Conflits d'intérêts

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Vinz, assis sur sa chaise, ruminait du noir. Il lui était incapable de ne pas jeter des coups d'oeil mauvais à la gosse devant lui. Il savait qu'elle entendait toutes ses pensées, il voyait ses sourcils se froncer quand elle captait une pensée pour Xine. Elle devait aussi savoir que cette nuit, il avait planifié de la jeter depuis la tour du manoir. Mais du haut de ses huit ans, elle ne ferait pas le poids, encore moins si elle sollicite leurs aides.

- Pour information, j'ai seize ans, murmura-t-elle dans sa barbe.

- On t'a demandé de parler le gnome ? cracha Vinz récoltant un coup de la part de Yold.

- V, commence pas, grogna Y.

Il ne répondit pas mais prit le temps de formuler dans sa tête une petite phrase pour la petite : Si d'ici deux heures, tu es encore là, je sonne la chasse aux télépathes.

Et elle devait le sentir : il avait très faim.

Devant lui, il la vit tressaillir, les doigts crispés sur sa fourchette, les yeux figés d'horreur. Parfait.

Mais alors qu'il savourait sa victoire, il se retrouva projeter à l'autre bout de la pièce. Il grogna de mécontentement en se remettant sur pattes pour faire face à son adversaire. Mais quelle fut pas sa surprise en voyant Z levé la main tendue vers lui.

- Arrête de l'effrayer, déclara-t-il.

Un son guttural lui remontait la gorge en même temps que son côté animal prenait le dessus.

- Vinz, mon ami... commença Yold.

Mais il n'entendait déjà plus ses paroles, elle lui demandait de sortir. Elle voulait tout dévorer. Ils avaient si faim... tellement faim. Oh, rien qu'une bouchée...
Il sentait de moins en moins le poids de ses habits, sa vision se rétrécissait en un point.

- Il va se métamorphoser ! couina la petite.

Ils commenceront par elle. Cette intruse, cette espionne, cette télépathe... Elle méritait de mourir. Parmi les Phosphores, les télépathes étaient les méchants des contes. Combien de télépathes avaient tenté de devenir plus fort en avalant les esprits d'autres Phosphores ? D'après ses parents, beaucoup trop pour qu'on puisse en côtoyer un. Mais Z et Y ne savaient pas. Ils ne connaissaient pas le fléau qu'ils représentaient.

- On est pas tous comme ça ! hurla l'agaçante petite voix.

Un bond et il l'atteignait. Un bond et il n'entendait plus son horripilante voix d'enfant. Un bond et il était libre. Ils ne voyaient quasiment plus rien. Il perdait le contrôle, il le laissait à son alter-ego. Il saurait faire face à la situation. Et alors qu'il se sentait s'élancer, la vision, son ouïe, son toucher tout lui revint. Son loup était parti. Il ne le sentait plus. Il ne sentait plus sa présence avec lui, dans son corps, dans son esprit.

- Où est-il ? cria-t-il.

Il se sentait seul. Il avait froid. Il était seul. Où était-il ? Il était... mort ?

- Non. NON. NOOON.

Vinz se jeta au sol, les bras autour de son ventre. On lui avait volé une partie de lui. Une partie qui le complétait. Qu'il haïssait autant qu'il chérissait.

- Il n'est pas mort, murmura toujours la même voix.

Il releva brusquement la tête pour la voir. Elle était cachée derrière l'imposant corps de Z mais l'observait curieusement. Une seule personne pouvait faire disparaître une entité cohabitante.

- C'est toi, cracha-t-il en se redressant, salaud de télépathe ! Tu vas me le rendre ou je te décapite ! Je te promets que tu vas vite retourner d'où tu viens !

Le Chant Du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant