II. Rentrée (1/3) - réécrit

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 – Retenez la porte !

Millie appuya sur le bouton pour en empêcher la fermeture.

– Merci, répondit la dame essoufflée en montant dans la rame de métro.

Liam, lui, tentait en vain de valider son ticket de transport sur la borne.

– Je t'avais dit de le faire sur celle qui est à quai, rouspéta sa sœur.

– Les bornes sont désactivées, expliqua celle qui avait failli rater le départ. Elles seront remises en service quand les contrôleurs auront fini.

De fait, sa phrase à peine terminée, une femme en uniforme bleu nuit fit signe au chauffeur de démarrer.

– C'est la première fois que vous prenez le métro, remarqua la dame. Ah, voilà, c'est revenu. Vous pouvez aussi valider le mien ?

Liam passa le titre de transport sur la borne docile. Ils saluèrent l'usagère et s'en allèrent trouver une place.

– Je te laisse celle dans le sens de la marche, dit Liam.

Le lycée Sainte-Catherine se situait en centre-ville. Millie et Liam devaient compter une demi-heure pour y arriver. Alors la jeune fille sortit son carnet.

– Tu vas dessiner là, maintenant ? demanda son frère comme si elle avait décidé de cuisiner un pot-au-feu au beau milieu des passagers.

– Oui, répondit-elle en nouant ses cheveux noirs pour dégager son visage.

– Ce n'est pas très trapique.

Millie tiqua.

– « Trapique » ?

– « Pratique », reprit-il.

Habituée au caractère farceur de son frère, elle poursuivit simplement la discussion :

– Mais si, ça va le faire !

Pourtant, la rame se remplit au fur et à mesure des arrêts et bien qu'ils étaient assis, ils durent se coller contre la vitre afin d'éviter les sacs des personnes restées debout.

Liam supposa que la plupart des passagers étaient des habitués. Les plus nombreux écoutaient de la musique, les yeux rivés au sol ou sur l'écran de leur smartphone. Quelques irréductibles lisaient un livre ou le journal. Les plus bruyants étaient les jeunes enfants ou ados qui se rendaient en groupe à leur rentrée de collège ou de lycée.

Millie avait rangé son crayon mais observait le paysage. Liam ne faisait rien, sa sœur devinait son stress mais ne le lui fit pas remarquer. Il sortit son nouveau téléphone et s'occupa à en découvrir les fonctionnalités, malgré le conseil de leur père qui leur avait conseillé de ne pas trop l'exhiber dans les transports en commun, à cause de ces histoires de racket.

Le métro fendait l'air chaud. Il traversa le pont qui menait au centre-ville, sur la rive droite. Millie dégaina son appareil photographique. Le reflet de la colline de craie blanche qui se détachait dans le ciel bleu ondoyait sur l'eau. Ce serait à coup sûr son prochain sujet de peinture.

– Qu'il fait chaud ! se plaignit un homme qui pourtant n'avait rien d'autre à enlever que son T-Shirt.

Il restait seulement trois stations avant l'arrêt qui desservait leur lycée. Ils avançaient désormais sous la ville. Sans rien d'autre à voir que la lueur des phares dans le tunnel, Millie s'attardait sur les gens qui descendaient ou montaient à bord. Puis, alors que le métro redémarrait, ils furent interrompus :

– Je peux m'asseoir ? demanda un garçon de leur âge.

– Bien sûr, répondit Liam en remarquant sa genouillère.

Millie se leva :

– Viens, Liam, allons attendre devant la porte.

Elle ne voulait pas manquer la sortie, c'était bondé à l'intérieur. Ils se frayèrent un chemin entre les usagers. La rame était beaucoup plus animée, à croire que le soleil commençait déjà à chauffer les têtes. Liam n'arrêtait pas de passer la main dans ses cheveux blonds que sa mère avait coupés le matin même. Il n'était pas très causant, ça ne lui ressemblait pas. Mais Millie était toute aussi anxieuse de commencer sa rentrée.

Enfin, ils lurent le nom de la station sur le quai où ils descendaient.

– Vas-y ! ordonna Liam pour empêcher d'être bloqué par ceux qui voulaient monter.

Millie reconnut parfaitement le couloir qui menait à la surface, dans la longue avenue qui rejoignait l'établissement. Elle avait déjà fait le trajet avec son père, pour la reconnaissance des lieux et pour déposer les derniers éléments de son dossier d'inscription. C'était au tout début de l'été. Elle se disait qu'elle aurait encore le temps avant la rentrée, et pourtant voilà que le jour était arrivé. Elle sentit son estomac se nouer. Allaient-ils se plaire au lycée ?

Derrière eux, quelqu'un les appela :

– Eh ! Vous allez aussi à Sainte-Catherine ?

C'était le jeune homme à la genouillère.

– Ouais, répondit Liam.

– Moi aussi ! Je m'appelle Melvin.

– Moi c'est Millie, et lui c'est mon frère, Liam.

– Vous êtes jumeaux ?

Ils acquiescèrent.

– Cool.

– Si tu le dis...

– Hein ?

– Non, rien.

– Tu t'es blessé ? demanda Liam.

– En essayant de sauver une mère et son bébé, répondit Melvin.

– Ah bon ?

– Mais non, Millie.

Puis, s'adressant à Liam :

– Dis, ta sœur est toujours aussi crédule ? J'ai fait une chute dans les escaliers. Du coup, annulation de mes vacances à la montagne. Enfin, c'est bientôt terminé, le kiné m'a dit que dans une semaine je pourrai l'enlever. D'habitude je ne prends pas le métro, j'adore marcher dans la ville.

Cet échange sympathique avec Melvin eut l'avantage de faire un peu retomber la pression des Poppy. Ils débarqueraient à trois dans l'enceinte du lycée et se sentiraient donc moins seuls. Cette première rencontre était un bon présage.

Millie espérait même qu'il serait dans sa classe. Son attitude dégageait quelque chose de rassurant. Il était différent des collégiens à qui elle avait eu affaire, elle devinait une certaine maturité pour son âge.

Pendant les derniers mètres, ils dirent de quel collège ils venaient et où ils habitaient. Puis la clameur des lycéens attira leur attention alors qu'ils arrivaient aux portes du lycée Sainte-Catherine.  

Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant