Partie VII

7 0 0
                                    



J'entre dans le bar et suis assaillie par une demi-douzaine de paires de bras ouverts accompagnés de grands sourires. J'ai apparemment manqué à pas mal de monde. Cet accueil chaleureux fait fondre le mur de glace qui s'était formé autour de mon cœur, et pour la première fois depuis un long moment je souris sincèrement. C'était une soirée à thème sur la musique afro-américaine des années 70-90. Cela n'aurait pas pu être plus parfait. La voix profonde de Louis Armstrong pénétrait au fond de mon âme et le verre de Manhattan m'avait complètement détendue. J'observais la partie de billard en cours lorsqu'un de mes amis me défia pour celle d'après. J'accepte avec joie et remporte les trois parties suivantes. Une quatrième commence et mon esprit de compétition a pris le contrôle entier de mon corps. Je ne pense à rien d'autre qu'à faire un sans-faute. 

Penchée sur la table de billard, je me concentre sur mon prochain coup quand mon cœur s'arrêta net. Une main venait de se poser sur mon dos et je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir que c'était la tienne. Je me redresse vivement et tu m'enlaces par derrière. Bien-sûr je perds toute contenance et cède ma queue et ma place de winner à ma collègue préférée tandis que tu m'entraînes à l'extérieur du bar. On est face à face. Tes bras n'ont pas quitté ma taille et tes yeux sont plongés dans les miens. Ils sont plein d'un mélange de tristesse, de soulagement et d'incompréhension. Enfin c'est ce que je crois lire mais c'est peut-être mon imagination qui me fait voir ce que j'ai envie de voir. Une dizaine de minutes passe sans que l'un de nous ne prononce le moindre mot, je suis au bord des larmes et je crois que mon cœur va exploser. Tu es le premier qui va briser ce silence, d'un simple mot : Pourquoi ? Ta voix se brise tandis qu'une larme coule le long de ma joue. Je tente tant bien que mal d'articuler une réponse audible mais ma bouche n'émet aucun son. Mon visage ruisselle de larmes, j'ai l'impression que je vais m'évanouir quand je sens tes lèvres rentrer en contact avec les miennes. Nos corps sont en ébullition, mes mains parcourent ton corps comme un aveugle qui chercherait à mémoriser la forme d'un objet. 

La porte du bar s'ouvre et nous ramène brutalement à la réalité. D'un regard on se comprend. « Allons-nous en » chuchotes-tu d'une voix rauque. J'acquiesce en silence et pendant que tu te diriges vers ta voiture, j'entre dans le bâtiment dans le but de récupérer mes affaires. 

Je vais vers une de mes collègues afin de l'informer de mon départ anticipé quand mon meilleur ami surgit de nulle part et m'attrape le bras. « C'est hors de question que tu t'en ailles avec lui. Ce soit tu recommences à respirer. » me dit-il doucement mais fermement. Je suis prise d'un dilemme. Forcément, je n'ai qu'une envie, celle de te suivre et de me perdre encore une fois dans tes bras mais d'un autre côté je sais que mon meilleur ami a raison. Je dois résister. Je prends mon téléphone, me rends dans mes contacts afin de débloquer ton numéro. Après une petite hésitation, je finis par t'envoyer ce SMS « J'ai changé d'avis, désolée. Je ne peux pas faire ça. Bonne soirée. » Je dépose mes affaires sur le fauteuil qui nous était réservé et rejoins mon groupe d'amis. Entre les anecdotes, les fous rires, le billard et l'alcool, j'avais complètement réussi à détourner mon esprit de notre petite entrevue et je me sentais absolument heureuse. Une sensation que je n'avais pas éprouvée depuis longtemps refit son apparition. Celle d'avoir entièrement le contrôle de ma vie, de mes sentiments ainsi que l'intime conviction que rien ni personne ne pourrait détruire le bonheur ressenti à cet instant. Depuis le SMS envoyé, je n'avais pas jeté le moindre coup d'œil à mon téléphone, me consacrant uniquement au bon moment que j'étais en train de passer. 

Deux bonnes heures passèrent avant que je me rende compte que tu étais encore là, dans le coin opposé du bar, trois verres vides devant toi et un autre à la main qui subissait le même sort que ses prédécesseurs. Je décide alors d'écouter mon cœur, et attrapant mon sac et mes clés de voiture, je me dirige vers toi, t'attrape le bras et te tire vers l'extérieur.


Ce que j'aurai aimé que tu sachesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant