Chapitre 27 : April

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- April ? Où vas-tu ?
- Dans la serre.
- Tu sais que le couvre-feu sonne dans dix minutes, hein ?
- Oui mais j'ai vraiment besoin de prendre l'air.
- Si tu le dit.

Angélie, une fille avec qui je partage ma nouvelle chambre dans cet internet dans lequel je suis déjà depuis un peu plus d'une semaine, hausse les épaules avant de se replonger dans la discussion qu'elle tient par messages avec celui que je devine être son petit ami étant donné qu'elle glousse sans arrêts depuis près d'une heure en ne quittant pas une seule seconde ce qu'elle tient dans la main des yeux.
Sans faire plus attention à elle, je m'échappe de ma chambre, faisant bien attention à éviter tout surveillant qui serait susceptible de traîner dans les couloirs afin de veiller à ce qu'aucune d'entre nous ne puissions nous échapper de notre chambre, avant de finir par sortir sans grande difficulté du bâtiment contenant les dortoirs pour me diriger vers la serre qui est toujours ouverte. Elle est assez grande et, étant donné que les élèves de club de jardinage s'y rendent chaque matin avant même de prendre leur petit-déjeuner, se levant alors plus d'une heure avant nous afin de s'occuper des plantes, personne ne prend la peine de la fermer, jugeant cette action assez ridicule. Mais, à vrai dire, ce n'est en rien pour me déplaire. Bien au contraire, je dois bien avouer que ça m'arrange étant donné que je peux ainsi en profiter pour venir m'y cacher chaque soir, profitant de la bonne odeur diffusée par toutes ces plantes plus belles les unes que les autres. Cet endroit me permet de décompresser mais surtout de me poser tranquillement pour réfléchir. En ce moment, je ne peux rien faire d'autre que de penser à ce que j'ai pu rater pour en arriver là. J'ai l'impression de n'avoir fait qu'enchaîner erreurs sur erreurs, j'ai l'impression que tout est ma faute, j'ai l'impression de m'être totalement trompée, sur toute la ligne, complètement, désespérément, tristement. Mais je n'arrive pas à déterminer précisément ce que j'ai fait de mal. Pour moi, tout ce que j'ai pu faire était une erreur alors comment réussir à déterminer exactement ce que j'ai pu faire de mal pour éviter de refaire la même erreur à l'avenir ? Enfin... J'imagine que... Ma plus grosse erreur, celle que j'aurai à tout prix dû éviter mais qui a, je crois, pourtant été la première dans laquelle je suis tombée sans même le réaliser a été de tomber sous le charme de mon professeur. Je ne comprends d'ailleurs toujours pas comment j'ai pu me faire avoir... Je savais parfaitement que c'était mal, je le savais au moins autant que je ne savais que c'était interdit, ridicule et dénué de sens mais je suis devenue accro à lui sans même m'en rendre compte... Je suis tellement devenue dépendante de lui que j'en ai perdu tout ce qui comptais auparavant pour moi : ma peluche pégase à laquelle je tenais tant parce qu'elle était le symbole de cette enfance, de cette innocence que j'imagine avoir perdue trop tôt, cette vieille maison abandonnée qui m'avait vue tant pleurer mais qui m'avait pourtant toujours si bien accueillie mais surtout... Surtout mon petit carnet... Je ne sais même pas où j'ai pu le perdre et ça, ça me blesse plus que n'importe quoi d'autre. Dire que maintenant, il se trouve peut-être dans une vieille décharge miteuse...
Mon cœur se serre rien qu'à cette pensée, me faisant encore une fois désespérée de cette vie dont je ne voulais pas, dont je ne veux pas... Dont je ne veux plus...
Soupirant, je marche entre les plantes, m'approchant des roses bleues. Chaque nuit, je ne peux m'empêcher de venir les admirer. Elles sont si belles mais pourtant si étranges... Je ne pensais pas que c'était possible de donner une telle couleur à des roses mais pourtant, elles sont là, justes devant moi, contrastant terriblement avec les roses blanches et les rouges qui les entourent. Elles me donnent une étrange impression que... Que si leur couleur elle-même semble impossible alors que, pourtant, elle est belle et bien réelle, peut-être que tous mes rêves ne sont, eux-aussi, pas totalement dénués d'espoirs. Après tout, leur couleur elle-même semble totalement irréelle comme toutes ces choses que je souhaiterais alors... Enfin... C'est vrai que tout cela semble impossible mais, visiblement, cette couleur d'une beauté à couper le souffle semble belle et bien réelle et naturelle mais personne n'a essayé de les empêcher de fleurir alors que mes rêves, eux, ne cessent de vouloir être étouffés alors je me demande si tout cela ne voudrait pas tout simplement dire que je devrais tout abandonner... Mais... Mais pourtant... Je n'ai... Je ne me vois absolument pas abandonner cette idée de changer les choses... Oui, c'est ridicule, je le sais mais... Mais, sachant à quel point ça peut être difficile de s'intégrer lorsque nous sommes mal dans notre peau, j'aimerai vraiment pouvoir aider toutes ces personnes qui, comme moi, ne parviennent plus à vivre sans penser à toutes les difficultés que la vie nous impose. Je sais bien que, au contraire de ces belles roses blanches qui se trouvent juste à mes côtés, j'ai perdu cette innocence que je regrette tant désormais alors qu'avant, elle m'importait peu, bien trop vite. Je n'ai même pas eu la chance de pouvoir réaliser que je grandissais, je n'ai même pas eu la chance de pouvoir me tromper, je n'ai pas eu cette chance de pouvoir faire de quelconques bêtises parce que, dès mon entrée au lycée, j'ai tout simplement dû être assez mature pour deux. Et c'était très difficile. Maintenant que j'y réfléchis bien, c'est très certainement à ce moment de ma vie que j'ai commencé à ne plus penser à moi pour tout simplement me concentrer sur ce que les autres pouvaient me dire, ce qu'ils pensaient de moi, l'image qu'ils dépeignaient de moi et que, peu à peu, j'ai commencé à croire. C'était idiot, je le savais, tout comme je le sais toujours autant à l'heure qu'il est mais qu'y puis-je si, comme une idiote, je n'arrive pas à faire quoi que ce soit d'autre que d'y penser, encore et encore, sans jamais m'arrêter parce que j'ai cette impression que toutes ces méchancetés qu'ils peuvent dire de moi sont véridiques ?
Je soupire, attristée par mes propres pensées. Je sais bien à quel point je peux avoir l'air ridicule d'importer tant d'attention à ce que des personnes toutes plus bêtes les unes que les autres peuvent bien raconter sur moi mais... Mais que puis-je bien y faire si je n'arrive pas à me défaire de cette prison qu'ils m'imposent tous ? Je sais que je ne suis pas comme toutes ces personnes, elles me le rappellent sans cesse, mais j'essaie sincèrement de changer pour leur ressembler, pour qu'ils m'acceptent tous mais rien ne semble marcher. Peu importe ce que je peux faire, j'ai toujours cette impression d'être cette intruse qui les dérange tous désespérément. Je sais que je n'entre pas dans leurs critères de « normalité » et je ne sais pas si j'y arriverai un jour ou l'autre mais... Mais j'aimerai juste qu'ils réalisent au minimum tous les efforts que je fais pour leur ressembler...
Une nouvelle fois, mes yeux viennent se poser sur ces roses d'un bleu envoutant, ne me lassant pas de les regarder alors que, sans même réellement le vouloir, mes doigts viennent caresser les pétales de la rose que j'observe depuis tout à l'heure. J'aimerai tellement lui ressembler... Enfin... C'est ridicule, je le sais. Vouloir ressembler à une fleur est totalement stupide mais elle représente tout ce que je ne pourrais jamais être alors je ne peux m'empêcher de le désirer plus que tout...
Je soupire, désespérée par toutes ces choses qui peuvent m'arriver en ce moment. Jamais je n'ai eu autant de problèmes dans ma vie, jamais. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui ont manquées mais j'avais toujours réussi à éviter de quelconques problèmes mais ces derniers temps, c'est comme si tout me retombait dessus. Je n'ai fait qu'enchaîner erreurs sur erreurs mais, contrairement à la moi d'avant, je n'ai rien vu et n'ai fait que de m'enfoncer encore plus dans ces fautes que je ne voulais pas voir. Je crois que, pas une seule seconde, je n'ai réalisé à quel point tout ce que je faisais pouvait être idiot et dénué de sens.
Nouveau soupir de ma part alors que je m'assois sur un banc au beau milieu de la serre, masqué par toutes les fleurs qui l'entoure, afin de fermer les yeux pour vainement tenter de tout oublier alors que, comme j'aurais dû le savoir, le noir complet ne fais que de me faire douter encore plus. Je désespère tellement de ne pas pouvoir l'oublier... Parce que, oui, même si je sais que tout ça peut réellement faire ridicule, je ne parviens pas à me sortir monsieur Garcia de l'esprit. Particulièrement la dernière expression qu'il a laissé voir sur son visage, lorsque je suis partie de chez lui pour ne pas que mes parents m'y trouvent... Cette image ne veut pas s'échapper de ma tête... Il avait l'air si... Si triste... Si frustré... Comme s'il voulait faire quelque chose sans savoir quoi exactement... Il avait juste l'air perdu et j'aurai tellement aimé pouvoir l'aider mais je savais que la seule chose que je pouvais faire pour lui venir en aide était de disparaître de sa vie, quitte à devoir en souffrir au passage.
Mon cœur se serre légèrement sans que je ne comprenne pourquoi alors que la fatigue commence vraiment à peser sur mes épaules. Je devrais vraiment retourner dans ma chambre mais je n'en ai même pas la force... Je sais que si l'on me trouve ici demain matin, j'aurai de lourds problèmes mais je n'arrive même plus à bouger alors je me laisse tout simplement porter par les bras de Morphée, l'image de toutes ces idioties que j'ai pu enchaîner depuis un peu plus de six mois dans la tête sans pourtant parvenir à regretter quoi que ce soit pour la simple et terrible raison que, malgré tout ce que j'ai pu vivre et tout ce qui m'attends encore très certainement, je suis en quelque sorte heureuse d'avoir eu l'occasion de tout de même pouvoir vivre tout ça avec lui... Je sais bien que, jamais, il ne ressentira ce que moi je peux ressentir pour lui mais, même s'il ne réalise pas à quel point je peux l'aimer, mon cœur en venant même à saigner à chaque fois que je pense au fait que je ne pourrais plus jamais le revoir, j'espère au moins qu'il ne m'a pas déjà oubliée parce que... Parce que je n'ai jamais tenu aussi fort à quelqu'un et que j'aurai désiré que cette personne aussi ai tenu un minimum à moi même si je sais bien qu'il ne tiendra jamais à moi autant que je ne tiens à lui...
Pensant une dernière fois à son visage aux traits si doux et pourtant si matures et viriles, je fini par m'endormir sans le vouloir, ne souhaitant qu'une dernière chose : avoir une seule et dernière chance de pouvoir revoir son sourire s'offrir à moi...

Teach Me Love...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant