Mémoire en Cavale

30 - "Bailando"

- Enfoiré ! Ça t'apprendra ! crachai-je à Tyron.

- Freeman, tu vas le regretter je te jure, me menaça le bandit.

- Vas-y, j'attends de voir !

- Ok...

- Oh putain non... Non non non... gémis-je tout en courant, une main contre mon ventre blessé. Merde ! Je suis coincée !

- Morgane, j'arrive. Fais ta dernière prière.

- Tyron je t'en prie ne...

Sans me laisser le temps de finir, le bandit appuya sur la gâchette, et une balle vint se loger dans mon crâne. Ma cervelle vola sur les pavés tandis que je m'effondrai dans une mare de sang.

Je poussai un cri de rage en balançant la manette par terre tout en sautant sur mes pieds. Il m'avait encore battue ! Tyron me regardait sans bouger, un sourire victorieux aux lèvres. En même temps, cela étonnait-il quelqu'un qu'il soit autant agile dans un jeu de guerre ? J'avais beau être douée, je ne lui arrivais pas à la cheville. Et il le savait. J'avais envie de lui faire ravaler son sourire narcissique.

- Il est nul ce jeu, bougonnai-je. Ça perd tout son intérêt quand... quand il se passe la même chose dans la vraie vie.

Une partir de ma défaite venait sans doute du fait que tout mon corps se crispait quand je voyais quelqu'un se prendre une balle, et que je fermais instinctivement les yeux à la moindre goutte de sang, ce qui ne m'aidait pas beaucoup. Tyron pencha la tête sur le côté en m'observant.

- Non, au contraire. Il sort du domaine du ludique pour devenir instructif. Ça t'apprend à être stratégique, réfléchis, à prévoir chaque coup et surtout, à ne pas aller dans une ruelle qui finit en cul-de-sac quand tu es poursuivie par un type avec une arme presque aussi grande que toi.

Il accompagna le tout d'un haussement de sourcil convaincu. Je grimaçai et retournai m'asseoir à côté de lui. Qu'on soit clair, « à côté » signifiait tout de même garder une distance de sécurité d'un mètre entre nous deux, ce qu'il avait accepté sans rien dire. Pour ma part, j'étais plus troublée que je ne voulais le montrer. J'étais en train de passer du bon temps avec Tyron. Je ne pensais jamais dire cette phrase de toute ma vie.

On parlait de Tyron le bandit, le meurtrier, le voleur qui m'a blessée et à pris du plaisir à me voir souffrir. Tyron, qui agissait comme un ado normal en jouant à des jeux-vidéos, en rigolant, en plaisantant. Je n'en revenais pas. Une partie de mon cerveau s'était déconnectée de la réalité.

Et le pire était que je m'amusais. Il avait sans doute tué mon meilleur ami, et moi je m'éclatais à jouer avec lui. J'étais vraiment tordue. Et puis, je n'avais pas la moindre envie d'arrêter. Ça faisait trop longtemps que je n'avais pas été « normale », même si jouer avec un criminel au fond d'un bunker n'était sans doute pas considéré comme normal.

- Tu veux changer de jeu ? s'enquit Tyron en me scrutant du regard.

- Oui. Je peux ? demandai-je en désignant le placard sous la télé.

Il confirma d'un signe de tête et je m'agenouillai devant les jeux, sentant le regard de Tyron dans mon dos. Beaucoup étaient sur le thème de la guerre, du meurtre, du sang, ou alors des jeux de voiture. Pourtant, au milieu de tout ça, je m'arrêtai sur un boitier qui n'avait rien à voir. Je le sortis, et un sourire étira mes lèvres. Je me retournai vers Tyron en m'efforçant de ne pas rire :

- J'ai le droit de demander pourquoi est-ce que vous avez « Just Dance » ?

Je le vis esquisser un sourire amusé et il haussa les épaules :