Chapitre 5

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La journée se termine et Adélaïde a réussi à éviter Erwan avec succès bien qu'ils aient les mêmes cours. Elle en est à la fois heureuse est triste, mais elle est persuadée que ça va lui passer. Ça doit lui passer. Après tout ce n'est un nouveau dont elle ne sait absolument rien et qui, de toute façon, se serait lassé d'elle aussi vite qu'il avait voulu la connaître. Ils auraient tout deux perdu leurs temps et auraient été déçus. Finalement elle avait juste évité des scènes inutiles de fausse amitié et de faux moments agréables avec une personne faussement drôle et faussement adorable envers elle.

Il est seize heure et il est temps pour Adélaïde de rentrer chez elle et de se préparer pour aller travailler. Une fois qu'elle sera dans sa voiture elle empruntera la même route qu'elle prend depuis un an, puis mettra le même uniforme du même fast-food. Elle finira aux alentours d'une heure du matin et rentrera complètement crevée avec à peine la force de se traîner jusqu'à la douche et de se coucher.

Sa vie est monotone, elle le reconnaît et elle aurait vraiment besoin de changement. Cependant avec la vie qu'elle mène ça lui est impossible et c'est probablement ce qui la pousse un petit peu plus à chaque fois vers la limite fatidique du burn-out.

Adélaïde tourne la clé dans le contact mais rien ne se passe. Une fois, deux fois, la voiture ne démarre pas. Désespérée elle va ouvrir le capot mais dès qu'elle l'entrouvre de quelques centimètres une épaisse fumée noir s'en échappe et menace d'enfumer tout le parking. Voulant jouer la discrétion pour fuir une certaine personne c'est raté, tous les étudiants sont tournés vers elle et l'observent tenter de faire démarrer ce qui lui sert de voiture et qui n'est désormais qu'une carcasse fumante.

Adélaïde n'en peut plus, elle se met à pleurer. C'est comme si le sort et les éléments s'étaient ligués contre elle pour lui pourrir la vie.

Soudain, comme sortie de nulle part une moto s'arrête à quelques mètres d'elle.

Adélaïde s'attend à voir quelqu'un prêt à lui balancer une moquerie cinglante mais en réalité ce fut tout le contraire. Le motard descend de sa bécane et se dirige vers elle tout en enlevant son casque.

⁃ Viens avec moi, je ne peux pas te laisser comme ça et n'essaie même pas de rétorquer. C'est un ordre.

Erwan ouvre la portière droite de la voiture et récupère les affaires de cours d'Adélaïde pour les mettre dans son petit coffre. Puis il retourne vers la jeune fille en pleurs qui le regarde avec des yeux aussi rond que des balles de tennis.

Il dépose doucement son casque sur le toit du tacot et prend son visage dans ses mains avec précaution. Son regard danse sur les traits d'Adélaïde, il la regarde comme si c'était la dernière fois qu'il la voyait, comme si plus rien ne serait pareil après cela. De ses pouces il essuie les larmes qui ont coulé, il les passe sur le contour de ses lèvres en les dévorant du regard.

En cet instant Erwan n'a qu'un seul désir : la protéger quel qu'en soit le prix. Il remonte alors ses mains à l'arrière de la tête d'Adélaïde et la pose sur son torse dans un signe de protection et de réconfort. Il lui caresse lentement les cheveux et pose son menton au sommet de son crâne.

⁃ Arrête de pleurer, ne leur fais pas ce plaisir. Tu es plus forte qu'eux ne l'oublie jamais et je te promets que je serais toujours là pour toi. Tu auras beau me repousser je reviendrais à chaque fois jusqu'à ce que tu comprennes que jamais je ne te ferrais du mal. Je ne te laisserais plus jamais partir Adélaïde.

Erwan desserre leur étreinte de sorte qu'elle puisse le regarder dans les yeux, puis il dépose un baiser sur son front.

Adélaïde ne comprend pas ce geste mais elle se laisse faire, la chaleur du baiser se propage en elle comme une vague de réconfort et d'espoir, et malgré ses inquiétudes elle le suis jusqu'à sa moto. Il lui donne un casque qui étonnamment est parfaitement à sa taille et tous les deux se mettent en route vers l'appartement d'Adélaïde.

Une fois en bas il se gare et l'accompagne jusque chez elle. Elle l'invite à l'attendre dans le salon en attendant qu'elle se change. Erwan s'adosse à un mur ne sachant pas vraiment comment agir. Il observe alors l'appartement et se trouve étonné du contraste entre l'extérieur du logement et ce qu'Adélaïde en a fait. À première vue il semble miteux, petit et mal agencé mais Adélaïde a réussi à gommer ses imperfections.

Les murs repeints en blanc donnent une impression de grandeur aux pièces, les meubles sont disposés de manière à ce qu'il y ai assez d'espace pour circuler malgré la place limité. Une petite télévision est posée sur un meuble noir qui arrive à la hanche comportant de nombreux tiroirs de rangements. Un canapé deux places y fait face et entre est placée une table basse noire elle aussi, contrastant avec les murs.

La cuisine est certes minuscule mais seuls une gazinière, un réfrigérateur-congélateur, des placards en hauteur ainsi qu'un plan de travail s'y trouvent laissant tout de même une grande ouverture sur le salon. Erwan n'a pas pu accéder à la salle de bain mais il suppose qu'elle se situe dans la chambre, ces dernières pièces doivent sûrement être aussi bien décorées que les précédentes.

Erwan est littéralement tombé amoureux de cet endroit, il est chaleureux, moderne et semblable à un petit cocon moelleux et accueillant.

Après de courtes minutes Adélaïde sort de sa chambre et leur fait du café. Son invité la regarde faire, il analyse chacun de ses mouvements remarquant ses tics, ses mimiques et tout ce qui la caractérise. Sans s'en rendre compte il la met mal à l'aise ce qui l'agace un petit peu.

⁃ Tu vas arrêter de me dévisager ?

⁃ Excuse moi, j'étais perdu dans mes pensées. Au fait tu as un joli appartement.

⁃ Merci.

⁃ De rien.

Tout deux sont aussi gênés l'un que l'autre. C'est la première fois qu'Adélaïde reçoit quelqu'un chez elle et elle ne sait pas ce que qu'on est sensé faire dans ces moments là. Erwan décide donc de rompre le silence qui s'était installé.

⁃ Il ne faut pas tarder tu vas être en retard.

Erwan dépose Adélaïde à son travail et ne lui donne pas le choix de venir la chercher. Maintenant il doit trouver une occupation jusqu'à une heure du matin. Il parcours alors la ville en quête d'une activité à faire. Les rues défilent, les feux tricolores s'enchaînent, il hère comme le Ghost Rider sans but précis à la recherche d'une proie. Finalement il se décide de s'arrêter dans un café où il prend une bière et joue au billard pour faire passer le temps.

    Plus que trois heures à attendre, il a roulé longtemps mais il a enfin finit par trouver une occupation. 

    Entre deux coups, il contemple son verre et la mousse qui flotte à la surface du liquide. Il regarde les petite bulles remonter et éclater dans un pop presque inaudible. Soudain son esprit se perds dans d'autres contemplations et il se rend compte que des souvenirs, autrefois chers et aimés, semblent éclater eux aussi et disparaître, remplacés par un visage souriant et plein de malice : celui d'Adélaïde.

La Fille des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant