La brûlée vive

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20 h, la musique résonnait à l'intérieur de mon casque avec cette intensité sourde qui rend les moments difficiles un peu plus heureux. Si la plupart des clubs s'étaient vus fermés à partir de 17 h depuis la mort de Clio, Athénaïs ayant pour père le directeur du lycée, elle avait gardé les clés nous permettant d'enquêter en toute tranquillité. J'épinglais toutes mes photos de scène de crime sur un immense panneau de liège en pensant que j'étais en train de créer une sorte de galerie étrange d'œuvre tout sauf artistiques. D'ailleurs, toutes ses enquêtes avaient valu le déplacement d'une grande partie de mon matériel photo dans ce petit cagibi déjà exigu. 

Assis au bureau, je frottais mes yeux fatigués. Maya ne supportant plus de voir tous ses souvenirs de Nina qui la fait systématiquement pleurer elle les a tous ramenés ici créant une sorte d'étrange sanctuaire d'objets symboliques, de photos froissées et de poussière déjà installée. Gaby lui n'a rien apporté, il dit que ses souvenirs ne le rendent pas uniquement triste, il lui donne aussi une force lui rapellant qu'elle est toujours là quelque part . Perdre quelqu'un est insupportable et je crois que chacun a son propre mode de défense, que ce soit pour faire son deuil, ou simplement arrêter d'avoir peur en permanence. Si Maya et Gaby se battent pour Nina et se rassurent mutuellement, je crois qu'Athénaïs a trouvé son propre moyen de défense face à tous ses événements inexplicables. Elle leurs trouvent une explication.

 À cette heure, elle est partie observer le laboratoire ou a était retrouvée Clio même si les policiers l'ont évidemment passé au peigne fin. En fait, je comprends, depuis toute petite ma mère disait que pour battre ses ennemies, il faut les connaitre.C'est exactement ce que nous faisons. Pour accepter la mort de Nina, Gabriel et Maya ont besoin de la connaitre, d'en comprendre la raison. Pour réussir à dormir la nuit et reprendre une vie normale, j'ai besoin de résoudre ce mystère.C'est cette réflexion qui m'amena à penser qu'il était l'heure de rentrée chez moi parce que même si l'enquête est loin d'être finie, Eliott allait commencer à se poser des questions sur mes disparitions nocturnes. Je me penche sous le bureau pour y attraper mon sac quand un hurlement inhumain me fait frapper violemment le tiroir central qui s'ouvre, j'ai juste le temps d'y apercevoir de larges taches de sang avant de me précipiter dans le couloir. 

.... 

Quelques minutes plus tôt, du côté d'Athénaïs

 Les couloirs du lycée déserts avaient clairement de quoi étre effrayant avec leurs vieux néons clignotants, le bruit régulier d'une horloge solitaire et cette odeur, comme ancré dans chaque mur. L'odeur de la mort. Le monde semble devenir fou et moi, je m'acharne à vouloir comprendre pourquoi par moi-même. Mes amis ont depuis longtemps compris que je ne fais confiance à personne, je suis comme ça depuis ma plus tendre enfance, dans mes gênes a été gravée la méfiance en même temps que l'indépendance. Logan m'a bien dit que c'était surement inutile de me rendre encore sur la scène de crime après le passage des enquêteurs, après tout, j'avais beau être curieuse, je n'avais pas de diplôme de détective. Pourtant une sorte de force aussi inexplicable que tous ses crimes m'y attire.

 J'arrive à hauteur de la pièce, la porte ouverte est barrée en travers par des bandes jaunes, mais cela ne m'empêchent pas de m'appuyer sur le mur, et sur la pointe des pieds d'observer la pièce par-dessus les rubans fluorescents. N'ayant pas de vision totale sur la scène de crime de par ma position, je m'avançais encore un peu laissant glisser mes doigts sur la peinture écaillée du mur. Quand tout à coup je commençais à sentir un picotement au bout des doigts, comme une petite brûlure. Une brulure de froid. Je soufflais dessus sans y prêter attention, essayant en même temps d'estimer là où se trouvait Clio avant sa chute. Probablement au niveau de l'armoire. Mes doigts devenaient toujours plus douloureux au point que je finis par y prêter attention. Leurs extrémités avaient pris d'une manière un peu irréelle un teinte bleu argentée, glacée et tout à coup, je compris ce qu'il était en train de se passer.

 Ma vision se fit floue et mes oreilles se mirent à bourdonner, comme envahies par des sons trop fort, insupportable. Des murmures inaudible, distordue de deux personnes lointaines se firent entendre. Mon corps était entièrement gelé, je tremblais de la tête aux pieds, mais je me sentais comme hors de mon corps. Seul un hurlement continue suivit de la chute d'un corps qui ne semblait jamais vouloir s'arrêter de résonner dans ma tête. Je voulais que ça s'arrête, ce hurlement allait me rendre folle. C'était de la terreur, de la terreur pure, irascible qui entrait en moi et brulait chaque millimètre de ma peau.

 -Athénaïs ! Athénaïs répond moi ! Athénaïs !

 Le hurlement s'arrêta subitement m'abandonnant à genoux au beau milieu du couloir totalement tétanisé, face à un Logan dont les yeux étaient la définition même l'absolue incompréhension doublée d'une inquiétude certaine pour ma santé mentale étant donné que j'avais apparemment criée comme une brulée vive sans aucune raison apparente.

Meurtres à HalseyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant