Douloureux souvenirs

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Dix minutes plus tard, Mila repassa devant le bar, chargée d'un carton quelque peu gênant semblait-il, et sans adresser un seul regard à ses amis, qu'elle sentait la dévisager. Cela ne lui plaisait pas de les ignorer, mais il y avait urgence. Elle savait également que sa monture était mal vue par les humains qui se promenaient sur la place, mais cela aussi lui était égal. La vie d'un animal était en jeu et cette chose seule était importante à ses yeux. Bella la conduisit à la Maison d'un très rapide galop et une fois son amie descendue de son dos, elle alla passer la tête à la fenêtre ouverte de la salle à manger, inquiète pour le chien.

Valia installa l'engin électrique en suivant les indications du mode d'emploi, pestant contre cette technologie compliquée et bien qu'à contrecœur, mixa une bonne escalope de 250 grammes, qu'elle avait préalablement cuite. Ensuite elle mit le tout dans une seringue adaptée, que sa sœur avait également acheté et revint auprès du blessé. Puis, elle inclina la tête du chien en arrière, permettant à Mila de glisser la seringue entre les crocs de l'animal et de faire couler doucement la viande réduite en purée. Le goût de la nourriture éveilla les sens du chien qui ouvrit les yeux. A la vue de la sœur cadette et de la seringue, il prit tout d'abord peur. Soudain, sa sauveuse apparut dans son champ de vision. Il la reconnut instantanément et le sourire qu'elle lui adressa l'apaisa. Elle lui parla mentalement d'une voix qui se voulait caressante:

- Ne t'inquiète pas. Plus rien de mal ne t'arrivera à présent.

Le chien ne s'inquiéta pas de ce prodige, car elle avait son apparence d'origine, et d'après lui, une telle créature – qui avait de plus risqué sa vie pour le sauver lui pauvre chien sale et faible – était capable de tout. Même de parler mentalement. Mais il refusa la nourriture, bien qu'affamé, par peur qu'on veuille l'endormir ou l'empoisonner.

Alors, Valia reposa la tête de son protégé, saisit la seringue des mains de sa sœur et fit couler un peu de viande broyée dans sa propre gorge, montrant ainsi au berger-allemand qu'il n'y avait aucun danger. Ce geste eu l'effet escompté et l'animal se laissa nourrir, sans poser plus de problème. Il était tellement agréable pour lui de sentir le goût de la viande ! Cela faisait tellement longtemps qu'il n'en avait plus avalé ! Enfin si mais pour survivre, il avait dut se contenter pendant deux mois, lui sembla-t-il, de viande de rongeurs. Pas très fameux.

Avant, il mangeait des croquettes à la viande et aux légumes et des pièces de bœuf du boucher, de temps en temps. Sa maîtresse était un ange avec lui, elle le soignait, le caressait, le brossait. Une vie parfaite, à laquelle le chien n'aurait renoncé pour rien au monde. Il était heureux. Tellement heureux ! Et puis un jour, plus rien. Le noir. Le néant. Sa tendre maîtresse mourut. Cancer, avaient dit les médecins. Bandit ignorait de quoi il s'agissait mais il savait que son monde s'effondrait. Il allait devoir rester seul avec le mari de sa regrettée bienfaitrice. Cet homme était un monstre qui détestait Bandit. Il n'avait jamais voulu de chien. Il avait horreur des bêtes. Et l'homme haïssait davantage ce chien car lorsqu'il était chiot, le berger-allemand avait piqué dans le placard, ce qui lui avait valu ce nom de Bandit par sa maîtresse. Oh, il ne vola qu'une fois et c'était un paquet de gâteau vide. Hélène en avait ri et l'avait gentiment sermonné. Mais Clyde, lui, s'était énervé et avait décoché un coup de pied magistral au pauvre animal. Alors lorsque sa maîtresse disparu, Bandit vécu un enfer. Non nourrit, battu, il dormait dehors par n'importe quel temps. Pas dans le garage ou sous le porche, non. Dehors. Dans le jardin. Vers les poubelles. Puis, sans doute au grand bonheur de Clyde, le chien avait fui, et errant dans les rues, avait rapidement perdu ses forces. Il était resté longtemps, à vagabonder en pleurant Hélène. En pleurant sa vie d'avant et en maudissant son bourreau. Finalement, la faim se faisant ressentir et ne trouvant rien d'autre que les poubelles, il s'en était contenté. Malheureusement, les humains ne le laissèrent pas faire bien longtemps et Bandit avait dû quitter la ville, chassé par des jets de pierres.Le long des routes, seuls les rongeurs se promenaient et affamé, le berger avait été contraint de se satisfaire de cela.     

Quand le passé rattrape le présentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant