32 - Toi, moi, et le destin

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Le reste de l'après-midi se déroula dans la même optique. Le soir, James entrepris de préparer à manger et nous fit cuire des pâtes au gruyère. Comme quoi, même dans le milieu criminel, les pâtes restaient le plus simple à cuisiner. Puis chacun retourna dans son lit respectif sans presque un mot. J'essayai de m'endormir, mais je dus bien admettre que Tyron avait eu raison. Ma petite sieste de l'après-midi m'empêchait de dormir ce soir.

J'entendis la respiration des garçon s'allonger, et je compris qu'ils dormaient. Alors, sans bruits, je me relevai. Je me glissai dans mes chaussures, et sortis de la salle sur la pointe des pieds. Je montai le long de l'échelle sans un bruit, et me retrouvai vite à l'air libre. Je pris une longue inspiration en sentant l'air froid de la nuit, qui me fit un bien fou. J'avais l'impression de ne pas avoir été seule dehors depuis bien trop longtemps. J'avisai un imposant rocher non loin de là et entrepris de l'escalader, la lune dégagée me permettant de voir où je mettais les pieds. Arrivée là-haut, je m'assis au bord, les jambes pendant dans le vide, et fermai les yeux.

Là, j'eus tout le loisir de réfléchir à mon aise. J'ignore combien de temps passa où je restai totalement immobile, perdue dans le néant de mes pensées. J'étais ancrée dans ma bulle, si bien que je n'entendis pas la silhouette arriver.

Elle s'approcha derrière moi, le long du rocher, sombre et menaçante, avant de poser une main sur mon épaule.

Je poussai un petit cri de surprise en me retournant, mais me calmais vite en reconnaissant James. Il me sourit et s'assit à mes côtés.

- J'ai vu que tu n'étais plus à l'intérieur. J'ai cru que tu étais partie.

- Et non, soupirai-je. Je suis toujours là.

Il y eut un moment de silence, que ni l'un ni l'autre ne voulions rompre. C'était ce genre de silence agréable que permettait la nuit noire, un silence reposant, où nous n'étions que les deux spectateurs impuissants des étoiles.

- Tu crois au destin ? demanda subitement le jeune bandit.

Je pris le temps de réfléchir avant de lui donner une réponse :

- Oui et non. Je crois qu'il y a... quelque chose, qui nous pousse. Que ce qu'on a fait aura des conséquences sur ce qui adviendra. Qu'il y a une certaine... justice, un équilibre entre les forces de la nature qui sera toujours établis. Mais je me refuse de me dire que mon destin est déjà écrit à l'avance. Que les choses seront ainsi et pas autrement. Je crois... que chacun à le choix de faire le bien ou le mal, et ne sera pas prédestiné à le faire.

Il y eut un autre moment de silence, où James sembla méditer sur mes paroles, avant qu'il ne reprenne :

- Moi, j'y crois. J'pense que rien n'arrive sans raison. Que tout à un but. Je pense que ce n'est par hasard si tu étais dans cette supérette le jour exact où je me fais blesser et où Tyron improvise un coup pour aller chercher des médocs. Attends, si on calcule, quelles étaient les probabilités que Tyron improvise un coup pour la première fois, qu'il tombe sur toi, qui est en fait médecin, juste au moment où on en a besoin, et qui est hypermnésique, ce qui peut ne nous être que bénéfique ? Il n'y avait presque aucune chance que nous tombions sur toi, qui était exactement celle dont nous avions besoin, au moment même où nous en avions besoin.

- Ça existe, les coups de chances, plaidai-je, troublée.

Si ce qu'il appelait « destin » existait réellement, j'avais une envie folle de le rencontrer et de lui botter les fesses. James secoua la tête, le regard braqué devant lui :

- Non je ne crois pas. Pas à ce point là. Tu peux avoir de la chance et faire un six aux dés. Mais avoir de la chance au point de rencontrer exactement la bonne personne au moment où on en a besoin... ce n'est pas de la chance ça, Morgane.

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant