XIII. L'Artémis (1/3) - réécrit

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 Millie ne se trompait pas. Les gemini avaient étudié ce symbole en cours et il figurait dans de nombreux livres scolaires. C'était également le logo de Split Mirrors, un duo pop-rock que vantait Émilien. Les deux traits parallèles reliés à chacune de leurs extrémités, comme un « II » en chiffres romains stylisés, occupait son fond d'écran depuis des mois.

Et voilà qu'ils le retrouvaient représenté sur le drapeau et sur la coque d'un voilier.

Liam dégaina son smartphone pour entrer le nom du navire.

– « L'Artémis fait partie de la flotte militaire britannique...

– Liam, rappelle-toi ce que nous a dit Sam au pub à propos de Gemini British Seas ! coupa Millie.

Il hocha la tête et poursuivit sa lecture :

– ... il compte parmi les plus anciens bâtiments de la Couronne. Vingt-trois voiles permettent de déplacer, au gré des eaux et des vents, ce géant long de soixante-seize mètres sur lequel évolue un équipage composé d'environ deux-cents officiers et marins. »

– Ils disent quoi sur son nom ou son emblème ?

Liam lut dans sa tête les dernières lignes.

– Rien.

– Comme c'est étonnant ! Le navire porte le nom de la jumelle d'Apollon, son symbole renvoie à la constellation de Castor et Pollux et Sam nous a dit qu'il existait une branche spéciale pour les gemini au sein même de la Royal Navy. Simple coïncidence ?

– Impossible.

– On est d'accord. Il est temps de nous intéresser de plus près à cette Armada, tu ne crois pas ?

Pourtant, cette résolution fut enfouie par une nouvelle volée de devoirs en tout genre qui les découragea. Ils n'eurent simplement pas le temps ni l'énergie. Ils avaient des fiches de lecture à rendre, des exposés à préparer, et le peu de temps libre lors de ces jours printaniers leur servait à buller.

Ils se retrouvèrent chez Melvin plusieurs mercredis de suite. Des après-midis où ils ne parlaient ni du lycée, ni de la Table, évidemment. Ce sentiment d'être comme « tout le monde », bien qu'illusoire, les rassura.

– On fait la revanche ? demanda Liam en tendant la manette de jeu à sa sœur.

– Non, c'est bon. Les jeux de combats, ce n'est pas mon truc.

L'adolescente aimait bien les regarder jouer. Liam s'énervait facilement. Melvin restait calme en toute circonstance, même les rares fois où il perdait.

Millie s'occupait aussi à fouiller des yeux les coins et recoins du repaire de Melvin. Entre les livres et les films, il y avait de quoi faire.

A la Table, les relations entre les jumeaux de première année avaient changé. L'incident du bus avait clairement démontré la maîtrise impressionnante des dons de Millie, Liam et Brume. Lors des Travaux Pratiques de monsieur Heurtebise, Émilien, Paul, Novak et Herman se regroupaient en espérant sur-développer leurs capacités. Le professeur martelait que chacun était différent, que d'autres dons pouvaient se manifester. Mais Novak usait des échos en se comparant à Liam. De son côté, ce dernier recherchait l'adrénaline que ses capacités lui avaient procuré.

Liam était un garçon d'action. Jamais il ne s'était senti aussi bien que lorsqu'il avait compris qu'il avait sauvé ses camarades et sa sœur.

Il traînait de plus en plus souvent avec Brume et Millie, mais faisait toujours le lien avec le reste du groupe. Car en plus de partager sa chambre avec les Folio, il faisait les mêmes bêtises. Il écopa d'une retenue avec Émilien et Novak pour être descendu dans les cuisines en pleine nuit.

Un mois avant l'Armada, les médias lancèrent la dernière offensive. On en parlait dans les rues, dans les journaux. Même les JT nationaux commençaient à consacrer des sujets sur l'événement.

– Ludovica, as-tu entendu ? Trois mille euros qu'ils veulent louer leur appartement pour la semaine ? Les gens sont dingos !

– C'est ce que vous auriez dû faire, papy.

– Je ne veux personne chez moi ! répondit Ludovica.

Millie observa sa grand-mère. Elle se tenait bien droite, un verre à la main. Pour une raison qu'elle ignorait, Millie trouvait qu'elle avait l'allure des duchesses russes. Etait-ce la sonorité de son prénom ou le port altier de sa tête ? Peut-être un peu des deux.

– Il faudra y aller ensemble ! proposa Ernest.

– Mais oui ! surenchérit Ludovica. Vous dormirez à la maison et votre grand-père vous déposera au lycée. On profitera du feu d'artifice !

Liam chercha à capter le regard de sa mère, mais Clémence savait que la meilleure réponse était de leur donner satisfaction.

– Les enfants, ça vous dit ?

– Bien sûr, répondit Millie, qui cependant s'interrogeait.

– Vous allez pouvoir quitter l'internat pour une soirée, hein ?

Clémence acquiesça. Elle avait eu raison de trouver cet alibi pour la Table. Cette situation paraissait maintenant normale à tous, et les jeunes Poppy ne se voyaient pas mis en difficulté. Finalement, c'était sûrement avec Melvin que c'était le plus compliqué.




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