Mémoire en Cavale

12 - Aidez-moi [Corrigé]

J'ai un hoquet de surprise. Enfin, ça ressemble plutôt au genre de sursaut qu'on fait en posant sa main sur une plaque brûlante, vous voyez ? J'essaye de repousser Tyron, mais sa poigne de fer me cloue à la voiture. Qu'on soit bien clairs, ça n'a rien de romantique ou de sensuel. Certes, il est collé contre moi mais ses lèvres touchent à peine les miennes, tout son corps est tendu et il est en alerte, écoutant en vérité les bruits derrière nous. En réalité, tout ça n'est qu'une diversion pour détourner l'attention loin de son frère.

« Y'a des hôtels pour ça ! »

Tyron se retourne lentement sous l'interjection d'un des types et je me rends alors seulement compte que ma respiration était coupée, coincée quelque part entre ma gorge et mes poumons. Je prends une courte inspiration puis me penche sur le côté pour observer le groupe qui vient d'entrer dans la lumière. Ils sont sept et tous semblent bien éméchés, pour ne pas dire complètement ivres. Celui qui a parlé est en avant des autres, tenant une blonde pliée en deux d'une main et une bière de l'autre. Seul un homme, en retrait du groupe, semble plus ou moins sobre et nous fixe en fronçant les sourcils.

Je voudrais me précipiter vers eux. Peu m'importe qu'ils soient ivres ou seulement à moitié conscients, le fait est qu'ils sont là. Mais Tyron écrase ma hanche de sa main en menace silencieuse et adresse un sourire amusé au groupe :

« Autant profiter de l'obscurité » rigole-t-il.

J'écarquille les yeux sous la surprise, vite suivie d'une grimace de douleur quand Tyron raffermit sa poigne. Message compris, je ne vais pas le contredire. La blonde donne un coup de coude à son mec avec un gloussement à rendre jaloux un dindon.

« Tu vois que c'est pas notre voiture ! Allez viens, j'ai envie de faire pipi moi ! »

Le reste du groupe a continué à avancer en discutant à grand coups de phrases inintelligibles et de rires aigus en laissant derrière eux le couple et le dernier homme qui, je finis par m'en rendre compte, me regarde fixement. Au-dessus de l'épaule de Tyron, mes yeux croisent les siens et j'aperçois son interrogation silencieuse. Mon cœur loupe un battement. Cet homme a compris que quelques chose ne vas pas ! J'essaie de lui transmettre par un simple regard toute ma peur, mon besoin d'aide, ma panique, ma douleur, tout ce qui reste bloqué dans ma poitrine depuis ce jour à l'épicerie.

Ses sourcils se froncent un peu plus et sans vouloir m'avancer, je crois pouvoir dire qu'il m'a comprise. Alors que le couple s'en va en se chuchotant des cochonneries, il les prévient qu'il rentreras à pied et avance plutôt vers nous. Sous la lumière de l'ampoule grésillante, je peux l'inspecter à mon aise. Grand, brun, des yeux marron, il doit avoir la vingtaine, peut-être trente. Le genre de type à passer inaperçu dans la foule, qu'on oublie aussi vite qu'on vient de voir. Et pourtant... pourtant je ne suis pas prête de l'oublier. Il semble réellement soucieux de la situation.

« Hé, tout va bien ? »

Sa voix résonne dans le parking sombre. Il s'est encore approché. Il suffit de peu maintenant pour qu'il aperçoive James. Mais il s'arrête, les yeux rivés sur nous. Derrière lui, la voiture de ses amis démarre et quitte le souterrain. Tyron tourne une seconde son regard vers moi en mise en garde silencieuse, avant de se retourner vers l'homme et de lui sourire, ses yeux restant glaciaux.

« Oui, tout va...

— Ce n'est pas à toi que je parle, le coupe-t-il, mais à elle. »

Il me désigne d'un signe de tête. Je reste figée et silencieuse, incapable de penser à autre chose qu'à la douleur de ma hanche. C'est certain que je vais en garder des bleus. Tyron me scrute en fronçant les sourcils, comme s'il croyait que dès qu'il avait le dos tourné j'en profitais pour faire des grands gestes à l'autre homme.

« Bien sûr qu'elle va bien. »

Son ton est si sûr de lui qu'il me ferait presque douter moi-même. Je palis, de plus en plus effrayée. Effrayée par la main de Tyron qui ne me lâche pas, par l'idée que l'homme s'en aille sans demander son reste et me laisse entre les mains du ravisseur ou encore que tout ça finisse en bain de sang.

« Elle n'a pas de langue ? Est-ce que tu es consentante ? »

Pendant une seconde, j'ai envie de me taper la tête contre un mur. Bien que son inquiétude à de quoi être, il se trompe totalement sur la raison. Il ne s'agit pas d'agression ou de viol mais bien de prise d'otage et de meurtre. Seulement, je ne peux réprimer un élan d'affection pour cet inconnu : peu de personnes se seraient souciés ainsi d'une pauvre fille coincée dans les bras d'un homme. Tyron se tourne à nouveau vers moi et, sous son regard glacial, j'esquisse un léger sourire en hochant la tête :

« Je... Oui, bien sûr. »

J'ai un léger spasme quand la main de Tyron se resserre à nouveau sur mon ventre tandis que ses yeux me crient d'être plus convaincante. J'adresse alors un plus grand sourire à l'homme devant nous tout en me demandant si, de là où il est, il peut voir les larmes au coin de mes yeux :

« C'est... c'est très gentil mais ça va. Je suis consentante, Tyron n'est pas du genre à faire quoi que ce soit sans mon accord »

Je fixe l'homme, espérant que le prénom du ravisseur fera tilt et qu'il aura le bon réflexe d'appeler la police. Pourtant, et bien qu'il ne paraisse pas convaincu par mes paroles, il ne réagit pas comme je l'aurais espéré. Je lorgne du coin de l'œil sur ses muscles. Il est assez costaud, peut-être pourrait-il vaincre Tyron dans un potentiel combat à mains nues ? Mes yeux sont aussitôt attirés par le pistolet de Tyron, caché sous sa veste. Non, le combat ne sera assurément pas égal.

« Bon, écoute-moi bien. Tu vas lâcher cette fille et la laisser partir, d'accord ? »

J'ai l'impression que mon cœur va exploser dans ma poitrine tellement il bat vite. Tyron serre les poings - ce qui me fait lâcher un gémissement de douleur – et je peux observer son masque de gentil adolescent se briser. Son sourire s'éteint complètement, son visage se durcit et ses sourcils se froncent. Devant nous, l'homme avance encore d'un pas.

Tout s'enchaîne ensuite très vite. Entrant complètement dans la lumière, son regard tombe sur James en sang, sur mon visage larmoyant et sur l'air meurtrier qu'arbore Tyron. Ses yeux s'écarquillent tandis qu'il doit enfin faire le rapprochement entre nous et les photos qu'il a sûrement vu aux infos. Moi qui n'attendait que ça, j'ai subitement l'impression d'étouffer. Tyron ne le laisseras pas s'en tirer, c'est trop tard pour lui. Et pour moi par la même occasion.

L'homme fait un mouvement vers le téléphone portable qui repose dans sa poche mais n'a pas le temps de l'atteindre que Tyron bondit vers lui avec une vitesse effroyable. Je vois sa main saisir le pistolet dans sa veste. Je ne prends pas la peine d'observer la suite des évènements et détale en courant dans l'obscurité du parking.

***

Bonjour tout le monde ! Comment-allez vous en ce week-end ?

Que pensez vous de ce nouveau chapitre, l'homme a-t-il bien fais d'intervenir ?

Morgane a-t-elle bien fais de s'enfuir ? Qu'auriez vous fait à sa place ?

Biz à vous :)