L'Envol du Corbeau [TERMINÉE]

Chapitre 17

I'll wash my mouth but still taste you

Azura contemple les petits tourbillons de sable gris caresser ses chaussures tandis que la lettre passe d'une main à l'autre. Morgane la lit et la relit comme s'il était possible d'en découvrir l'expéditeur juste en la regardant. La colère contenue dans son regard serait capable d'y mettre le feu. Elle la tend à Gaël sans un mot, les poumons gonflés par une inspiration indignée. Les yeux du garçon survolent les quelques phrases plusieurs fois sans vraiment s'y poser.

« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? »

Sa question manque d'être emportée par le vent. Il rend la lettre à Azura, qui s'empresse de la ranger dans son sac.

« Je sais pas, avoue-t-il d'un ton sinistre. Je comptais sur vous pour avoir les idées claires.

- On peut pas abandonner, dit Morgane. On a enfin la preuve que la mort de Burk a rien résolu du tout. Si on donne cette lettre à la police, peut-être que ...

- N'importe qui a pu l'écrire, l'interrompt Gaël. C'est ce qu'ils diront. Ils seraient même capables de nous accuser.

- Pas Jack, proteste la jeune fille. Gina et Lauren nous ont dit chez Jefferson qu'il était au courant pour le coup monté, tu te souviens ?

- Mais t'es sûre que c'est une bonne idée d'en parler à la police ? intervient Azura. C'est pas eux qui ont égaré les dossiers de ta mère ?

- Si ... Mais j'ai confiance en Jack. En Gina, Lauren et Tori aussi. Ils confieront pas la lettre à n'importe qui.

- C'est quoi, cette histoire de fichiers perdus ? »

La question de Gaël les prend par surprise. Ils dévisagent leur ami avec des yeux ronds.

« C'est vrai, réalise Morgane, t'étais pas là quand je l'ai expliqué à Azu. Mais tu m'avais entendue en parler sur la plage, non ? Les dossiers de ma mère sur l'enquête se sont envolés dans la nature. Même le carnet qu'elle gardait à la maison a jamais été retrouvé.

- Et je suis sûr que ce carnet contenait une info cruciale, complète Azura à sa place. Ils ont dû l'égarer volontairement. C'est pour ça qu'on peut pas leur faire confiance.

- Je vois ... »

Gaël se caresse le menton, mais son geste habituel revêt un air absent. Azura se demande s'il a passé le week-end à récurer le manoir de ces foutus riches.

« Dans ce cas, poursuit-il, on peut supposer sans risque que le coupable a au moins un complice parmi les responsables de l'enquête. Comment on peut être sûrs que c'est pas un de ceux dont tu parlais ?

- Ça peut pas être eux, rétorque Morgane en levant les yeux au ciel. Je les connais depuis des lustres. C'étaient les seuls à être là pour moi quand maman est partie. Et puis, je vous l'ai déjà dit, c'est un petit commissariat. Tout le monde sait sur quoi travaillent les autres.

- Ça veut pas dire que ...

- Tu veux qu'on fasse quoi ? Qu'on se tourne les pouces en attendant de se faire tuer ? »

Gaël fronce les sourcils. Face à lui, Morgane se pince les lèvres. Les yeux caramel soutiennent sans ciller l'irritation de la jeune fille. Azura écarquille les siens. Il les pensait réconciliés, mais leur accroc de l'autre fois leur est visiblement resté en travers de la gorge.