III. La Table (2/3) - réécrit

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 Olof se tenait juste derrière eux.

– Vous auriez pu vous annoncer ! lâcha Millie, le cœur battant.

– Voulez-vous boire un thé ? proposa-t-il en ignorant sa réflexion.

Liam fronça les sourcils.

– Un thé ? demanda-t-il, perplexe.

– Ce sera l'occasion de s'offrir quelques minutes de calme, expliqua Olof.

Millie et Liam ne savaient pas quelle décision prendre. On ne leur avait jamais appris comment réagir dans cette situation. Si le proviseur et leurs parents n'avaient pas été au courant, ils ne se seraient jamais rendus jusqu'ici. Millie était partagée entre une extrême curiosité et l'envie de rebrousser chemin.

Finalement, ils prirent place en terrasse. C'était noir de monde, donc rassurant. Olof commanda un thé.

– Et pour vous ?

– Un verre d'eau, répondirent-ils en chœur.

Une certaine sécheresse avait envahi leur gorge, entre l'air chaud et le stress. Liam ne laissa pas le silence s'installer :

– Monsieur, pouvez-nous vous... pouvez-vous nous dire ce qu'on fait là ?

– Appelez-moi Olof ! Comme je vous disais dans le bureau de votre proviseur, votre scolarité va être particulière.

– Oui, mais ce qu'on vous demande, c'est pourquoi ? surenchérit Millie. Particulière en quoi ? Pourquoi nous ? Et pourquoi nos parents ne nous ont jamais rien dit à ce sujet ?

Mentionner ses parents lui provoqua un pincement au ventre.

– Cela fait partie de la procédure. Croyez-moi, monsieur et madame Poppy n'ont pas gardé le secret de gaîté de cœur.

– Vous ne répondez toujours pas à la question.

Olof sembla réfléchir. Il allait répondre mais le serveur revint pour les servir. Les jumeaux le fixèrent pendant qu'on déposait leur commande. Puis, Olof envoya un sucre dans sa tasse et touilla.

Finalement, il leur demanda :

– Dites-moi, quel est votre point commun ?

Les Poppy ne s'attendaient pas à cette question.

– Euh... justement, pour des jumeaux nous avons plutôt des qualités et défauts assez différents.

Liam n'eut pas le temps de surenchérir qu'Olof rétorqua :

– Millie, tu viens pourtant de donner la réponse.

Quelques secondèrent passèrent puis elle comprit :

– Nous sommes jumeaux.

Alors, elle regarda son frère. Ils échangèrent un sourire incontrôlé. Quelque chose les rassura au plus profond de leur être.

– Bon, êtes-vous prêts ? demanda soudain Olof en se levant.

Il n'avait même pas touché à son thé.

– Attendez, quel rapport entre le fait que l'on soit jumeau et jumelle et vous ici ?

– Pour le savoir, suivez-moi ! Allez, fioufiou ! dit-il en agitant ses mains, une attitude en décalage avec son allure professionnelle et calme qu'il avait eue jusque-là.

Ce trait d'impatience couplé avec son sourire étonna Millie et Liam.

– Où est-ce que vous nous emmenez, encore ? demanda Liam en contournant un client qui se déplaçait bière à la main.

– Juste en face !

Les yeux des Poppy longèrent la façade d'un restaurant de charme nommé La Table. C'était une bâtisse d'origine moyenâgeuse. L'enseigne en fer indiquait fièrement : Plus vieille auberge du pays, 1345.

– Euh... nous n'avons pas faim, assura Liam.

Mais Olof ne fit aucune réplique. Ils n'eurent d'autre choix que de marcher dans ses pas.

La façade à pans de bois, coincée entre deux maisons à colombages, était percée de nombreuses fenêtres à carreaux ornée de bacs fleuris. La charpente du toit tenait sur une poutre sombre en arc brisé. L'entrée bénéficiait d'une arcade sculptée de végétaux. Malgré l'écriteau retourné dans le sens « fermé/closed », ils entrèrent.

La salle était moderne, dans des tons crème et gris, avec des rideaux corail. Le personnel préparait le service du soir, ayant à peine jeté un œil aux arrivants. Derrière le bar, le gérant lança :

– Ah, Olof ! Ce sont les nouvelles recrues ?

– Tout à fait, Jacques ! Mais dis-moi, c'est mieux le comptoir comme ça !

Son salut bienveillant accueillit les jumeaux. Puis il remercia Olof pour son compliment.

De leur côté, Millie et Liam s'étaient regardés. Avaient-ils bien entendu le mot « recrues » ?

Ils s'enfoncèrent dans le couloir mentionné « interdit au public » d'où les bruits de cuisine s'éloignaient.

– Préférez-vous prendre l'ascenseur ou grimper les escaliers ?

Millie et Liam firent un hochement de tête avec une expression qui signifiait « on s'en fiche, de toute façon on est largués ». Heureusement qu'ils étaient deux pour se rassurer d'un coup d'œil.

Olof les invita à entrer dans le grand ascenseur. Les portes s'ouvrirent au premier étage. Léoncie les attendait :

– Enfin ! s'exclama-t-elle.

Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant