Solitudes de fleurs - TWD [TOME 9]

Partie 19

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Sans le regarder, sans même oser tourner la tête au delà des barreaux rouillés, Emma pose le plateau à même le sol, dans le faisceau de lumière que trace la lucarne sale.

"On est donc le matin de Noël ? dit une voix grave dans la pénombre épaisse.

-Bonjour...

Emma se redresse et fait un pas en arrière, contre le mur, après avoir posé le trousseau de clés sur la seule chaise qui meuble l'espace faisant face à la cellule. Elle regrette déjà son réflexe poli. Sa voix n'a été qu'un souffle, bien moins claire que celle face à Michonne la minute d'avant, au dehors, à l'air libre, dans le monde réel.

Un mouvement dans l'ombre. Elle en tressaille. Ce n'était peut être pas une si bonne idée.  Elle aurait du envoyer la cuisinière directement. Mais Rick ne veut donner au prisonnier le loisir d'avoir plusieurs interlocuteurs. Elle est déjà de trop. Elle le sait. Mais c'est exceptionnel. Parce qu'aujourd'hui est un grand jour.

Le souffle de l'homme s'approche alors qu'il se lève de sa paillasse miteuse. Comme au premier jour, son corps long se redresse et s'allonge lentement, à n'en plus finir. Emma se surprend à lever le regard pour le voir faire, et se laisser comme hypnotiser, comme à chaque fois qu'elle revient vers lui au bout d'un long moment.

"Cela fait tellement longtemps ma douce...

Le sentant juste derrière les barreaux, elle baisse à nouveau les yeux sur ses chaussures, détaillant l'imprimé de sa jupe longue, sentant ses mèches retomber sur son visage, se camouflant du regard de l'homme.

"Que tu es belle... C'est donc vraiment Noël...

-Mange. Je dois récupérer le plateau, parvient elle à dire dans sa barbe, sans lever le menton.

Pourquoi cet homme la terrorise-t-il toujours autant ? Pourquoi se laisse-t-elle autant influencer ?

"C'est toi qui m'as fait à manger ?

Il s'accroupit enfin et elle lève les yeux pour l'observer à la dérobée. Le dos rond, la lumière tombant sur ses cheveux devenus incroyablement gris, une barbe longue et quasi blanche, et une main maigre à faire peur qui passe à travers les barreaux pour attraper la tranche de pain.

Elle se fait attraper par le regard luisant qui se lève soudain jusqu'à elle, figée dans sa contemplation qui tient davantage de l'ordre du morbide.

"Je te fais peur à ce point là, ma douce ? dit il d'une voix désolée.

-N... non.

-Tu m'as manqué. C'est ce manque qui me fait dépérir... Tu vois, tu es là, et je mange, je reprends déjà goût à la vie...

Il croque dans son pain, alors que son sourire blanc prend naissance, toujours aussi carnassier. Comme une électrocution, Emma est secouée d'un sursaut violent, ou un haut-le-coeur, elle ne saurait trop le dire.

"Dépêche toi...

-Tu as autre chose à faire, j'en doute pas... Que deviens tu ? Tu as du réaliser de grandes choses. Ton shérif ne me parle pas de toi. Il ne me parle de rien qui ne m'intéresse vraiment à vrai dire... Michonne encore moins. Mais toi... dis moi...

-Mange.

-Au moins un peu... !

Emma baisse à nouveau la tête, ses cheveux tombant encore devant son visage, alors qu'elle ferme les yeux pour ne pas se laisser envahir les idées.

"Merci en tous cas... buvant le liquide encore un peu tiède.

Toujours courbé, Emma regarde encore l'homme occupé. Elle fronce les sourcils en tentant de deviner ce qu'elle perçoit à contre jour. Puis elle s'avance lentement jusqu'à lui. Sa jupe frôle le bord du plateau.