Il ne me fallut pas longtemps pour en arriver à une conclusion. Peut-être que j'avais mérité tout ce qu'il m'arrivait. Je n'avais jamais cru au Karma. Pourtant, ça ne m'étonnerait même plus qu'on me dise que je vivais tout ça aujourd'hui comme punition pour tous mes crimes. J'avisai Tyron porter son frère jusqu'au siège passager et l'y attacher. Il rangea ensuite toutes les affaires sorties, et fourra le sac dans le coffre avant de se glisser derrière le volant.
- Tu es un ange c'est ça ? Tu viens rétablir la justice sur terre ?
Je ne savais plus ce que je disais. Il y avait peu de gens sur cette terre aussi peu croyants que moi à toute cette mysticité. Pourtant, ça m'apparaissait maintenant comme une évidence. L'idée m'avait effleuré l'esprit, et ne voulait maintenant plus me lâcher. Tyron avait la beauté d'un ange, la froideur d'un démon, alors je n'aurais réellement pas été étonné qu'il confirme. Qu'il me dise qu'il avait organisé toute cette mascarade juste pour me punir. Pourtant, il redressa des yeux surpris vers le rétroviseur et croisa mon regard.
- Sérieusement ? Après tout ce que tu m'as vu faire, tu crois réellement que je suis un ange ?
Il paraissait sincèrement étonné, en cherchant sans doute ce qui ne tournait pas rond chez moi. Ses yeux restèrent ancrés aux miens via le rétroviseur, et je répondis d'une voix faiblarde :
- Enfin... C'est normal. C'est pour me punir. Tu viens rétablir la justice. Je n'aurais pas dû naître, alors tu fais de ma vie un enfer pour contrebalancer la chose.
Ça me paraissait si logique ! J'étais certaine d'avoir trouvé une partie de la réponse. Peut-être que rien n'arrivait jamais par hasard.
Cette fois-ci, Tyron se retourna carrément sur son siège et me regarda directement, les sourcils froncés :- Comment ça, tu n'aurais pas dû naître ?
Je tremblais. Je venais juste de m'en rendre compte. Mes yeux ne voulaient pas quitter ceux, brillants, du ravisseur. L'ambiance qui régnait dans l'habitacle était étrange. Comme si, par un simple regard, j'étais devenue connectée à Tyron. Je haussai les épaules et répondis sans pouvoir m'en empêcher :
- J'empoisonne mon entourage. Tout le monde. Je suis une sorte de virus qui est là pour détruire. Alors il est normal qu'on vienne me détruire à mon tour.
- Dans ce cas-là, je n'aurais pas dû naître non plus, Morgane.
Il se retourna et appuya sur l'accélérateur, les mains serrées autour du volant à s'en blanchir ses jointures. Je restai un moment incrédule, perplexe pour cette dernière phrase. Outre le fait qu'il ai utilisé mon prénom- chose rare !-, c'était son ton qui m'avait fait tiquer. Il semblait brisé. Détruit. En fait, son ton ressemblait au mien.
Jusqu'alors, je me refusais à trouver le moindre point commun entre cette ordure et moi. Pourtant, il était indéniable qu'il y en avait au moins un. Si Tyron n'était pas un ange, alors il était tombé dans le même purgatoire que moi. Ce que je ne souhaitais à personne, même pas à lui.
Alors que la voiture quittait le parking, j'en vins à me demander ce qu'avait vécu Tyron pour être celui qu'il était aujourd'hui. Combien de fois il avait été brisé pour finalement briser à son tour. Pour passer de l'autre côté de la barrière de la violence. Car personne ne se faisait frigorifier ainsi le cur du jour au lendemain sans raison. Et derrière la carapace qu'il mettait autour de lui, je commençai à voir le garçon brisé qu'il était. Mais ce n'était qu'une ébauche, et guère assez suffisant pour lui pardonner un centième de ses actions. Seulement, c'était rassurant de voir- ou d'apercevoir, tout du moins- son côté humain.
Nous roulâmes un court moment dans la nuit sombre, dans un silence parfois rompu par les geignements de douleur de James, qui transpiraient de plus en plus. Je m'étais à peu près calmée depuis la scène de toute à l'heure, et bien sûr j'étais résolue à garder le silence, le visage de l'homme mort par ma faute tournant derrière mes yeux.
Seulement, je ne quittais pas James des yeux. Il était de plus en plus pâle, des gouttes de sueur coulant le long de son front, sa main enserrant sa blessure ouverte. Encore une fois, ce fut plus fort que moi et je tapotai l'épaule de Tyron. Il croisa mon regard via le rétroviseur et plissa les yeux :
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Mémoire en Cavale
ActionLa mémoire est un drôle de phénomène. Défaillante pour certains, pour d'autres elle est bien trop puissante. C'est le cas de Morgane Freeman, atteinte d'hypermnésie : un syndrome rare qui lui permet de se rappeler absolument chaque instant de son ex...