Souvenirs

8 3 0
                                    

L'ambiance était écrasante d'inquiétude. Ici, dans cette espèce de grotte sombre, l'Elfe ne bougeait pas. Assise sur une pierre, la jambe gauche pendante, le pied droit sur la pierre servant d'appui à son coude droit, la tête appuyée sur son poing fermé et le regard tourné vers la paroi Est de cette cavité, elle était pensive. Elle portait son long manteau sombre. Diablack l'avait trouvée dans cette position-là lorsqu'il était arrivé, la veille. Elle n'avait pas mangé depuis qu'il l'avait retrouvée. Il ne l'avait jamais vue comme ça. Valia n'était plus que l'ombre d'elle-même. Un fantôme. Un spectre, plus particulièrement. Le regard vague, elle ne parlait pas. Le cheval était inquiet. Il sentait que l'Elfe était très perturbée. Elle avait bien accompagné Bandit là où l'avaient trouvé les jeunes hommes et veillé à sa sécurité, mais ensuite, Valia était revenue et avait repris sa posture. Si l'animal ne voyait les narines de son amie se dilater au rythme de sa respiration, il l'aurait sans doute prise pour une statue, ou l'aurait crue morte.

Le cheval savait de quoi on accusait Valia. Il savait également qu'elle n'y était pour rien. Par contre, lorsque Diablack lui avait demandé si elle connaissait l'identité du coupable, et pourquoi il avait voulu la faire accusé, elle n'avait pas répondu. Elle s'était détournée et plongée dans des pensées profondes.

Alors l'étalon noir avait pris la position de guetteur, il veillait à ce que rien ne survienne lorsque son amie ne prêtait pas attention à ce qu'il se passait alentour. Il se montrait fort, en fixant la nuit, attentif. Tous ses sens étaient aux aguets. Mais Diablack restait tout de même tendu. Raide. Ignorant ce qu'il se passait réellement en ce moment, il était inquiet. Il était vrai que lorsque l'on ne savait pas quel danger nous menaçait, on ne pouvait qu'être préoccupé.

Valia, elle, était déjà bien loin. Présente physiquement mais à des lieues d'ici mentalement. Elle était chez elle. Elle se remémorait son passé. L'Elfe se forçait à ressasser ses souvenirs afin de trouver une explication logique aux évènements. Qui pouvait bien lui en vouloir autant ? Qui avait des capacités similaires aux siennes ? Qui possédait une arme comme la sienne ? Qui serait venu jusqu'ici et pourquoi ? Autant de questions auxquelles le présent ne pouvait répondre. Il fallait se souvenir. Fouiller dans le passé. Remuer le couteau dans la plaie. Il fallait se torturer l'esprit et le cœur à repenser à des choses qu'elle voulait tout simplement oublier. Penser à des gens qu'elle avait aimé ou non, à des évènements dont elle aurait pu être la cause et qui auraient valu les représailles d'autrui.

Volontairement, Valia s'était éteinte physiquement, pour que son ami noir ne voit pas sa douleur. Elle était habituée à présent, à se couvrir de cette carapace invisible, très dure, qui cachait en son intérieur toutes les préoccupations de l'Elfe, toute sa douleur, toute sa tristesse. De l'extérieur, elle était une personne insociable, ou peu, pleine de haine et de rancœur. Cela lui convenait parfaitement.

Des images tournaient dans sa tête. Des visages apparaissaient dans son esprit, tels des fantômes revenant du passé. Des visions douloureuses, sanglantes lui revinrent en mémoire. Elle voyait la bataille à Lacynéa, sa terre, sa patrie, son chez elle. Elle voyait les siens se faire massacrer. Elle voyait les Loups Garous, ces monstres, ces traîtres, tuer les siens. Eux pouvaient lui en vouloir de leur avoir échappé. Mais ils ne possédaient pas des armes similaires à son poignard. Et ils ne prenaient pas le temps de viser. Ils savaient où frapper mais y allaient de façon féroce, et non calculée. Il fallait creuser plus loin encore. Se faire bien plus mal. Elle devait remonter au tout début. Au début de son existence.

Quand le passé rattrape le présentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant