivants : usage de la violence envers autrui et enlèvement d'enfant.

J'étais là pour faire le travail jusqu'au bout et assassiner Hawkins. Quitte à devoir être mise en prison, autant que ce soit pour une bonne raison. Toutefois, quelque chose me gênait au contact de la crosse de bois lisse et vernie, du poids de l'arme entre mes doigts...

À plusieurs reprises, Hawkins était apparu dans l'encadrement de sa fenêtre, m'offrant un excellent angle de tir. Mais je n'avais pas tiré. Quelque chose m'en avait empêchée. Mais pourquoi ?

Je voulais être plus proche de lui lorsqu'il mourrait. Pouvoir l'observer se vider de son sang sur les pavés. Voilà pourquoi.

Cesse de te mentir. Tu ne veux pas le tuer.

Malgré les accusations que l'on m'avait mises sur le dos, il y avait encore moyen que la brigade se lasse, et que les recherches cessent dans peu de temps. Il me fallait juste disparaître en attendant, quitter Trost pour gagner un autre district, ou alors partir habiter quelque part à la campagne. En revanche, ajouter un meurtre à la liste ne ferait que compliquer les choses. Dans ce cas, les recherches redoubleraient d'ardeur et fuir le district ne suffirait pas à les arrêter.

Je ne pouvais pas tuer Hawkins. Toutefois, je pouvais lui faire regretter ses actes. Décidée, j'activai le cran de sécurité et rangeai l'arme dans ma ceinture.

Le soleil atteignait son zénith et me brûlait la tête et les épaules quand Hawkins se décida enfin à sortir de l'orphelinat. Vive comme l'éclair, je jetai un regard alentours pour m'assurer que la rue était vide et secouai mes membres engourdis par une trop longue immobilité. Puis je sautai et atterris souplement, juste en face de Hawkins qui en me voyant, devint blanc comme un linge.

« Bonjour Hawkins.
- Qu'est ce que... comment...
- Ça te dis de retourner à l'intérieur ? On va discuter toi et moi.»

Le vieil homme semblait sur le point de tomber dans les pommes. Il se mit à tourner frénétiquement la tête dans tous les sens comme un animal traqué.

« Non, pas cette fois Isa Keith. »

Et avant que je n'ais le temps de comprendre ce qu'il tramait, je le vis sortir un sifflet de son col et le porter à ses lèvres. Le cri strident de l'objet me donna l'impression qu'on m'enfonçait deux aiguilles dans les oreilles jusqu'au cerveau.

Presque aussitôt, quatre soldats de la Garnison jaillirent de chaque côté de la rue et un cinquième qui avait utilisé son équipement tridimensionnel, atterrit juste devant moi, me séparant ainsi de Hawkins. Ce dernier affichait un sourire satisfait sur sa face de charogne.

Le salaud ! me scandalisai-je intérieurement. Il a payé des soldats pour le surveiller.

Mon corps cependant, réagit avant que je ne lui en donne l'ordre. En une fraction de seconde, ma lame fut au clair, prête à trancher du soldat. L'homme en face de moi recula instinctivement, portant sa main à la poignée de son sabre.