Il salue ses potes, avec moi, il me présente d'ailleurs, comme une amie qui travaille avec lui.
Ils ont l'air plutôt sympa. J'en connais tout de même la plupart de vue, certains ne sont pas au lycée.
Nous nous dirigeons en silence vers sa voiture d'entreprise et il déverrouille les portières. Théoriquement, il n'est pas sensé rouler, mais il aura ses dix-huit ans début janvier, d'ici moins d'un mois et son père connait bien le commissaire et offre régulièrement des coups aux brigadiers et autres réguliers de notre ville. Du coup, cela lui permet certaines tolérances. En même temps, il n'abuse pas. Son autre fils, Martin, faisait déjà ça à l'époque et il n'y avait jamais eu de problème. Ils ferment les yeux, surtout qu'il fait la conduite accompagnée.
Du coup, cela passe mieux, si on peut dire ça comme ça !
Nous nous installons, sur la banquette avant, je ne savais même pas que ça se faisait encore. Il me regarde rapidement avant de mettre le contact. Je pose mon sac à mes pieds et lui balance le sien à l'arrière, sans ménagement.
Au début, je ne parle pas du tout et je frissonne. Ce qu'il remarque :
- Attends je vais allumer le chauffage et ....Il se penche vers l'arrière pour attraper un sweat à capuche bleu marine qui est roulé en boule dans un coin et me le tend, Tiens !
Je ne dis toujours rien et lui fais un petit sourire avant d'enfiler son pull. J'en profite pour respirer son parfum, je sais ça fait un peu tarée dit comme ça ; mais c'est une habitude. J'apprécie particulièrement son odeur, ce qui me gêne légèrement. Avec le chauffage, plus le pull, je reprends rapidement mes esprits et du poil de la bête. Je suis toujours un peu groggy, même si ça va de mieux en mieux, entre le tête à tête avec Marie, les deux cafés, la chaleur et sa bienveillance.
Il démarre et nous nous mettons en route, en direction du restaurant.
Le lycée est situé à l'opposé de la ville et le restaurant est situé en bordure de plage. Nous devons d'abord traverser un grand bosquet, je dirais presque même une forêt qui est plutôt agréable lorsque le temps est meilleur, mais on est en décembre. Le temps n'est pas au plus beau et il fait même plutôt gris, il neige plutôt rarement chez nous. Ce qui donne une ambiance un peu particulière, fantastique surtout que nous sommes en fin de journée. Le soleil décline. J'observe le chemin que je connais par coeur et je me sens de mieux en mieux.
A un moment donné, Guillaume bifurque sur une petite route sans prévenir, continue un petit peu, on ne voit désormais plus la route principale et au bout de quelques minutes, se gare.
Il coupe les lumières, le moteur et attends. Son attitude et son silence me met un peu mal à l'aise. Je me tourne vers lui et ouvre la bouche pour lui dire quelque chose, mais il m'en empêche en me faisant comprendre de ne pas dire un mot. Il ne me lâche pas des yeux avant de regarder dans le rétroviseur. Au bout de cinq minutes, les yeux rivés toujours dans le miroir, il se tourne alors vers moi, et me dit :
- C'est bon, je pense qu'on peut parler tranquillement maintenant. On est simplement nous deux...
Il me regarde et attend que je lui raconte. Je reste encore pétrifiée, je ne sais pas pourquoi. Le fait qu'il ait pensé qu'on ait pu nous suivre m'a sorti de ce mince confort et calme d'avant. Il pose la main sur la mienne afin de me réconforter et de me donner du courage. Ce qui fonctionne.
- Va y je t'écoute, n'oublie rien s'il te plait...
Et je lui raconte absolument tout.
Tout ce qu'il s'est passé, l'appel, les photos, je reprends tout depuis le début afin de n'omettre aucun détail. Enfin, si l'épisode de Jérémy, je n'explique pas totalement. Pas le fait qu'on ait couché ensemble et qu'une photo de lui et moi en est à l'origine ; simplement qu'il est venu me chercher après avoir reçu un message. Il ne me coupe à aucun moment, il commente parfois légèrement par quelques onomatopées, et il ne lâche ni ma main, ni mon regard. Je rajoute mes peurs, mes doutes que j'ai et termine en racontant l'événement de la piscine.
- C'était horrible, je me rappelle du craquement que sa tête a faite lorsqu'il est tombé. Je sais que ça parait dingue, mais je pense qu'on voulait que cela m'arrive à moi. Si Maxime ne m'avait pas doublé pour me piquer ma serviette ...
J'en frisonne rien que d'y penser.
- Je m'inquiète vraiment pour lui, il a convulsé, il était blanc...
Je sens que les larmes me piquent
- Ne t'inquiète pas, c'est un mec à la tête dure... Sans mauvais jeu de mot.
Il rigole un peu, mais un peu nerveusement. Je claque de la langue pour lui montrer que je n'apprécie pas la blague autant que lui. Je farfouille alors dans mon sac et en tire la pochette, dans laquelle j'avais mise la "pièce à conviction".
- Tiens, regarde j'ai récupéré ça.
Il me prend la pochette des mains et commence à la tourner dans tous les sens. Il ne dit rien, du coup je continue :
- Je ne sais pas trop quoi en faire, mais je me suis dit que ça pouvait être important. C'était dans ma serviette, je pense clairement que c'est moi qui était visée. Je ne sais pas si on peut vraiment assimiler ça à une preuve...
Il me coupe :
- Tu l'as montré à quelqu'un d'autre que moi ?
Je lui fais non de la tête, il rigole :
- Tu l'as vraiment foutu dans ça? Ca aurait fait plus classe dans une pochette à zip...
Je lui arrache la pochette.
- Excuse moi, la prochaine fois j'y penserai, ne t'inquiète pas.
- Tu as du mal avec l'humour, non ?
- Aujourd'hui, oui. Et Non, j'ai toujours un peu de mal avec toi pour être honnête. Je ne sais jamais quand tu plaisantes ou pas... J'ai du mal à savoir comment me comporter avec toi... Pour répondre à ta question, je ne l'ai montré à personne. Je me suis faite collée, du coup je n'ai pas osée le montrer au prof après...
Il me sourit gentiment avant de reprendre son sérieux :
- Pourquoi tu me fais confiance à moi ?
Je le regarde, c'est vrai que je me pose aussi la question, plutôt souvent. Je n'ai pas la réponse à ça, c'est juste qu'il y a quelque chose chez lui qui me rassure. Cela ne m'était jamais arrivé, même pas avec Selen auparavant. L'autre personne à qui je pourrai faire confiance les yeux fermés aussi c'est Adrien. Mais il est loin, je ne veux pas l'inquiéter. Et puisqu'il m'avait vu perdre mes moyens et qu'il ne s'était ni moqué, mais m'avait tout de suite comprise et entendue. Je ne pouvais que lui faire confiance à lui et à personne d'autre. Mais je ne peux décemment pas lui dire ça.
- Honnêtement je ne sais pas, je sens que je peux c'est tout.
Il m'observe un temps avant de me dire
- On va dire que j'accepte cette réponse, je suis sûr que tu le sais, je vois bien quand ça cogite dans ta tête. Viens on va chez moi, je vais te montrer mes recherches et on pourra épingler ta preuve dans une pochette à la hauteur de son statut...
Il lâche ma main, démarre, fait quelques manoeuvres pour faire demi tour avant de retourner vers la rue principale. Il a toujours les phares éteints. Après une ou deux minutes, il s'engage et rallume pour que l'on soit visible.
- Préviens peut être ta belle-mère, tu lui dis que tu manges au restaurant puisque tu es passée récupérer ton vélo. Ce sera un demi-mensonge.
- C'est vrai, au fait j'ai vraiment hâte de voir ton tableau.
Je pianote rapidement un message à ma belle-mère et constate que Jérémy ne m'a toujours pas répondu. Je fronce le nez à cette idée. Guillaume avait peut être raison sur son compte, mais j'ai du mal à le croire et surtout à me faire à cette idée. Il doit simplement être occupé ou avoir oublié son portable chez lui...
- Au fait tu es collée quand ? Je n'aimerais pas que tu passes ta première heure de colle désespérément seule ...
Il me sourit et pose sa main juste à côté de la mienne, jusqu'à l'effleurer. Je ne l'enlève pas, j'aimerais qu'il me reprenne la main, mais il ne le fais pas. Je rajoute en rigolant, un peu plus détendue.
- Pourquoi, tu veux te faire coller aussi ?
Il sourit et me claque la cuisse de sa main, avant de la reposer à sa place initiale, collée à la mienne. Je ne moufte pas.
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18 Juin
Mystery / ThrillerLors de sa dernière rentrée au lycée, en terminale, Alexandra est méconnaissable. La jeune fille boulotte s'est affinée, embellie et devient rapidement la "nouvelle" à connaître. Malheureusement, ce changement flagrant ne sera pas au goût de tout l...