XIV. Sac de nœuds (2/2) - réécrit

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 C'était un pub dont le décor représentait le pont d'un navire, tout de bois, de cordages et de lanternes. Un groupe de tout âge chantait sur l'estrade, l'un des choristes s'appuyait sur un tonneau de rhum, il semblait déjà bien aviné.

– C'est charmant. Oh, mais où... Liam, Millie !

Les jumeaux n'avaient pas attendu pour prendre place sur les tabourets vides à la table où les matelots de l'Artémis venaient de s'installer.

Ludovica et son mari les rejoignirent.

Millie tendit l'oreille. Les matelots chahutaient. Ils passèrent commande auprès d'un serveur qui semblait être sur les rotules.

– On n'entend rien, déclara Ludovica quelques minutes plus tard.

– Rapprochez-vous, il y a une table pour deux là-bas, montra Liam.

– Nous, on veut une dédicace des marins !

– Je vous surveille, prévint-elle en rejoignant son mari.

Une fois tranquille, Millie interpella son voisin de table en anglais.

– Oui ? Demanda-t-il.

– J'ai une question à vous poser. Voilà, j'ai vu que vous étiez à bord de l'Artémis...

– Aucun problème, je peux signer ton programme, coupa-t-il pris par l'euphorie. Par contre je n'ai pas de tampon sur moi.

Tous les marins avaient l'habitude de cette pratique pendant l'événement. Les files de jeunes moussaillons brandissant leur carnet à autographes faisaient partie du folklore.

– Non, ce n'est pas pour ça, mais, je sais qu'Artémis est la jumelle de...

Millie s'arrêta. Le marin dont le coude touchait Liam, la dévisageait d'un drôle de regard.

– La jumelle de... ?

Millie préféra une autre approche :

– On a entendu parler de British Gemini...

L'agitation parmi le groupe était palpable.

– On n'a rien à dire sur tout ça ! Vous êtes quoi ? Journalistes pour l'école ?

Ils leur tournèrent le dos et commandèrent d'autres bières.

Alors Liam se servit des échos pour attraper l'une des chopes. Le matelot attrapa son bras :

– Mais t'es fou !

– J'ai votre attention, maintenant ?

– Tu ne te rends pas compte des conséquences de ton acte ! Imagine si d'autres avaient vu !

– Je ne suis pas stupide, j'ai fait attention.

Les marins de l'Artémis observèrent le pub par-dessus leur épaule.

– Fallait commencer par-là, nous dire que vous étiez jumeaux, expliqua le marin.

– Vous ne pouviez pas deviner ? Pourquoi je viendrais vous parler de l'Artémis et de Gemini British...

– Chut ! Tout ça, c'est du classé secret défense ! On n'est pas dans un lieu « de liés », alors motus !

– Ça fait plaisir de se sentir écouté ! marmonna Liam en se levant. On ne peut trouver notre place avec les gens « normaux » et les nôtres nous rembarrent !

– Attends, gamin !

Il saisit son poignée.

– Tout va bien, les enfants ? demanda Ernest qui s'était approché à la vue de ce comportement étrange.

– Très bien, papy.

– Bien. Terminez vos verres, on repart bientôt.

Les Poppy firent un signe à Ludovica qui agitait joyeusement sa main alors qu'Ernest se rasseyait près d'elle.

– On n'a plus beaucoup de temps, informa Millie. Est-ce qu'il y a une raison particulière pour votre présence ici, à l'Armada ?

Son frère surenchérit :

– On a toutes les raisons de croire qu'un truc bizarre se prépare. Nous avons été attaqués cet hiver par un drôle de type. Il n'a pas été retrouvé. Et notre sortie scolaire se déroulera ici, surenchérit Liam.

Ils écoutaient tous calmement. Si bien que le denier chant marin avait repris l'ascendant sur le brouhaha des conversations.

– Il n'y a rien de louche concernant notre présence ici. Nous servons notre pays au même titre que les autres.

– Oui, enfin vous dissimulez vos activités.

– Vous pensez que les navires militaires lambda dévoilent tout pendant leur visite ? Bien sûr que non. Nous sommes là pour la célébration.

Face à Millie, Ernest et Ludovica se mirent à danser sur les dernières notes du chant.

– Qu'est-ce qu'il va se passer le 7 juin à quinze heures ?

Il se concentra puis admit :

– Rien ... Juré, on ne vous ment pas.

– Sylvère Horngrès, ça vous parle ? demanda Liam.

Cette fois, les marins se regardèrent. Millie expliqua l'affaire du mot.

– Nous allons partager cette information avec nos équipes. Nous ne pouvons rien vous dire, mais, pitié, faites très attention à vous, petits gemini.

Ludovica les coupa dans leur conversation :

– C'était super chouette ! Vous venez ? Nous allons rater le début du feu d'artifice, sinon !

Ils enfilèrent leurs vestes. Leurs grands-parents saluèrent les marins de l'Artémis. Puis les Poppy quittèrent le pub. Liam entendit cette dernière recommandation :

– Sylvère est dangereux. A votre place, j'annulerais la sortie !


Gemini PoppyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant