XII. Pavillon (1/3) - réécrit

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 Clémence Poppy hésitait à laisser Liam et Millie se rendre en ville. Ses enfants lui manquaient, elle voulait en profiter, et savoir qu'ils seraient non accompagnés d'un adulte l'angoissait.

– Mais que veux-tu qui leur arrive, un samedi matin ? Ils sont grands maintenant, on ne va pas les couver indéfiniment. Regarde, ça s'est bien passé à Londres. Vous avez bien vos téléphones ?

Madame Poppy accepta bon gré mal gré, mais la vérité c'était qu'elle trouvait ça louche : les jumeaux attendaient toujours le week-end pour faire la grasse matinée.

– On retrouve Brume. Elle veut faire les magasins.

– Et Liam vient avec vous ? demanda-t-elle encore plus perplexe.

Millie chuchota :

– Je crois qu'il en pince pour elle.

Cet argument convainquit leur mère, alors qu'elle souriait de fierté. Liam n'avait pas entendu et il valait mieux pour sa sœur.

Neuf heures trente n'avaient pas sonné qu'ils retrouvèrent Brume en centre-ville. Ils reconnurent son manteau rouge malgré le brouillard.

– C'est drôle de se voir en dehors de la semaine, déclara-t-elle en guise de salutation.

– Tu attends depuis longtemps ?

– Non, ma mère vient juste de partir. Elle en a profité pour prendre rendez-vous chez le coiffeur.

Ils s'engagèrent dans les ruelles brumeuses. Les commerçants ouvraient leur rideau, des gens matinaux entraient ou sortaient des cafés et la clameur du marché s'entendait au loin.

– Vous avez réussi à convaincre vos parents, finalement.

– Avec notre mère ce n'était pas de la tarte ! Et toi ?

– Elle me laisse toujours tranquille.

– Et ton père ?

Elle rit.

– Je ne le vois pas beaucoup.

– Nous non plus, mais cette fois il était là.

– Vos parents aussi sont divorcés ?

– Non... mais c'est qu'il part souvent en Angleterre pour le travail, répondit Millie, un peu gênée.

– Mais oui, c'est vrai !

Millie réalisa que Brume ne parlait jamais de son père et sa mère était venue seule à l'hôpital, le jour de l'accident de bus. Peut-être qu'ils n'avaient pas surmonté la mort de leur deuxième fille. Millie éprouvait de plus en plus de sympathie pour elle. L'adolescente était toujours agréable malgré les épreuves qu'elle avait subies.

– Tu sais où tu vas ? demanda Liam.

– Oui, la fontaine-réservoir c'est ce qu'on voit quand le métro sort du tunnel avant l'hôtel de ville, répondit Millie.

– L'arrêt avant le Cimetière Monumental, c'est ça ?

Ils traversèrent l'artère commerçante et remontèrent le boulevard. Le lycée Sainte-Catherine n'était pas loin. Dire qu'une deuxième institution de gemini se trouvait à moins d'un kilomètre de leur établissement scolaire « normal »...

Élaborer un plan et l'exécuter étaient deux choses bien différentes. Surtout quand il n'y en avait pas. Alors que la silhouette de la fontaine-réservoir se dressait entre les nappes laiteuses, tout en haut de l'avenue, Brume demanda :

– Et, concrètement, qu'est-ce qu'on fait ?

– Oui, dis-nous, Liam ? On s'y prend comment ? ironisa Millie.

– On frappe et on leur sourit...

– Et ensuite ? répondit-elle, dubitative.

– Je ne suis pas certaine qu'ils vont nous laisser entrer. Puis, c'est samedi, les élèves et les professeurs seront partis. Non ? ajouta Brume.

– On aurait mieux fait de se préparer !

– On s'approche et on voit ce qui se passe. Ce sont des lieux surveillés, on finira par nous remarquer.

– Et tu penses que c'est une bonne idée, Liam ? Je te rappelle qu'on est dans le viseur d'une menace inconnue.

– Mais qu'est-ce que vous racontez tous les deux ?

C'était sorti spontanément. Son inquiétude avait pris le pas sur le reste.

Les jumeaux synthétisèrent donc les propos d'Olof. Brume les regardait, intriguée, alors qu'ils atteignaient les marches de la fontaine.

– Vous êtes courageux de sortir, alors.

– Ou inconscients.

– Oui mais, Millie, si notre intuition nous dit que tout est lié : Mauric, Léandre, ce Sylvère, le chauffard et même ce que nous ont caché les frères au pub de Twin Alley, alors nos réponses sont à portée de main. Ils ne se doutent pas que trois gemini de quinze ans auraient ces infos.

– Ce serait un peu trop facile, tu ne crois pas ? L'institution des Trois Fontaines est chargée de prodiguer la bonne éducation aux jumeaux, sous l'égide du Rectorat, tout comme la Table.

– Mais regarde par qui elle est gérée ! Et ce mot...

– Il me semblait bien que c'était vous !

Léandre Lupin de Fondeterre se tenait derrière eux, adossé au socle de la statue de la fontaine représentant une jeune femme enrubannée dans les flots.

Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant