Mémoire en Cavale

34 - Relooking

J'avais beau en vouloir aux deux frères, je ne pouvais pas nier qu'ils étaient bons. Foutrement bons, et je détestais ça.

James avait falsifié mon permis de visite pour la prison, ainsi que ma carte d'identité. Il en avait en réalité juste changé le nom pour Abigaël Freeman, la sur de Sandie. Heureusement pour nous, cette dernière vivait au Canada, et n'était pas venue nous rendre visite depuis une dizaine d'années. Elle haïssait sa sur et son beau-frère. Entre elle et moi, en revanche, le courant était toujours passé. Elle était le genre de tante qui te ramenait un chien en souvenir d'Inde ou du Maroc, qui t'emmenait faire la fête à treize ans, et qui était encore plus jeune que toi dans sa tête. Je l'adorais.

Seulement depuis l'emprisonnement de maman, elle n'est plus revenue, malgré la demande de permis de visite qu'elle avait faîte. J'aurais tellement eu besoin d'elle parfois. Et aujourd'hui, elle allait m'aider. Enfin, son nom allait le faire. De son côté, Tyron avait jugé tout déguisement trop dangereux. Il ne fallait pas que je ressemble à Abigaël, il fallait que je devienne Abigaël. J'ignorais pourquoi ils tenaient à ce point-là à m'aider à voir ma mère, et à tirer son histoire au clair, mais cela me titillait en réalité depuis si longtemps que je ne pouvais refuser leur aide.

Aussi, ce fut une séance relooking avec Tyron, qui se retrouva en réalité être un très bon coiffeur. Il me coupa les cheveux en un carré parfait selon une photo de ma tante, puis me fis une teinture temporaire noire, qui me donnait une tête bizarre, mais qui avait le mérite d'être ressemblant. James allait acheter ce dont nous avions besoin à chaque fois, puis se repenchait sur son travail. Le permis de visite étant daté au samedi, nous avions eu deux jours pour nous préparer entièrement.

Tyron se fit également une teinture mais blonde, puis se coupa légèrement les cheveux, et rasa la barbe naissante sur son visage. Puis il mit des lentilles de contact bleus, chose que j'avais put éviter, ayant hérité des mêmes yeux que ma tante. Le samedi matin, nous finalisions. Tyron m'avait passé des vêtements qui auraient tout à fait convenus à ma tante : une robe moulante dénudant mes jambes et me faisant un décolleté plongeant sur... pas grand-chose en fait.

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Oui, j'étais loin d'être une de ces mannequins travaillées à un Photoshop. J'avais peu de seins, des fesses tout aussi minuscule, des petites jambes, la peau si pâle qu'on me croyait toujours malade, et j'étais sous-alimentée (qu'on se le dise, mon aventure des derniers jours n'avait pas arrangé ça) de sorte que l'on voyait mes côtes à tout bout de champ. Sexy, non ?&

Le pire fut de mettre les chaussures à talons. À chaque nouvelle étape, Tyron apercevait mes grimaces, et me disait qu'il fallait que l'illusion sois parfaite. Je ne sais toujours pas s'il ne se moquait pas juste de moi. Je me maquillai ensuite comme je pus, essayant de me vieillir à l'aide de mascara et de rouge à lèvre. J'étais tout de même sensée avoir trente ans.

Une fois fin prête, je quittai le paravent qui me cachais du regard des deux garçons, et me plantai devant eux. James finalisait les papiers, tandis que Tyron finissait d'enfiler une chemise blanche. J'aperçus un fragment d'encre noire sur la peau de son torse, mais il rabattit le tissu avant que mes yeux curieux ne puissent en voir davantage. Je relevai un regard coupable avant de lâcher :

- Alors ? Est-ce que je ressemble à Abi ?

James releva les yeux, me parcourut de haut en bas, avant d'esquisser un sourire satisfait :

- C'est parfait.

Je le remerciai d'un sourire, avant de tourner lentement les yeux vers Tyron. Il me fixait sans bouger, ses mains arrêtées sur les boutons de sa chemise et les sourcils froncés. J'arquai un sourcil :