Chapitre 8

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Adélaïde se repasse les dernières minutes en boucle, encore et encore à l'identique. Elle espère trouver un détail qui lui prouverait que ce n'était qu'un cauchemars et qu'elle finira par se réveiller, mais rien. Elle a beau se répéter qu'elle hallucinait tout du long les faits sont là, bien que cette histoire soit tirée par les cheveux elle semble réelle. Les blessures sur son corps l'attestent. Alors elle reste là allongée sous la pluie, le froid et l'orage qui menace de la réduire en cendres comme ils le firent précédemment avec le taré. Doucement elle ferme les yeux et se met à s'endormir de fatigue et de douleur.

Tout d'un coup des bras puissants la saisissent et la soulève. Prenant peur elle se débat vivement, donnant des coups, mordant ce qui se présente à portée de sa bouche et appelant à l'aide aussi fort qu'elle le peut.

Elle est alors déposée sur le sol et retournée avec précipitation.

⁃ Bon sang Adélaïde c'est moi, Erwan !

Soulagée elle ne réfléchie pas. Elle se jette dans ses bras et fond en larmes. Peu importe que son t-shirt soit recouvert de sa morve, elle est enfin en sécurité.

Sans lui laisser le temps de dire un mot et surtout avant qu'eux-même ne finissent grillés Erwan la prend dans ses bras et la transporte jusqu'à une voiture, se met au volant, traficote les fils et démarre en trombe.

Durant de longues minutes Adélaïde est incapable de prononcer un seul mot. Elle est encore un petit peu sonnée de sa chute et n'arrive pas à clarifier ses pensées. Les larmes coulent toujours sur ses joues et se confondent dans les gouttes que la pluie a déposé sur son visage. Sa tête bascule vers la vitre à travers laquelle elle observe un spectacle terrifiant.

Le vent est si fort qu'il arrache tout sur son passage, formant de mini tornades qui ne cessent de grossir à vue d'œil. Des quartiers entiers de la ville disparaissent, balayés comme de simples moutons de poussière. Plusieurs incendies se sont déclaré brûlant des barres d'immeubles d'où, pour les plus hauts, sautent dans le vide les malheureux piégés aux étages supérieurs. Ces derniers préférant décider de leur manière de mourir et éviter la souffrance des flammes. Les rues sont pleines de gens hurlant, appelant à l'aide, se traînant pour échapper à l'horreur de la tempête. Certains sont couverts de sang, d'autres sont déjà morts dispersés sur le trottoir, leur cadavre se faisant piétiner par les survivants. Par endroits on peut apercevoir des os sortant de leur chaire meurtrie, des membres tordus dans de drôles de sens, des jambes à moitié coupées en deux pendant et se séparant un petit peu plus de leur corps à chaque fois que quelqu'un marche dessus.

Une vraie scène apocalyptique prend forme sous les yeux horrifiés d'Adélaïde.

Elle crie aussi fort qu'elle le peut lorsqu'un groupe entier de personnes se jette sur le capot de la voiture. Les mains devant les yeux il lui est impossible de voir ce qu'il se passe mais les sons et insultes vociférés à leur égard suffisent pour qu'elle comprenne.

Erwan leur crie de dégager et de libérer le passage mais aucun d'eux ne bouge. Au contraire, plus il crie plus ils se massent autour de l'auto. Les mères les supplient de prendre avec eux leurs enfants et de les sauver de cet enfer, les hommes ne prennent pas cette peine et tentent de défoncer le pare brise pour prendre leur place dans le véhicule. Erwan panique et leur hurle de s'éloigner et que si ils n'obéissaient pas il allait foncer dans le tas, cependant au moment de mettre ses menaces à exécution la voiture ne bouge pas il y a trop de monde autour d'eux.

La scène est d'une violence inouïe. Le rassemblement est si conséquent que certains se font écraser par les autres et se retrouvent collés aux vitres qui par miracle tiennent malgré les assauts répétés des survivants.

    Un jeune homme d'une vingtaine d'année est propulsé contre la portière et son visage se trouve coincé devant le torse d'un homme lui empêchant tout mouvements. La foule pousse tellement que son visage s'écrase sur la vitre qui se met à se fissurer. On entend les craquement de l'os de son nez à chaque fois que la pression exercée augmente. Le sang se met d'abord à couler lentement, en petite quantité, puis de plus en plus pour finir par un torrent et enfin un dernier craquement sourd. Les yeux se révulsent et de la bave sort de sa bouche. Cependant ce n'est pas finit, la pression continue d'augmenter encore et encore avec l'afflux de personne. La vitre est sur le point de céder. Le crâne se déforme dans un crescendo de craquements, une masse sanguinolente et gluante commence à sortir de ses orifices puis à un moment la force exercée est si forte que le crâne explose sur la vitre qui se brise à son tour parsemant Erwan et Adélaïde de bous de verres, de cervelle et de fragments d'os.

⁃ Putain ! Merde, merde, merde ! Adélaïde surtout ne retire pas tes mains de devant tes yeux ! Pas avant que je te le dise compris ?!

L'odeur du sang et de la mort emplit leurs narines. Elle imprègne leurs vêtements, leurs cheveux et tout leur être.

Les voix des rescapés tournent dans l'esprit d'Adélaïde. Des pleurs, des supplications, des insultes, des menaces ... tant de mots, trop de mots. Des gémissements, des cris, des hurlements, un ouragan aussi fort que celui qui fait rage à l'extérieur sévit dans la tête de la jeune fille. Elle ne peut plus penser, son mal de crâne s'accentue. Un filet de sang sort de ses oreilles et de son nez, elle est épuisée. Sa respiration se fait plus rapide sous la douleur et l'affolement pour enfin éclater en un long hurlement.

À cet instant les corps souffrants et affolés des rescapés sont projetés en arrière par une force invisible et s'écrasent au sol en un amas humain. Quelques millièmes de secondes plus tard une lumière aveuglante surgit de nulle part. Un bruit assourdissant retentit tout autour d'eux, la voiture vibre de toute part et est ballottée dans tous les sens. Les cris de douleurs de leurs anciens assaillants sont décuplés pour enfin se taire dans un dernier râle. Adélaïde n'ose pas ouvrir les yeux, elle a bien trop peur de ce qu'elle découvrirait.

La Fille des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant