Adélaïde travaille comme une folle, malgré la fatigue elle se donne à fond. Elle sait pertinemment que chaque soir elle risque sa place si elle ne fait les choses correctement. Alors elle enchaîne les commandes, les clients hautains et irrespectueux et les cris assourdissants du manager sans brocher en rêvant d'un futur meilleur.
Secrètement elle espère que le temps passera vite car pour la première fois quelqu'un l'attend à la fin de son service. Pour la première fois elle a quelque chose de prévu après son travail, elle sort enfin de sa routine. Cela égaie sa soirée et lui donne la motivation dont elle a besoin pour venir à bout de cette interminable journée.
Quelque chose dans le coin de sa vision l'alerte. Un homme capuchonné regarde dans sa direction. Ça pourrait paraître banal si il n'avait pas été là depuis qu'elle a commencé son service. Cet homme lui donne des frissons, il se dégage de lui une aura étrange, quasiment maléfique. Adélaïde pense halluciner alors elle baisse la tête et se frotte les yeux, mais lorsqu'elle regarde à nouveau il est toujours planté là à la dévisager.
Elle se met à avoir peur et repense à tout ces films d'épouvante où un psychopathe observe une jeune fille innocente pour ensuite la violer et l'éviscérer au fond d'une impasse. Elle se tourne vers la pendule suspendue au mur derrière elle qui indique minuit-et-demi. Dans une demie-heure elle saura ce qui l'attend, cet homme va-t-il finir par partir ou la suivre et l'attraper avant qu'elle ait rejoint Erwan et sa moto ?
Adélaïde commence à s'affoler. Sa collègue l'observe et ressent son trouble, cela fait un petit peu plus d'un an qu'elles travaillent ensemble. Cette dernière la connaît donc assez bien pour savoir quand quelque chose ne va pas, cela ne fait pas d'elle son amie toutefois elle est ce qui s'en rapproche le plus.
⁃ Est-ce que ça va ?
⁃ Cet homme, il est là depuis dix-sept heure assis exactement à la même place à me regarder.
⁃ Quel homme ? La jeune femme commence à s'inquiéter, ce ne serait pas la première fois qu'une serveuse se ferait harceler par un fou assoiffé de cul ou autre vices.
⁃ Celui au fond à droite, près de la porte d'entrée. Il a un capuchon noir, tout dégueulasse et poussiéreux. Je ne vois pas ses yeux mais il est tourné vers moi depuis que j'ai commencé, il n'a pas bougé une seule fois, pas même pour aller pisser.
⁃ Mais Adélaïde, il n'y a personne à cette table.
⁃ Si regarde bien, une homme avec une longue veste noire. Je te jure qu'il est là regarde ! Adélaïde a presque crié, attirant quelques regards étonnés dans sa direction.
⁃ Adélaïde, calme toi ! Il n'y a personne là-bas la table est vide.
Pourtant il y a bel et bien quelqu'un qui la dévisage, une présence qui ne semble absolument pas amicale ni pleine de bonnes intentions.
⁃ Tu dois être épuisée ... tu devrais rentrer un petit peu plus tôt. Ne t'inquiètes pas je te couvrirais.
⁃ Oui tu as raison, je suis très fatiguée en ce moment. Je suis en train de perdre la tête il faut absolument que je fasse un break.
⁃ C'est compréhensible tu ne t'arrêtes jamais et tu es toujours à ton maximum il y a un moment où le corps dis « stop ».
⁃ Oui ... Merci pour ce que tu fais, je te revaudrais ça.
⁃ T'inquiètes pas. Fais attention en rentrant, bisous à demain.
⁃ À demain.
Adélaïde se dépêche d'aller récupérer ses affaires dans le vestiaire et sort par la porte de service. Elle fait attention à ce que la ruelle soit vide et s'engage à l'extérieur. Erwan n'étant pas encore arrivé elle s'assoit sur le trottoir, dans l'ombre pour ne pas être repéré par un éventuel inconnu trop entreprenant et surtout trop ivre.
Elle sort son téléphone et se met à jouer à son jeu préféré lorsqu'elle s'ennuie, elle y est complètement addict. Faire des combinaisons de fruits pour gagner des points et débloquer les niveaux suivants, un jeu simple qui ne demande pas une trop grande réflexion. C'est lorsqu'elle entame sa deuxième partie que l'air se rafraîchit fortement, baissant de plusieurs degrés en une fraction de secondes. Adélaïde serre sa veste et plonge ses mains dans ses poches à la recherche de chaleur.
Il n'y a plus un seul bruit, un silence de mort règne tout autour d'elle. Les lumières se mettent à clignoter pour finalement s'éteindre violemment. N'étant pas rassurée dans l'obscurité et surtout dans une situation aussi étrange que celle-ci Adélaïde allume la lampe torche de son téléphone. Elle scrute la pénombre, elle ne s'y sent en sécurité. Un mauvais pressentiment l'assaille.
Au fond de la ruelle, logé dans le coin le plus sombre se détache une silhouette. Adélaïde étouffe un cri quand elle reconnaît au loin le Capuchon qui l'a accompagné toute la soirée. Ce dernier avance lentement dans sa direction, si lentement que ça lui semble une éternité.
Son instinct et son esprit lui hurlent de fuir, de partir aussi vite qu'elle le peut et de ne surtout pas se retourner. Cependant son corps ne répond pas. Elle est semblable à une poupée de cire humaine, incapable de se mouvoir ni même d'ouvrir la bouche, la seule chose qu'elle puisse faire est de regarder sans pouvoir faire quoi que ce soit. Cela fait d'elle à la fois la spectatrice de la scène et la victime.
Adélaïde sait pertinemment que quelque chose de mal et de douloureux l'attend mais il lui est impossible de réagir. Elle est figée dans l'espace et le temps.
Désormais le Capuchon n'est plus qu'à quelques centimètres de la jeune fille. Cette dernière a envie de hurler, d'appeler à l'aide mais sa bouche reste close. Sa respiration s'accélère, les battements de son cœur aussi et bientôt il finira par exploser si elle ne se calme pas. Des larmes coulent sur ses joues, c'est la première fois de sa vie qu'elle a aussi peur. Elle ne pensait pas finir violée et égorgée par un taré derrière son lieu de travail.
Les rumeurs qui courront à son sujet lorsqu'on la retrouvera assassinée dans une ruelle comme une vulgaire catin tournent dans sa tête. Les gens diront qu'elle était une prostituée et que c'est ce qui lui a permit de s'inscrire dans une faculté puis-qu'étant orpheline personne ne pouvait l'aider financièrement. Deux groupes de gens se formeront alors. Dans le premier seront ceux qui la glorifieront en disant que sa mort est une tragédie, que c'était une fille merveilleuse, extrêmement courageuse et que jamais ils ne l'oublieront même en passant des nuits à purger leur peine en pleurant toutes les larmes de leurs corps. Dans le second iront les « haters », ceux qui la diaboliseront en lançant des rumeurs toutes aussi farfelues et choquantes les unes que les autres, ils diront qu'elle aura récolté le fruit pourri de la semence répugnante d'hérétique qu'elle aura semé.
Un élan de rage monte en elle. Qui sont-ils tous pour la traiter comme une moins que rien ? Que leur a-t-elle fait pour mériter cela ?
Aucuns d'eux n'est mieux qu'elle et si elle est condamnée à subir ce sort alors ils méritent de subir la même chose tous autant qu'ils sont. Ils vont tous payer pour l'enfer qu'ils lui ont fait vivre pendant des années. Par leur faute elle vit constamment dans la peur de l'autre, dans la peur des moqueries et de l'harcèlement. À cause d'eux elle est persuadée depuis son enfance d'être une sombre idiote inutile et inintéressante abandonnée par tout le monde parce qu'elle ne vaut rien.
Tout ce temps Adélaïde les a cru mais s'en est assez. Elle en a assez de tout ces mensonges, du bourrage de crâne que les gosses lui ont fait étant petite et de la violence verbale que les fils et filles à papa de la faculté lui crachent au visage.
Elle est arrivée à saturation, c'est finit elle ne se laissera plus faire.

VOUS LISEZ
La Fille des Ombres
ParanormalAdélaïde est orpheline et apprend du jour au lendemain que la raison de son malêtre provient de ses origines profondes. Elle ne vient pas de ce monde. En réalité la jeune fille descend d'une ligné de sang-mêlés très puissants, chargés de garder l'é...