Chapitre 34 : Interlude

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Lorsque tout va bien, que l'on croit que tout est au mieux dans le plus beau des mondes et que rien ne pourrait venir briser notre bonheur, la chute ne devient que plus brutale, étant toujours présente à nos côtés pour nous remémorer le fait que la vie n'est pas un conte de fée. Les mots continuent de défiler sur ces pages blanches où tous nos maux finissent par être brûlés tandis que nos vies paraissent s'améliorer, laissant s'inviter sur nos lèvres un sourire innocent, lumineux, un sourire dont on ne se pensait pas capable. Plus capable. Nos amis continuent de nous voir chaque jour, ils continuent de rire avec nous sous ces feux d'artifices aux milles couleurs venant illuminer notre vie par cours instants et continuent de nous prendre dans leurs bras avec joie malgré qu'ils voient la souffrance qui se cache envers et contre tout derrière nos douloureux sourires mais nous... Nous, nous continuons de sourire. Les fleurs auront beau se faner sous nos pas, nos larmes couler et nos cœurs s'effondrer, ce sourire ne cessera d'orner notre visage. Pourquoi? Personne ne le sait. Personne ne le sait pour la dure raison que personne n'est capable de voir à travers ce masque que nous revêtons jour après jour. Ce masque, si lourd à porter et pourtant si impossible à ôter, nous empoisonne. Il n'est composé que de nos péchés, étouffant notre bonheur avec une douceur qui, malgré la souffrance, nous rend dépendant. Le mensonge. C'est si cruel, douloureux, diabolique et pourtant, c'est bien plus doux, bien plus simple, bien plus délicat. Oui, mentir n'est sûrement qu'une solution de facilité et pourtant, elle reste d'une douleur terriblement cruelle. Mais que puis-je y faire si cette douleur me fait moins peur que le regard que me porteront ces gens lorsque ces larmes se laisseront glisser sur mes joues?
L'abandon est une peur incontrôlée qui ne cesse de nous poursuivre. Que nous tentions désespérément de la fuir est inutile car elle finit tôt ou tard par nous rattraper d'une manière qui nous tue à petit feu.
Nos voix se taisent et les lumières s'éteignent tandis que les histoires se terminent. Dans tout ce que nous connaissons, il existe toujours une fin. Ainsi vont les choses : tout termine toujours par se finir. Peut-être que cette douleur aussi finira par périr mais une autre naîtra alors. Parce que cette douleur est sans aucun doute ma seule amie. La seule qui aura su rester à mes côtés. La seule qui aura su être honnête avec moi. La seule qui aura su me préserver du mensonge des autres.
Oui, c'est si mal et pourtant... C'est si doux...

Se réveillant en sursaut, Mateo semble chambouler. Durant un instant, ses pensées s'orientent directement vers l'objet de tous ses désirs. Étrangement, son esprit était tourmenté par un texte qu'aurait pu écrire April mais dont il n'avait jamais lu aucune ligne.
Ses mains tremblaient, son cœur s'arrêtait, son souffle se coupait. C'était idiot, ce n'était qu'un rêve. Une simple pensée inconsciente qui venait de le réveiller alors qu'il tentait désespérément de rattraper ses heures de sommeil perdues à force d'aller rencontrer celle sur qui ses pensées étaient sans cesse rivées.
Soudainement, il s'est senti vide et apeuré dans ce noir où il se sentait faible et seul. Il eut envie de partir retrouver sa "rose" comme il aimait tant l'appeler mais se remémora bien vite que, durant les vacances, elle avait dû rentrer chez elle, l'empêchant ainsi de se voir tous deux durant un peu moins de deux semaines.
Pourtant, en cette première nuit passée loin d'elle, une étrange et inquiétante sensation que quelque chose ne va pas ne peux le quitter. Serait-ce son imagination? Peut-être que oui, peut-être que non. Il n'en savait rien mais ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Il était terriblement mal à l'aise et ne savait pas quoi faire pour calmer cette anxiété qui le rongeait de l'intérieur lorsque, sans vraiment réaliser ce qu'il faisait, il s'est levé. Dans cette grande maison vide a alors résonné des bruits de pas lourds et fatigués, ces derniers accompagnant l'avancée du jeune homme qui tentait du mieux dont il était capable de se calmer.
Une lumière vient finalement illuminer la pièce auparavant sombre et, après s'être adapté à cette soudaine luminosité, son regard vint se poser sur son bureau où trônait tout un tas de copies à corriger. Assez mécaniquement, il se précipita sur ce dernier pour y prendre un stylo et une feuille.
Il avait besoin d'écrire. Besoin de se sentir plus proche de son ancienne élève. Il en avait besoin plus que tout pour se rassurer. Il savait déjà que le sommeil était parti. Il était parti au moment-même où Mateo avait réalisé qu'il devrait rester deux semaines sans voir son sourire, sans la toucher, sans l'embrasser.
Ses poings serrés, il soupire de frustration, sachant d'avance que ces deux semaines vont sans aucun doute être très longues. Plus longues qu'il ne l'aurait imaginé. Particulièrement en sachant qu'il aurait tellement désiré lui offrir cette rose bleue qu'il n'avait acheté rien que pour elle en ce soir de Saint Valentin.
Nouveau soupir.
Il se rend bien compte qu'il devient de plus en plus dépendant d'elle et, même si cela l'effraie par moments, il ne peut s'empêcher de désirer l'être toujours plus. Il s'est attaché à elle sans même avoir le temps de le réaliser et maintenant, il ne souhaite plus que lui appartenir tout entier. Même s'il sait qu'il l'est déjà depuis bien longtemps, il voudrait qu'elle le sache. Il voudrait qu'elle s'en rende compte, elle et juste elle. Il voudrait qu'elle sache qu'il lui est désormais impossible de s'imaginer sans cette rose si fragile, si belle, si intelligente, si douce et si innocente. Il voudrait tout simplement qu'elle n'en doute jamais. Parce qu'il l'aime. Parce qu'il la veut sans la moindre hésitation. Parce qu'il la désire plus que tout.
Sans même s'en être aperçu, son stylo s'est mis à glisser sur cette feuille épurée, traçant chaque courbe de chaque mot auxquels il pense depuis quelques instants déjà.

"Sur des milliards de personnes, il y aura eu toi et moi. Seuls contre tous. Nos cœurs auront été attiré l'un par l'autre sans que l'on ne puisse rien y faire. Nous aurons lutté de toutes nos forces pour refouler ces sentiments si forts mais rien n'aura réussi à nous séparer. Lorsque je t'ai serré dans mes bras pour la première fois, il était déjà trop tard, j'étais déjà entièrement tien. Je ne pouvais plus t'échapper. Je ne pouvais plus m'éloigner de toi, peu importaient les risques, peu importaient les on-dit, peu importaient les conséquences. Je te voulais toute entière, je voulais être le seul sur qui tu viendrais pleurer lorsque ces pensées sombres s'empareraient une nouvelle fois de toi, je nous voulais nous.
Mon cœur ne voulait plus t'oublier. Il ne voulait plus que battre en parfaite harmonie avec le tien. Il voulait jouer une parfaite symphonie, rien que lui et ton cœur.
Ces désirs étaient fous. Ils étaient vains, insensés, interdits et pourtant beaucoup trop forts pour être oubliés. Je ne savais pas où ils me mèneraient tout comme je ne savais pas s'ils auraient un jour la chance de pouvoir fleurir. La seule certitude que je possédais était que je voulais te voir sourire, chaque jour, chaque minute, chaque seconde parce que ton sourire était la seule chose qui permettaient à la lumière d'illuminer ma vie, de lui donner un sens, une importance.
Ces désirs interdits resteront à jamais gravé au fond de moi, je ne pourrais me résoudre à les oublier, le désir un peu fou de continuer à me battre pour nous enfoui au fond de moi pour un jour revoir ce sourire si beau de dessiner sur ton visage innocent grâce à moi."

Un petit sourire vient orner son visage alors qu'il signe son œuvre avant de poser cette même lettre sur la rose qu'il désirait tant lui offrir en ce jour destiné à célébrer l'amour.
Leur amour n'était pas courant, il était peut-être même répugnant pour certaines personnes mais qu'y pouvait-il? Il l'aimait, comme un fou, plus que la plupart des gens ne pouvaient aimer leur propre époux ou épouse, et peu lui importait de connaître l'avis que les autres avaient sur ces sentiments, sur cet amour qui l'emplissait à la fois d'une inquiétude effroyable mais aussi et surtout d'une euphorie immense. Il avait été un homme parmi tant d'autres mais grâce à elle, il se sentait désormais comme le plus chanceux sur terre. C'est fou et pourtant, ce n'est que la pure vérité.
L'anxiété cependant toujours présente en lui, il se dirige vers la fenêtre de sa chambre dans l'espoir de retrouver ce paysage blanc qui avait été témoin de leur première nuit passée ensemble, nuit où il s'était finalement rendu à l'évidence, ne pouvant plus nier l'indéniable : il l'aimait terriblement, cruellement, aveuglément. Mais, lorsque son regard vint se poser sur le paysage des plus calmes, il réalise que cette envie était idiote et, avec une grande difficulté, il se résout à devoir aller se coucher, cette boule l'étouffant toujours intérieurement sans qu'il ne parvienne à la calmer.
Cette première nuit loin l'un de l'autre s'annonce longue pour lui, ne parvenant pas à penser à quoi que ce soit d'autre qu'à ce qu'April peut bien être en train de faire. Sa belle rose lui manque et son cœur n'a de cesse de lui remémorer cette absence dont il avait oublié l'amertume. Oui, une amertume difficile à accepter mais qui sera pourtant avec lui durant deux semaines.

À moins que...

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