Les soins durèrent une bonne heure, peut-être deux. Il faut dire que, ainsi penchée sur le blessé, je n'ai qu'une vague notion du temps. Après m'être soigneusement lavé les mains – deux fois- je m'étais occupé de nettoyer la blessure, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. S'en était suivit une longue vérification qu'il ne restait aucun résidu dans la plaie, puis un examen approfondi pour observer la profondeur de l'entaille et m'assurer qu'aucun organe n'avait été touché. J'en avais conclu que ce n'était pas le cas, que le blessé n'était pas passé loin d'une perforation de son tube digestif mais qu'il l'avait évité de justesse. J'avais nettoyé à nouveau et recousu du mieux possible
En bref, rien de mortel. Avec suffisamment de repos et si la plaie ne s'infectait pas, il s'en remettrait. Une certaine joie s'empara de moi en imaginant la fierté qu'auraient mes professeurs. J'avais réussi !
Je ne me pensais pas capable d'effectuer aussi bien une telle opération, surtout en considérant le fait que Tyron ne m'a pas quittée des yeux une seule seconde. Dès que je tournais la tête, c'était pour croiser son regard froid et perçant, qui m'intimait de me remettre au travail. Au début, le blessé était dans un état végétatif entre le sommeil et le réveil, ouvrant parfois sur moi de grands yeux où perçaient sa peur et sa douleur. Il a fini par perdre connaissance et j'en avais été soulagée, étant donné que je n'avais pas moyen de l'anesthésier J'avais poursuivi mon travail consciencieusement et j'avais senti Tyron s'éloigner seulement après que j'ai enroulé un bandage autour du torse de son ami.
Je me relève, le dos endoloris, puis fais un pas en arrière et croise les bras sur mon ventre, dans le but principal de cacher les tremblements qui m'ont repris. Je tourne les yeux vers le criminel. Tyron est adossé contre un mur, son arme à feu pendant à l'une de ses mains, le regard dans le vide bien plus loin que lui, moi ou qui que ce soit d'autre. Ce genre de regard perdu si loin qu'on espère qu'il nous tireras d'une manière ou d'une autre de notre réalité. Je n'ose pas bouger et encore moins lui rappeler ma présence. Aussi, je reste là, immobile, à me ronger les ongles, d'où persiste une odeur d'alcool irritante. Tyron finit par lever la tête, tiré brusquement de ses pensées par je-ne-sais-quoi, et pose les yeux sur moi. Leur étau glacé semble se refermer sur ma gorge et je fais un pas en arrière, le cœur battant. Il penche la tête vers la droite.
« Il va s'en sortir ?
— Il... normalement, oui. Le coup n'a pas touché d'organes vitaux. Il faut le laisser se reposer, l'empêcher de bouger... et suivre attentivement l'état de sa blessure sur les prochains jours. »
Tyron tressaille, comme si la simple idée d'avoir encore besoin de moi lui est douloureuse alors que, pour moi, c'est cette idée qui va prolonger ma durée de vie. Du moins, je l'espère. Le bandit acquiesce finalement, les sourcils froncés par l'inquiétude. Je l'observe attentivement. Quelque chose dans son attitude cloche. À la télé, il a été décrit comme un dangereux criminel. J'ai moi-même pu constater toute la violence dont il peut être capable, toute sa froideur et sa dureté. Alors pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'avoir simplement un homme brisé en face de moi ? En le regardant bien, en perçant son masque de voleur et de meurtrier, ce qu'il laisse voir n'est pas si noir. Il semble perdu dans son propre monde, déchiré par la vie, seul, abimé par son passé. Choses qu'il m'est bien aisé de comprendre.
Sans prévenir, l'intéressé approche de moi à grands pas. Je recule vivement, dans un pur réflexe guidé par ma peur mais me retrouve vite dos au mur. Le bois dur et piquant derrière moi me rappelle que, avant d'être médecin, je suis prisonnière. J'inspecte d'un œil effaré le visage neutre et froide du criminel. Il s'arrête à quelques centimètres de moi. Mon souffle s'accélère et mes paupières se ferment d'elles-mêmes tandis que mes doigts se crispent. Dieu sait ce dont il est capable...
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Mémoire en Cavale
AksiLa mémoire est un drôle de phénomène. Défaillante pour certains, pour d'autres elle est bien trop puissante. C'est le cas de Morgane Freeman, atteinte d'hypermnésie : un syndrome rare qui lui permet de se rappeler absolument chaque instant de son ex...