Chapitre 6

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Cette main me tient fermement l'épaule. Mon cœur s'emballe. Tout se passe au ralenti pour moi. Je me retourne aussi lentement que mon rythme cardiaque menace de traverser ma cage thoracique.
Ça me fait degriser en l'espace d'une seconde.

- Attendez mademoiselle !

Je ne reconnais pas la voix. Mon coeur ne bat plus. Je n'ose pas me retourner, mais pourtant je le fais. Je suis seule, totalement seule sous ce porche.

Non cela ne peut pas m'arriver ici, à deux pas d'une rue fréquentée par des dizaines de personnes.

Je me retourne.

Je me retrouve face à un homme d'environ quarante ans, il fait une tête de plus que moi et pratiquement le double de mon poids. J'ai du mal à distinguer réellement son visage, à cause de la pénombre, de mon état de stress et de son chapeau. Une sorte de canotier, typique en cette saison. Il porte un jean foncé et un t-shirt à manches longues ce qui est étonnant avec la chaleur qu'il fait.

- Une de vos connaissances m'a demandé de vous remettre cette lettre.

Je respire difficilement. Une connaissance ?
Je prononce d'une voix fébrile et trop aiguë, je ne reconnais pas ma voix. Je ne duperai absolument personne sur mon état.

- Une connaissance ?

Il se rapproche et me tend une enveloppe en papier craft. J'ose à peine tendre la main pour la prendre. Il me la tend en donnant une impulsion de son poignet pour la faire claquer dans l'air. Je l'attrape et commence à la ramener vers moi, pensant qu'il va la lâcher mais il l'a retient. Sa voix rauque me fait sursauter.

- Je me suis permis de l'ouvrir. J'imagine que tu ne m'en tiendras pas rigueur.

Finalement, il lâche l'enveloppe et je fais un mouvement de recul avec la main tant je suis crispée. Qu'est-ce que c'est ce bordel ? Depuis quand il m'arrive des trucs du genre.
Je redresse l'objet et effectivement, elle est ouverte. Proprement mais ouverte. Je devine un papier qui semble glacé.
Je l'entend respirer, il est proche, trop proche. J'aimerais tant que quelqu'un passe à ce moment. Mais extérieurement, je suis sûre que la scène paraît anodine.

- Alors, tu te décides? J'ai pas toute la nuit. Tu dois l'ouvrir devant moi.

Il semble me sonder, me regarder mais je n'ai aucune certitude là dessus puisque j'ose à peine le regarder.
Dans un élan de bravoure ou de folie, j'ose lui poser la question qui me brûle les lèvres.

- Excusez moi, mais qui vous envoie ?

Là il se met à rire. Son rire est agréable. Je sais pas mais son rire me détend au point que je pourrais me joindre à lui. C'est à ce moment qu'il me répond d'une voix sèche, tranchante.

- Tu déconnes !

Ascenseur émotionnel, j'en ai carrément la bile qui remonte.

- Fais pas chier ptit coeur, ouvre cette putain d'enveloppe, prend connaissance du contenu sinon je m'occupe de ton cul.
Il me reluque ouvertement avant d' ajouter
D'ailleurs. T'es encore plus bonne en vraie.

C'est la phrase qui me fait réagir. Fais repartir mon cerveau et mon corps.
Je plonge la main dans l'enveloppe, extirpe la photo parce que c'est une photo et me voit.
Moi, en train de dormir.

- Bon je ne te souhaite pas une bonne nuit ma jolie. Au plaisir !

Je l'entends à peine sortir, mon cœur résonne dans ma tête. Je pousse précipitamment la grande porte ouvragée et entre dans le hall. Me dirige vers les escaliers, hors de question de prendre l'ascenseur.

Arrivée devant la porte, je récupère le deuxième code que j'ai enregistré sur mon portable et le saisi sur le boîtier.

Je dois m'y reprendre à quatre fois tellement je suis tremblante. Ma tête est chaude et mes mains n'arrêtent pas de trembler.

J'arrive finalement à ouvrir la porte et me laisse tomber dans le canapé du salon. La photo contre moi. J'ose à nouveau la regarder et j'ai envie de vomir. C'est bien moi en train de dormir et je ne comprend pas d'où ni comment elle a pu être prise. Je commence à voir trouble. Il faut que je me calme.
Je sors la dernière bière et la bois.
Je regarde s'il y a autre chose dans l'enveloppe mais rien. En me relevant, je fais tomber la photo et remarque qu'il y a quelque chose d'écrit au dos.

Deux mots avec deux écritures bien distinctes.
La première est limite dactylographié, harmonieuse et belle.

Je te déconseille d'en parler à qui que ce soit, je te surveille.

Et, une autre écriture. Moins appliquée. Rapide.

J'ai gardé un double pour mes archives personnelles ptit cœur.

Je range la photo, plie l'enveloppe et la fourre au fond de mon sac, dans la doublure déchirée. Pour le moment je dois me calmer et je ne veux pas toucher sans le vouloir.
Je me relève, pose mon portable qui était dans la poche arrière de mon short et cherche un truc à boire. Dans mon souvenir, il y a un mini bar.
J'ouvre une flasque de tequila et commence à boire directement au goulot. Je ne suis plus en capacité de réfléchir, je n'ai plus qu'une envie c'est de tout oublier.
Quelqu'un me surveille et un mec qui a le double de mon âge, a maintenant une photo de moi, endormie où on me voit en débardeur et mini short, dans ses archives personnelles. Autrement dit dans son portable.
Je suis flippée, j'ai du mal à me calmer et je ne peux en parler à personne. Cette personne a réussi à me trouver lors d'une soirée qui ne se passait pas dans ma ville habituelle et en aucun cas programmée à l'avance.
Je ne sais plus quoi penser.
Mon portable vibre sur la table au moment où je porte la bouteille à la bouche. Ce qui me fait sursauter et le liquide coule sur moi.

Je tend le bras et déverrouille l'écran.
C'est Selen. J'espère qu'elle me dit qu'elle arrive.

Je vais dormir avec mon nouveau mec. Tu m'en veux pas ? Il embrasse trop bien!😍

Son message me fait sourire un peu jaune. Je lui répond dans la foulée. Le goulot dans la bouche.

Non tkt bonne nuit du coup 😉

Je termine la bouteille, en récupère une autre avant de me diriger vers la salle de bain pour prendre une douche.
Une fois sous l'eau, je m'assois et bois doucement le liquide ambré.
L'eau ruisselle sur mon visage effaçant mes larmes.

18 JuinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant