XI. Célèbres (2/3) - réécrit

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Au lycée, les Poppy devinrent des célébrités. Le principal Grisbois les accueillit au pied des portes de Sainte-Catherine :

– Je n'avais jamais vécu ça en trente ans de carrière !

Élèves et professeurs s'étaient relayés les vidéos, notamment sur les réseaux sociaux, si bien qu'aucun d'eux ne les ignora lorsqu'ils les croisèrent dans les couloirs. On leur garda même la meilleure table au self avec Melvin.

– Mazette ! Vous avez eu chaud, les Poppy ! J'ai essayé de vous appeler tout le week-end ! leur dit-il.

Harcelés par les journalistes, l'un comme l'autre avait coupé son smartphone en attendant que la compagnie de téléphonie leur attribue un nouveau numéro.

– Enfin, vous avez bonne mine. Je suis content de vous voir en vie, les gars !

Melvin leur tapa sur l'épaule.

– Nous aussi, on est contents.

Le professeur de Sciences l'appela par son prénom, lui qui ne désignait les élèves que par des « toi » et « toi ». Et Mathilde partagea plus d'une phrase avec Millie en cours d'Arts Plastiques, chose uniquement réservée pour ses très bons jours.

– C'est qui ce dingue en liberté ? Ils ont surveillé l'asile du coin, j'espère ! conclut Mathilde après deux heures à malaxer l'argile.

Lors des deux récréations, des élèves du lycée vinrent leur parler pour la première fois, interrompant souvent Melvin, qui s'amusait cependant de voir que leur trio volait la vedette à ceux autour desquels gravitait la vie lycéenne jusqu'alors. On s'adressait même à lui lorsque les jumeaux étaient trop pris, ce qui n'était pas déplaisant.

– Heureusement que nous n'avons pas été pris en photo ! marmonna Millie alors qu'ils s'en allaient rejoindre la Table tous les deux. Je n'ai pas pu faire plus de trois pas d'affilée, aujourd'hui. C'est épuisant !

– A qui le dis-tu ! En plus, ça nous aurait mis dans une sacrée panade. On aurait vu qu'il y avait trois paires de jumeaux à bord ! remarqua Liam.

– Mais oui, carrément ! Je n'y avais pas pensé ! Et Olof qui insistait en début d'année pour que l'on soit discret ! Ce n'est pas une réussite !

Évidemment, le doyen ne leur fit aucun reproche, seule la bonne santé de ses élèves l'importait, aussi bien physique que mentale. A l'image du principal Grisbois, il les attendait de pied ferme avec Léoncie, mais il ne put leur parler en premier car les élèves de deuxième et troisième année les attendaient tout autant.

Le retour des nouveaux gemini à la Table fut donc triomphal. Cette fois, ils étaient sept à attirer toute l'attention. Élèves, professeurs, doyen et adjointe se tenaient tous dans la salle commune, ils applaudirent à tout rompre.

– Hourra pour les nouveaux gemini ! cria Luc, perché sur une poutre lorsqu'ils entrèrent.

Olof se fraya un chemin jusqu'à eux.

– Nous sommes soulagés de vous revoir tous. Venez dans mon bureau. Allez, les autres, en cours !

Novak et Liam traînèrent en faisant des saluts dignes de gladiateurs victorieux. Brume, Herman, Émilien, Millie et Paul se pressèrent derrière Léoncie.

Dans le bureau, le calme envahit les oreilles des gemini.

– Je doute que les professeurs arrivent à tenir leur classe aujourd'hui, déclara Olof, amusé.

Il regagna son fauteuil et Léoncie trouva sa place près de lui. Elle préférait rester debout. Les adolescents se répartirent sur les canapés.

– Un peu de calme, ça fait du bien. Bon, je vous présente encore nos excuses, nous n'aurions jamais dû vous laisser sans surveillance.

– Olof, la présence de monsieur Heurtebise n'aurait rien changé aux actes du chauffard, affirma Brume.

Ses camarades approuvèrent tous sans exception.

– Comment avez-vous fait ? demanda Léoncie. Vous en êtes sortis quasi indemnes !

Novak raconta toute la scène avec une vivacité communicative, il mimait chacune des étapes : la bulle de verre de Brume - on te doit une fière chandelle, d'ailleurs ! -, la pulvérisation du mur grâce à la maîtrise exceptionnelle des échos de Liam – sans toi, nous aurions été écrasés comme des crêpes ! -, le bus retourné, et la puissance décuplée des Poppy dès que Millie avait touché son frère, permettant ainsi de stopper le véhicule – c'était moins une avant de finir dans le précipice ! - .

L'adjointe regardait les trois héros avec une lueur émue dans le regard.

– Vous formez une belle équipe. Incroyable... incroyable, marmonna Olof en faisant les cent pas.

– Du coup, imaginez ce que nous pourrions faire d'autre ! Pourquoi ne pas devenir des défenseurs de l'oppression, ou des gardes du corps surentraînés ? proposa Liam.

La mine d'Olof se fit grave et il répliqua :

– Hors de question, vous n'êtes pas des super-héros à exploiter ! Imaginez ce que serait le monde s'il découvrait l'existence de vos dons. Ce serait terrible, croyez-moi. Toute puissance désirée amène son lot d'horreurs. Nos lois visent à vous protéger et à vous donner un rôle à jouer dans les meilleures conditions pour tous.

Les Poppy repensèrent aux frères rencontrés dans le pub de Twin Alley.

– Et t'imagines la pression sur nos épaules ! ajouta Herman.

– Très juste. Bien, monsieur Heurtebise souhaite vous voir pour discuter. Vous pouvez le retrouver, il vous attend en classe.

Les gemini quittèrent le bureau avec Léoncie. Seule Millie resta encore un peu.

– Je suppose que vous avez une nouvelle question ? remarqua justement Olof.

– Oui. Vous nous disiez qu'avec mon frère nous étions des jumeaux exceptionnels. Mais vous auriez dû voir ce qu'a réussi Brume. Elle a tenu longtemps !

– La perte de sa sœur est à l'origine de la force de son pouvoir. Mais, tu ne pourras malheureusement pas y échapper, Millie. Ni toi, ni ton frère. Vous êtes définitivement des curiosités. Je m'engage à resserrer votre protection. Pas d'inquiétude, vous ne remarquerez rien, mais je pense que votre exploit n'a pas fini d'intriguer des gens peu recommandables.

Millie avait à peine rejoint sa chambre, déjà envahie par sa classe, qu'on frappa. C'était Luc, suivit d'une dizaine d'autres élèves. Ils s'entassèrent dans la chambre si bien qu'on ne voyait plus le parquet ni les dessus de lit.

– On se doute que vous en avez marre, mais on veut connaître tous les détails ! déclara-t-il tout sourire.

– Quelque chose me dit que le gardien va venir vous déloger.

A leur grande surprise, ce dernier entra au même moment.

– Faites-moi une place ! Moi aussi je veux entendre toute l'histoire !


Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant