Teach Me Love...

Chapitre 39 : Mateo

Le soleil venant de se lever, je marche dans la rue, le pas lourd, en me dirigeant vers ma maison pour me changer. Il faut que j'aille au lycée. Il faut que j'aille leur faire cours. Il faut bien que je continue de gagner ma vie sinon je n'aurai réellement plus raison de vivre, hein ? Peu importe à quel point je peux avoir l'air pathétique, je dois continuer de vivre. Même si, en ce jour, ça s'annonce plus que compliqué.
Les yeux sûrement rouges de fatigue alors que mes pas se trainent sur le sol, je ne fixe que le sol, arrivant devant chez moi sans voir que quelques personnes se trouvent juste à quelques mètres de moi.
C'est son anniversaire... Le 6 mai, c'est son anniversaire. Aujourd'hui, c'est son anniversaire... Et moi qui comptais lui demander ce soir... C'était, certes, peut-être précipité, je n'en sais rien... Mais c'était ce que je voulais... Je la voulais avec moi plus que tout, rien qu'avec moi, mais, à trop vouloir la garder pour moi et uniquement pour moi, j'ai fini par la perdre. Je l'ai cruellement perdue sans que je n'aie la chance de la récupérer. J'aurai bien pu ne pas l'écouter et aller de moi-même la retrouver durant ces deux mois, trois semaines et trois jours mais à quoi bon ? Elle ne m'a déjà pas laissé comprendre cette brusque décision cette ultime fois alors l'aurait-elle fait plus tard ?
Je soupire de nouveau. J'aurai peut-être dû essayer... Elle n'attendait peut-être que ça... ? Et moi je ne l'aurai pas compris... ? Comme ma sœur par le passé...
Je secoue violemment la tête dans l'espoir idiot que ces questions accompagnées des démons de mon enfance qui me tourmentent depuis déjà si longtemps, m'empêchant chaque soir de trouver le sommeil et me poussant jour et nuit à passer tout mon temps libre là où tout s'est terminé, me faisant souffrir vainement sans que je ne parvienne à l'empêcher.

- Monsieur?

Arrivant devant ma porte, je lève le regard lorsque, étrangement, une voix que j'avais désespérément cherché à éviter durant cette longue période vient se faire entendre tout près de moi. Rien que de savoir qu'elle se trouve là, devant chez moi, si tôt, me coupe toute envie de manger, de me préparer, d'aller au lycée... Bref, de vivre... Je sais déjà ce qu'elle va me dire alors à quoi bon vouloir l'écouter ? C'est tout bonnement inutile, non ?
Pourtant, en entendant quelques sanglots dont je ne connais pas la provenance, je m'oblige à relever le visage pour tenter de replacer cette voix inconnue et, sincèrement, je dois bien avouer que je m'attendais à retrouver tout le monde sauf cette femme. Mais, malgré la surprise et la curiosité que j'avoue ressentir face à ses pleurs, je l'ignore totalement et détourne le regard pour rentrer chez moi sans leur accorder la moindre importance. A vrai dire, je n'aurai eu aucun remords à laisser cette personne dans la souffrance si, comme par magie, son nom n'était pas soudainement prononcé par cette dernière.

- C'est... C'est pour April... Je vous en supplie...

J'aurai aimé m'être assez détaché d'elle pour ne pas prendre en compte les paroles de sa mère mais... Mais il faut bien reconnaître que je suis toujours aussi fou d'elle, si ce n'est plus, alors, sans lui jeter le moindre regard, j'envoie un simple signe à sa mère pour lui dire de me suivre et d'entrer avec moi dans ma maison, ce qu'elle fait sans la moindre hésitation, toujours sanglotante.
Je ne sais pas vraiment ce que je fais. C'est idiot de la laisser pénétrer chez moi alors que, d'après ce que j'ai cru comprendre, elle est la cause directe de tous mes maux mais... Mais je suis obligé de faire ainsi. Je ne peux pas rester insensible à son prénom prononcé d'une voix si faible. A vrai dire, j'aimerai pouvoir ne pas m'inquiéter pour si peu. Qui sait, elle n'a peut-être qu'enfin décidé de dire non à ses parents qui s'inquiètent de la voir finalement se rebeller ? Mais il y a également la possibilité bien plus inquiétante qu'il se soit passé quelque chose de beaucoup plus grave et, malgré tout ce que je peux dire, je resterai toujours inquiet pour tout ce qui la concerne.
Me dirigeant vers la cuisine, je jette ma veste sur la table, là où je me souviens lui avoir offert ce chocolat chaud, là où je me souviens avoir eu un vrai début d'échange avec elle, là où j'ai réalisé que tout était déjà bien trop tard pour moi... Là où je réalise aujourd'hui que tout était vain...
Elle continue de me suivre, silencieuse, sanglotant encore par moments, alors que je viens finalement m'asseoir pour plonger mon visage entre mes bras, à cette même place où, il y a encore quelques mois, elle se tenait timidement. Mais je ne peux rester bien longtemps dans cette position, me remémorant je ne sais pourquoi ses lèvres sur les miennes qui me manquent tant, créant un vide impossible à combler en moi.
Tentant de retrouver un minimum de lucidité, non seulement pour lui parler mais également pour les cours où je devrais me rendre dans un peu plus d'une heure, j'ouvre finalement la bouche, lui proposant de s'asseoir en face de moi, ce qu'elle fait sans protester, avant que je ne lui demande ce qu'il se passe avec sa fille, ne parvenant pas à prononcer son nom.
Je suis vraiment pathétique...