Souvenirs

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  J'ai toujours eu une bonne mémoire, mais cette soirée ne disparaîtra probablement jamais de mon esprit.
Il faisait nuit noire dehors, une nuit si sombre, que même la lumière électrique ne peut la transpercer, la lune s'était glissé derrière les nuages entraînant toutes les étoiles dans son sillage.
Je me souviens encore du parfum de ses cheveux contre mon visage quand on traversait la grande rue en plein vent et je sens encore ses doigts contre mon poignet lorsqu'elle avait peur, je revois ses yeux effrayés avant chaque concert et sa voix puissante et mélancolique me hante encore chaque nuit.
Ce jour-là, on était seule au monde juste nous trois faces à l'univers, nous trois faces au vide que représentaient nos vies d'adolescents bancals. Comme souvent, on errerait dans les rues en pleine nuit pour échauffer nos voix, et réchauffer nos Cœurs. Nina était notre roc elle nous connaissait jusqu'au bout des doigts. On avait tout vécue ensemble, elle était là pour mon premier fauteuil, on avait appris à lire ensemble, elle était le le jour de mon premiers cours de chant, elle avait connu le premier arc de Gaby et elle avait été la première à disparaître.
Ce soir-là, on avait chanté des heures durant sans nous distinguer dans le noir, nous étions heureux de connaître notre insignifiance, heureuse d'abandonner un soir par semaine, nos combats, nos peurs et nos rêves pour être seulement tous les trois.
Je revois le banc dans la rue des amoureux où nous nous étions échoué pour parler d'avenir en faisant des ronds de fumée. Nous n'étions pas des mauvaises personnes, ni des anges, nous étions nous avec nos problèmes, nos petites fissures et nos grandes fiertés.
Et puis quand nos yeux nous ont brûlés, que nos jambes criaient fatigue et que ma tête avait échouée contre le torse de Gabriel nous nous sommes quitté. Le sourire aux lèvres, la fatigue plein les yeux nous nous sommes dit "A demain" et nous ne l'avons plus jamais revues.

  ...

Ce matin, l'air, est aussi glacial que pour chacune de nos répétitions d'antan, c'est horrible, mais cette froideur me rassure, tout n'a pas totalement disparu. Je ne suis pas revenue ici depuis sa mort et je sais pourquoi. Cette pièce est emplie de souvenirs, nos souvenirs depuis le premier jour de lycée où nous l'avions découverte et ou nous avions commencé à chanter pour en tester la résonance au dernier ou nous répétions le concert de fin d'année. Chaque mur est décoré d'un poster qu'elle aimait, chaque étagère porte une de ces étiquettes avec son écriture droit de bonne élève, chaque particule de l'air a déjà vibré au son de sa voix.
- Elle n'aurait pas voulu que tu arrêtes de chanter pour elle, tu le sais me glissa Gaby en voyant mon hésitation.
-Je ne sais pas si je pourrais encore.
-Tu sais ce qu'elle disait toujours, aucun événement ne doit nous empêcher de vivre si ce n'est notre propre mort.
Gaby est aussi détruit que moi par sa disparition, je le sais, je le sens. À sa manière de parler et de me tenir, je sais que lui aussi a envie de s'enfuir loin et de se mettre en boule sous ses draps. Mais il n'est pas du genre à abandonner. Ce groupe nous a sauvés durant les années de notre scolarité et si on perd notre échappatoire, on est perdu tout court.
- Qu'est que Nolwen attend de nous?
-Il n'a rien précisez, a part qu'il nous voulait tous les deux pour notre musique sincère.
-Je souris malgré moi, notre musique était sincère, il n'y avait aucun doute à ce propos nous jouions nos peurs, nos peines et nos joies à travers les mots des autres comme ils étaient les nôtres.
Il commence à jouer et les premières notes font remonter en moi des centaines de souvenirs, les paroles s'échappent de mes lèvres naturellement et je me sens quelque par soulager, elle n'a pas disparu, elle est toujours là dans nos chansons.  

Meurtres à HalseyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant