XVI. La dernière époclade (2/2) - réécrit

141 33 12
                                    


 Les gemini affirmèrent leur position. Au loin, malgré la pluie et le vent, les rares badauds résistants filmaient la scène, la bouche grande ouverte, le bras tremblant.

Les Poppy réalisèrent que leur monde était dévoilé au grand jour. Cela ne semblait pas gêner les jumeaux malfaisants qui leur faisaient face. Ils se dispersèrent et lancèrent une suite d'attaques sur le trio. Millie s'ancra dans le sol, espérant consolider sa sphère protectrice. Brume en fit autant. Pavés et mobiliers urbains s'écrasèrent sur les parois magiques.

– Est-ce que vous voyez si les autres s'en sortent en bas ? demanda Millie.

Brume tenta de se rapprocher du bord mais sa bulle de verre se figea. L'un des agresseurs se servait des échos pour l'immobiliser. Elle pouvait seulement bouger à l'intérieur.

– Je ne peux rien faire, à moins de...

– Non ! cria Liam. Ne brise pas la sphère ! C'est ce qu'ils veulent.

– Combien de temps pourront nous tenir ? demanda Millie.

– On ne lâche pas ! répéta Liam, le visage grimaçant sous l'effet du pouvoir qui drainait ses forces.

Le jeune adolescent eut alors une idée.

– Il faut l'agrandir.

Les filles comprirent ce qu'il voulait dire. Prenant garde de ne pas inclure les six hommes qui se rapprochaient sans arrêter leur salves, Millie et Brume étendirent leur sphère vers l'arrière. Brume se rapprochait des escaliers et n'allait pas tarder à voir ce qui se passait en contrebas.

Mais trois attaquants s'envolèrent pour les cerner, empêchant soudain leur progression. Les trois jeunes s'épuisaient et, soudain, ils commencèrent à sentir la pluie et le vent à l'intérieur. Les éléments solides ne pouvaient toujours pas passer, mais pour combien de temps ?

Face à cette faiblesse, l'un d'eux ordonna :

– Bocal !

Alors ils attirèrent à eux toutes les gouttes de pluie. Un serpent d'eau s'éleva et ils l'envoyèrent remplir la bulle de protection. En moins de dix secondes, sans avoir le temps de prononcer un mot, Brume, Millie et Liam se retrouvèrent noyés, battant des jambes désespéramment.

Millie et Brume ne voulaient pas céder à la panique, mais l'air leur manquait et une douleur dans la poitrine s'éveilla. Elles n'allaient pas pouvoir tenir plus d'une minute. Liam essayait de la faire sortir mais ils contraient ses tentatives.

Liam serra le poignet de sa sœur, voulant dire « on a perdu ». Le champ protecteur s'évanouit soudain et, d'une même vague, ils s'échouèrent sur le bitume abîmé, crachant l'eau de leurs poumons.

Le chauffeur et ses comparses s'approchèrent d'eux avec prudence. D'expérience, il ne fallait jamais croire la faiblesse de l'ennemi.

– Qu'est-ce que vous nous voulez ? parvint à dire Liam dans un râle.

– Nous avons déjà tout ce qu'il nous faut ! répondit-il, aussi sadique. Regardez leur tête !

Il désignait les témoins de la scène. Pour eux, la face du monde avait changé, leurs croyances brisées en mille éclats.

– Un dernier tour de piste, pour le spectacle !

Brume se retrouva d'un coup à une centaine de mètres de hauteur. Ils ne distinguaient plus son visage mais elle criait, sa chevelure d'argent balayée par le vent. Sur l'autre rive, des passants s'agitaient.

– On est envahi par les extraterrestres ! hurla un homme en s'enfuyant.

Une mère et son enfant se jetèrent dans le fleuve.

Ils voulurent s'attaquer à Liam mais Millie saisit sa main et leurs échos firent exploser le sol, tuant un des agresseurs sur le coup.

Un nouveau combat commença. Les attaquants restants furent balayés comme des pantins. Brume cria, elle allait s'écraser mais sa chute fut stoppée par...

– Olof !

Lui et Léoncie se tenaient sur le pont. Millie ne put s'empêcher de sauter dans ses bras. Elle aperçut en bas ses professeurs qui emmenaient Paul, Novak et les autres à couvert.

– Allez vite les rejoindre !

– C'est terrible, ce qui se passe...

– Millie, va vite les rejoindre ! répéta Léoncie.

D'autres individus masqués atterrirent de nulle part.

Liam, Millie et Brume évitèrent des jets de foudre. Pas le temps de comprendre ce que c'était, il fallait sauver sa peau.

– Dépêchez-vous ! Olof, quelle heure est-il ?

Millie, sonnée par la déflagration n'était pas sûre d'avoir bien entendu. Léoncie avait-elle vraiment demandé l'heure ?

Liam et Brume la soutenait, l'aidant à atteindre les marches.

– Non, ne fais pas ça !

Le désespoir rugissant d'Olof gela Millie sur place. Elle se retourna.

– C'est notre seul espoir, répondit-elle.

Léoncie tourna son regard vers la cathédrale. Elle regardait la pendule immense. Alors, Millie comprit.

– Dans quelques secondes il sera trop tard ! cria-t-elle.

Ceux d'en face s'agitèrent. Olof s'approcha d'elle, esquivant une série d'attaques.

– Léoncie... implora-t-il en tendant le bras.

Elle caressa sa joue puis se recula.

Le temps se figea.

Et les secondes furent à rebours.

Comme lorsque Liam avait accidentellement blessé sa sœur, toutes les scènes qui avaient eu lieu défilèrent, replaçant chacun des corps dans sa situation passée. Sauf que Léoncie était dédoublée, alors qu'il y avait sa personne dans les eaux, celle sur le pont en pleine époclade subsistait aussi.

Et puis soudain, tout sembla se gommer. Les Poppy et Brume sentaient que quelque chose essayait de s'enfuir de leur mémoire.

Finalement, Léoncie sembla imploser et une lumière aveuglante envahit tout.

Lorsque Millie ouvrit les yeux, elle était devant la navette, avec les autres.

Brume et Liam se regardèrent. Olof, derrière eux, cria :

– Elle est sur le pont !

Ils le suivirent tous. Les touristes, eux, étaient totalement indifférents et cherchaient à s'abriter alors que la classe débarquait.

Sur le pont, Olof s'approcha de Léoncie. Ses yeux étaient scellés par l'éternité.

– Je ne comprends pas, dit Brume dont les larmes coulaient.

Madame Goblet s'approcha d'elle.

– Elle nous a tous sauvés. C'était sa dernière époclade, le seul moyen de garder le secret, gémit-elle en reniflant.

Les agresseurs anonymes avaient été anéantis, sauf le chauffeur, lui, grièvement blessé.

– Ma sœur, ma tendre sœur... pleurait Olof en la prenant dans ses bras.

Liam, ruisselant de larmes de fureur, se pencha sur le chauffeur.

– Qui êtes-vous ? Qui vous a ordonné de faire ça ?!

Mais la mort appelait déjà l'homme au regard perdu. Il répliqua dans un dernier souffle :

– Les anespratio se réveillent.


Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant